Ce risque est celui d'aboutir à une réification de la personne, à des personnes conçues sur mesure. Cela nie leur identité, cela nie ces personnes elles-mêmes, ce qui a pour la société des conséquences absolument vertigineuses.
Camus, que j'ai apprécié tout à l'heure d'entendre citer par un collègue, disait : « un homme, ça s'oblige. » Ça s'oblige à la prudence en cas de doute. Or, toutes les interventions, ici, expriment un doute, celui qu'a éprouvé le CCNE à propos de cette question précise et qu'il n'a pas tranché. Notre devoir premier est celui de la prudence et de la sagesse antiques, sagesse profondément humaine qui doit nous habiter. Nous sommes terriblement humains lorsque nous nous affranchissons de certaines servitudes, et terriblement humains lorsque nous sommes capables de renoncer à franchir certaines limites. Ce sont deux formes d'humanisation. Aujourd'hui, nous sommes appelés à vivre la deuxième.
Oui, un homme, ça s'oblige. Nous disons « ni dieu ni maître », mais nous avons une histoire dont il faut tirer les enseignements. Faisons-en mémoire. C'est l'histoire de la Seconde guerre mondiale, de la nuit de l'Europe, qui a été aussi la nuit l'humanité. Et en 1948, la Déclaration universelle des droits de l'homme a rappelé que les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.