Quelle est la réalité de la situation migratoire outre-mer ? Les territoires concernés sont attractifs avec une part de population étrangère non négligeable. C'est surtout le cas pour les territoires du bassin atlantique et de l'océan Indien. Plus précisément, Mayotte, la Guyane et Saint-Martin se singularisent par une proportion de ressortissants étrangers beaucoup plus forte qu'en métropole et que dans les autres territoires d'outre-mer ; mais aussi par des admissions annuelles au séjour plus nombreuses ; enfin par des éloignements d'étrangers en situation irrégulière plus nombreux. Les collectivités d'outre-mer du Pacifique et Saint-Pierre-et-Miquelon sont pour leur part moins touchés puisque la population étrangère y est quasi inexistante.
En matière d'immigration régulière, selon le rapport sur les étrangers en France, remis au Parlement en 2018 sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile – CESEDA – , ce sont la Guyane et Mayotte qui concentrent la plus forte population étrangère. On compte en Guyane 47 463 étrangers sur une population totale de 281 000 habitants et, à Mayotte, 33 957 étrangers sur une population totale de 259 000 habitants. Aux Antilles, une immigration régulière vient principalement du bassin caribéen.
En matière d'asile, la demande, en outre-mer, a connu une baisse sensible en 2018, passant de 6 363 demandes en 2017 à 3 755 en 2018, soit une baisse de 41 % qui s'explique par une forte diminution des demandes en Guyane, malgré une hausse constatée à Mayotte où les demandes passent de 643 en 2016 à 1 498 en 2017.
Pour ce qui est de l'immigration irrégulière, la pression migratoire est variable selon les territoires. L'immigration clandestine est particulièrement prégnante à Mayotte, en Guyane et à Saint-Martin au regard de leur population.
En Guyane, il est difficile d'avoir des données chiffrées, mais on peut noter que la politique de l'État commence à porter ses fruits. En effet, le nombre d'obligations de quitter le territoire français – OQTF – est passé de 11 000 en 2017 à 14 300 en 2018, soit une augmentation de 31 %, avec une augmentation des éloignements lointains.
À Saint-Martin, selon les derniers chiffres établis avant le passage de l'ouragan Irma, on comptait environ 6 000 étrangers en situation irrégulière pour une population de 35 000 habitants sur 53 kilomètres carrés.
À La Réunion, une route migratoire risque de s'ouvrir avec le Sri Lanka étant donné que, depuis mars 2018, en quatre vagues successives, 83 ressortissants sri-lankais sont arrivés par la mer. Dans cette perspective, les autorités françaises se sont attachées à renforcer la coopération avec les autorités sri-lankaises.
Permettez-moi de m'arrêter sur le cas singulier de Mayotte, petite île de 374 kilomètres carrés où près de la moitié des habitants sont d'origine étrangère. En effet, en 2018, 48 % des personnes à Mayotte étaient étrangères dont une immense partie en situation irrégulière. Le territoire compterait 62 000 étrangers en situation irrégulière sur une population totale de 259 000 habitants. Les flux illégaux entrants sont estimés entre 24 000 et 28 000 personnes par an. Environ 20 000 reconduites à la frontière sont effectuées chaque année – essentiellement en direction des Comores – , ce qui représente la majorité des reconduites concernant les territoires d'outre-mer.
La politique migratoire de la France pour l'outre-mer répond aux mêmes objectifs que pour l'Hexagone : garantie du droit d'asile, lutte contre l'immigration irrégulière, diplomatie et aide publique au développement. Cependant, il existe une politique différenciée en raison des particularités de certains territoires. Les départements et collectivités d'outre-mer ne font pas partie de l'espace de libre circulation de Schengen. Il y a un droit adapté aux réalités des territoires d'outre-mer. C'est le cas du décret « portant expérimentation de certaines modalités de traitement des demandes d'asile en Guyane » qui vise notamment à réduire le délai de traitement de ces demandes.
C'est également le cas à Mayotte avec l'assouplissement des règles d'acquisition de la nationalité : il est prévu un délai de saisine de cinq jours du juge des libertés et de la détention en rétention administrative contre deux sur le reste du territoire national. Il s'agit pour le Gouvernement, dans le cadre d'une politique volontariste, de lutter contre l'immigration irrégulière à Mayotte.
Nous devons adopter une approche globale avec un renforcement de la chaîne pénale, juridique et sécuritaire, et donner la priorité à la diplomatie. Tout récemment, la ministre des outre-mer est venue présenter le plan de renforcement et d'approfondissement de la lutte contre l'immigration clandestine – PRALIC – , dénommé « Opération Shikandra ». Je tiens à saluer l'action du Gouvernement qui a pris la mesure de la réalité mahoraise. Toutefois, il est nécessaire de durcir certains critères d'accès au séjour afin que les détenteurs de titres puissent quitter le territoire de Mayotte. En d'autres termes, il faut poursuivre cette politique différenciée afin de rendre Mayotte aux Mahorais.
J'entends également appeler votre attention la diplomatie et la coopération régionale, que je considère comme un axe prioritaire. On peut déjà noter quelques avancées. Le document cadre de partenariat entre la France et l'Union des Comores a été signé à Paris le 22 juillet 2019. La question migratoire est la clé de voûte de cet accord dont les premiers objectifs portent sur la sécurité des personnes et la lutte contre le trafic des êtres humains. Cet accord dispose également d'un volet « Aide au développement », avec une enveloppe de la France de 150 millions d'euros sur trois ans, soit de 2019 à 2021. Les priorités ciblées sont la formation et l'insertion socioprofessionnelle des jeunes, l'agriculture et la coopération sanitaire.
Au-delà de la coopération bilatérale France-Comores, la coopération régionale doit également être renforcée. Mayotte, dernier département français en date, a besoin d'une meilleure intégration dans son environnement régional. À ce propos, monsieur le Premier ministre, à quand l'insertion de Mayotte au sein de la Commission de l'Océan indien, la COI ? Cette organisation doit prochainement renouveler son exécutif et c'est à la France de désigner un nouveau secrétaire général. En Guyane, il existe deux commissions mixtes de coopération transfrontalière en matière policière et douanière.
Autre point sur lequel j'insisterai : la nécessité de développer nos territoires. D'une manière générale, en outre-mer, nous avons besoin d'ingénierie, d'experts. Quelques secteurs disposent d'une immigration qualifiée comme le secteur spatial et le secteur minier en Guyane. Or d'autres pourraient en bénéficier comme la santé, en favorisant la coopération médicale, en développant aux Antilles une faculté de médecine de plein exercice, trilingue français-anglais-espagnol, laquelle permettrait de faire rayonner la culture médicale française dans les Caraïbes. Je pense également au secteur de l'environnement, en favorisant le développement de filières universitaires spécialisées et la venue de scientifiques ; ou à l'enseignement supérieur, en encourageant le rayonnement régional de nos universités et leur rôle de tête de pont de la stratégie d'influence de l'enseignement supérieur et de la recherche français et européen.
Je l'ai évoqué au début de mon intervention, l'outre-mer est composé de terres d'intégration. Certes, ne nous leurrons pas, il y a des tensions face à une pression migratoire dans certains territoires et des équilibres socio-économiques fragiles à préserver. Le Gouvernement y apporte une attention particulière, comme le montrent les dispositions prises en matière civilo-militaire, juridique et diplomatique.