Je vous remercie, chers collègues, de l'état d'esprit qui règne en cet instant dans notre Commission. J'espère ne pas m'habituer à cette unanimité, et je prends l'engagement qu'elle puisse cesser, le 10 octobre passé. (Sourires.)
Nous sommes cohérents avec l'histoire de l'Assemblée nationale. Depuis l'origine s'y succèdent des moments de bataille politique, sains pour l'exercice de notre démocratie, et des moments de rassemblement autour des grandes causes. Ce n'est pas ignorer l'histoire de l'Assemblée nationale et de la vie politique de notre pays de renouer avec certains des grands combats qui ont eu lieu par le passé. Au contraire, cela nous rattache à l'histoire de la République française.
Au fur et à mesure des amendements, nous allons entrer dans les détails des interrogations de chacune et de chacun, auxquelles je veillerai à répondre le plus précisément possible.
Vous avez raison de dire qu'il faut associer deux volontés : l'une politique et l'autre budgétaire. C'est le cas aujourd'hui et cela le sera encore plus demain si notre proposition de loi est votée, puisque la mise en oeuvre du bracelet anti-rapprochement nécessitera des moyens financiers incontournables. À cet égard, il est bien évident que si nous regardons quelques voisins européens, notamment l'Espagne, qui n'est pas exemplaire à tous égards mais qui a réussi sur ce sujet, nous sommes très loin du compte pour ce qui est de la mobilisation budgétaire. Le pacte espagnol de 2017, qui a consacré un milliard d'euros sur cinq ans à la cause, a véritablement permis de changer la protection de ces femmes. Il est bien évident que nous ne couperons pas à ce débat.
Nous avons auditionné une magistrate espagnole qui nous a expliqué comment le dispositif fonctionnait. Nous savons que, pour mobiliser le bracelet anti-rapprochement, ils ont fixé un cap à 15,5 millions d'euros sur deux ans et demi. Il nous faudra nécessairement au moins le même volume financier pour éviter que le dispositif n'en reste au stade de la loi.
Nous faisons une différence avec le mode de fonctionnement espagnol en prenant en compte la tradition législative et juridique française. Notre outil stratégique sera demain l'ordonnance de protection. Dans le panel des possibilités données aux magistrats, il y aura une diversité afin de graduer la sanction : interdire le contact, statuer sur la question du logement et, a maxima, au regard de l'urgence, appliquer le bracelet, qu'il ne s'agit pas de systématiser au risque d'être sans effet. Il s'agit de définir un outil maximal. Il ne faut pas que les magistrats oublient d'utiliser le bracelet lorsqu'il sera nécessaire.
La révolution culturelle doit être générale. Elle doit concerner la culture politique, celle du législateur, mais aussi celle de la société et des magistrats. Je le dis très clairement : nous avons une vraie révolution à mener auprès des magistrats qui ne sont pas tous sensibilisés de la même manière à cette question. Il faut aussi informer les forces de l'ordre et les avocats. Nous avons auditionné certains avocats dont les discours étaient parfois troublants, du fait de leur méconnaissance du sujet.
Quant à la question de la recevabilité financière des amendements, certains dispositifs nécessiteront des levées de gage du Gouvernement.
Je conclurai avec quelques chiffres pour aider à fixer les idées sur l'ordonnance de protection. Actuellement, 50 % des demandes ne sont pas reçues favorablement. Il se peut qu'elles ne soient réellement pas justifiées, mais peut-être aussi le filtre est-il un peu trop contraignant. De la même manière, 2 400 décisions d'ordonnances de protection sont rendues chaque année. Or, lorsque l'on regarde le volume des violences faites aux femmes, on est très loin du compte. Dans 74 % des cas, il y a eu un dépôt de plainte, parfois forcé. Dans 90 % des cas, il est demandé aux magistrats de statuer sur le droit de visite et d'hébergement du défendeur. La question de l'hébergement est donc absolument stratégique. Dans 70 % des cas, le magistrat est invité à statuer sur la question de l'autorité parentale. Enfin, dans 20 % des cas, les défendeurs ont déjà fait l'objet de poursuites pour violences conjugales. C'est dire combien sont larges les trous dans la raquette. Enfin, dans neuf dossiers sur dix comportant un enfant mineur, le JAF a été saisi afin de statuer sur les modalités d'accueil de l'enfant par le défendeur, ce qui pose la question des lieux médiatisés.