Intervention de Aurélien Pradié

Réunion du mercredi 2 octobre 2019 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Pradié, rapporteur :

La question du dépôt de plainte est cruciale mais je ne suis pas certain que l'amendement CL26 y réponde. Vous avez raison de considérer que le passage par une main courante est problématique alors qu'une plainte serait plutôt requise. Pour autant, je ne suis pas un fanatique de cette dernière pour deux raisons.

Tout d'abord, aujourd'hui, on pousse ou on devrait pousser à déposer plainte pour qu'une ordonnance de protection soit délivrée. Demain, la proposition de loi fera un sort à ce verrou-là en disposant que l'ordonnance peut résulter de n'importe quel processus. La plainte n'étant plus nécessaire, il y aura moins de raison de pousser en ce sens.

Ensuite, la plainte n'est pas toujours la bonne solution pour la victime. En effet, elle nécessite un cheminement personnel qui n'est pas anodin et nombre de victimes ou de représentants d'associations de victimes que nous avons auditionnés nous disent qu'elles acceptent d'aller voir un avocat, une association, parfois de pousser la porte du commissariat ou de la gendarmerie, mais que des problèmes se posent au moment du dépôt de plainte : outre celui de son recueil par les officiers de police judiciaire – nous sommes d'accord – des femmes ne veulent pas déposer plainte parce qu'elles savent que cette démarche change les choses et qu'elles anticipent ses conséquences.

Lorsqu'une plainte est acceptée par l'officier de police judiciaire, le compagnon soupçonné de violences est prévenu dans les heures ou les jours qui suivent. Or, près d'un mois et demi est nécessaire pour qu'une ordonnance de protection soit délivrée. Cela signifie que, aujourd'hui, le dépôt de plainte peut mettre des femmes en danger. C'est d'ailleurs pourquoi, à bien des égards, elles ne souhaitent pas déposer plainte car cela n'emporte pas la protection, à la différence de l'ordonnance dont nous voulons faciliter l'accès.

Je comprends donc le fond de votre démarche mais je suis défavorable à cet amendement qui peut être contre-productif. Lorsque nous aurons réformé notre droit, la plainte ne sera pas la voie d'accès sine qua non.

En revanche, lorsqu'une femme souhaite déposer plainte, lorsqu'elle a pris sa décision, rien ne doit l'empêcher de le faire. Aujourd'hui, la loi ne l'empêche pas mais il faut travailler à la formation de nos policiers et de nos gendarmes.

S'agissant de l'amendement CL28, la loi permet déjà un accompagnement. Mais vous touchez du doigt un vrai problème puisque de nombreuses femmes disent qu'elles ont besoin d'être accompagnées lorsqu'elles déposent plainte. La parole de nombre d'entre elles, en effet, n'a jamais été crue. Elle n'est parfois pas même crue au commissariat ou à la gendarmerie. Je suis toutefois plutôt défavorable à cet amendement car cet accompagnement ne concerne pas seulement les associations mais, aussi, les avocats, des membres de la famille ou des amis proches, ce que la loi permet.

Le travail de formation des officiers de police judiciaire à ces missions, selon moi, relève plus de l'exécutif que du nôtre.

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