Je souhaite répondre à trois arguments que j'ai entendus. Tout d'abord, nous ne remettons nullement en cause la science, et c'est parce que nous savons ce qu'elle permet que nous souhaitons poser un interdit. Nous savons que l'expérimentation n'est pas nécessaire, parce qu'elle portera ses fruits : de fait, on saura trier et éliminer, mais c'est précisément là-dessus que porte notre réserve, car nous ne souhaitons pas nous engager dans cette voie. Sans remettre en cause, donc, le travail scientifique, nous voulons poser une limite. L'enjeu d'une loi de bioéthique est aussi, en effet, comme le disait la présidente de la commission spéciale, de savoir quels sont les interdits qu'on ne souhaite pas lever.
Le deuxième argument est le parallèle avec l'interruption médicale de grossesse. Je ne doute pas que chacun, dans cet hémicycle, accepterait de voter un amendement qui permettrait de garantir qu'une femme ne puisse pas subir de fausse couche. Personne ici, en effet, ne souhaite qu'une femme souffre. Or, cet amendement ne permet pas de le garantir. De fait, les facteurs environnementaux qui peuvent entraîner une fausse couche sont si nombreux que, même si nous pouvions éliminer uniquement certains facteurs chromosomiques, cela ne suffirait pas. Et par ailleurs, comme l'a rappelé la ministre, ce qui serait visible sur les cinq centimètres de cette petite lame ne se limiterait pas à cette possibilité. Les situations ne me semblent donc pas comparables. Du reste, il est ici question de l'implantation d'un embryon, et le choix serait donc fait avant la grossesse. Or, on n'est pas la même personne selon qu'on décide en cours de grossesse de poursuivre ou non cette grossesse, avec la douleur et les difficultés que cela suppose, ou qu'on doit choisir a priori entre un embryon « sain » – mais qu'est-ce que cela veut dire ? – et un embryon qui ne le serait pas. En votant cela, on accepte de fait cette sélection systématique.
Le troisième argument, enfin, qui s'applique à l'ensemble des lois de bioéthique, est la question de savoir si l'on souhaite ou non placer un curseur. C'est là, selon moi, l'essentiel et c'est pourquoi je pense que ce sujet est le plus sensible de ce projet de loi – la PMA est en effet une question beaucoup plus simple sur le plan éthique. Pour ma part, je ne sais pas où placer le curseur et je ne souhaite pas que nous prenions, en notre qualité de législateur, le risque de mettre un pied dans la porte, et qu'on nous demande ensuite de détecter d'autres types d'anomalies et de maladies. Nous ne souhaitons pas nous engager dans cette voie ce soir.