Intervention de Guillaume Vuilletet

Réunion du mercredi 2 octobre 2019 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Vuilletet :

Monsieur le rapporteur, vous avez illustré votre propos par un chiffre terrible. Il est d'autant plus terrible qu'à chaque étape de cette proposition de loi, nous avons dû le réviser à la hausse. En ce moment même, il est peut-être en train d'augmenter. Cela donne la mesure du drame national que nous vivons : ces violences ne s'arrêtent jamais et le décompte morbide des victimes continue.

Chaque année, près de 220 000 femmes subissent des violences de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. En 2017, 130 sont mortes et en 2018, 121. Cette réalité insupportable doit faire l'objet d'un combat sans relâche mobilisant la puissance publique et la société civile au-delà des clivages, au-delà de la foi et des convictions.

Ce qui se passe aujourd'hui n'est pas anodin. Nous construisons ensemble un texte avec le sentiment partagé qu'il faut agir de façon urgente et consensuelle. Le Président de la République a fait de l'égalité entre femmes et hommes la grande cause du quinquennat. Piloté par le Premier ministre sous l'impulsion de la secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes, Mme Marlène Schiappa, dont je salue l'engagement remarquable, le Grenelle contre les violences conjugales doit nous permettre de trouver des solutions au plus près du terrain pour aider les victimes, rappeler aux auteurs des violences la loi et la gravité des faits, pousser les témoins à intervenir. Notre groupe, La République en Marche, se tient aux côtés du Gouvernement. Parce que notre responsabilité est collective, notre travail doit être collectif et je me félicite de la concertation entre les groupes qui a marqué l'élaboration de ce texte. Je tiens à vous remercier, monsieur le rapporteur, pour votre esprit d'ouverture.

Différents objectifs sont poursuivis. Comme l'a annoncé le Gouvernement, le premier consiste à assurer une meilleure prise en charge des victimes à toutes les étapes de leurs démarches. L'action des autorités compétentes doit être exemplaire. La mise en place d'un protocole unique d'évaluation pour remédier aux disparités de traitement entre les territoires, la généralisation de la possibilité de porter plainte à l'hôpital, une meilleure articulation entre les différents acteurs judiciaires ont été annoncées.

Le deuxième objectif consiste à protéger les victimes en leur assurant un hébergement. Cinq millions d'euros supplémentaires vont être mobilisés pour créer mille places nouvelles d'hébergement et de logement d'urgence, dont les trois quarts dans des structures collectives grâce à la mobilisation de l'allocation de logement temporaire (ALT). La présente proposition de loi prévoit dans son article 2 que la victime des violences garde la jouissance du logement commun en laissant les frais afférents à la charge du partenaire violent. Nous avons déposé un amendement afin de rétablir le pouvoir d'appréciation du juge aux affaires familiales tout en conservant le principe de l'attribution du logement au conjoint victime pour des raisons que je détaillerai. Le texte prévoit également la prise en charge de la caution et de la garantie locative ainsi qu'une avance sur le paiement des six premiers mois de loyer à destination des victimes qui quittent le logement du couple. Nous laisserons au Gouvernement le soin de s'exprimer sur ce sujet.

Le troisième objectif, qui me tient particulièrement à coeur, est d'assurer la mise en place de dispositifs efficaces pour éloigner les conjoints et ex-conjoints violents. On constate aujourd'hui des failles dans notre dispositif de protection qui ne préserve pas suffisamment les victimes potentielles. Il est possible de sanctuariser le domicile d'une femme mais il y aura toujours des cas où les secours arriveront trop tard. Cela a été le cas à trois reprises depuis le début de l'année. Une solution existe. Il s'agit d'un dispositif complémentaire au bracelet électronique qui permet d'alerter la victime et les forces de l'ordre lorsque l'auteur ne respecte pas l'interdiction imposée par le juge de s'approcher. Le dispositif a fait ses preuves, notamment en Espagne où, depuis 2004, on observe une réduction de près de 40 % des cas de récidive. Le dispositif peine à être expérimenté en France.

Ces informations m'ont été fournies en partie par les animateurs de l'association Security Systems Valley, cluster du Val-d'Oise qui regroupe des entreprises et usagers du secteur de la sécurité. Je tiens à souligner leur engagement en ce domaine ainsi que celui de la présidente et du procureur de la République du tribunal de grande instance de Pontoise. Le département du Val-d'Oise s'est beaucoup impliqué dans ce projet et je salue le travail de mes collègues, Mme Fiona Lazaar en particulier. Lors de l'examen de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, j'avais sollicité le renouvellement de cette expérimentation. M. Philippe Gosselin, notre collègue du groupe Les Républicains, avait déposé un amendement dans le même sens, ce qui est sans doute la preuve qu'un consensus commençait à émerger.

La généralisation du bracelet anti-rapprochement a fait l'objet d'une proposition de loi que j'ai déposée récemment. Cette mesure est également inscrite dans le présent texte. Nous présenterons une série d'amendements pour compléter les articles en intégrant des dispositions qui permettront d'instituer, dans un cadre juridique simple, un dispositif solide qui assurera une protection réelle et efficace. Nous demanderons par ailleurs la suppression de la prise en charge financière du dispositif par le conjoint violent pour des raisons que j'expliciterai. Le juge pourra proposer la mise en place du bracelet dans deux situations : en cas de condamnation pour violences conjugales mais aussi au stade pré-sentenciel.

D'autres dispositions seront discutées et notre majorité fera ses apports au texte.

Pour conclure, j'aimerais revenir à un fait simple : nous sommes aujourd'hui en train de bâtir un consensus et je pense que celui-ci permettra de renforcer la prise de conscience du pays tout entier face à ce drame national.

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