Je pense que tout le monde a mesuré à quel point il fallait que nous passions un cap dans ce domaine. Je salue l'évolution du Parlement car les débats tenus en 2010 et en 2014 n'étaient pas du même acabit. Il y a un véritable cheminement qui s'opère. C'est une bonne nouvelle.
Si les délais ne sont pas tenus, il n'y aura pas de nullité de la procédure puisque, en matière civile, il n'y a pas de nullité sans texte qui le prévoit. Nous avons examiné ce sujet avec attention. Si, au terme des six jours, le magistrat n'a pas statué, cela ne condamne pas la procédure.
Mais, aujourd'hui, dans notre droit, s'agissant notamment des référés-liberté devant être tenus en 48 heures, ils le sont effectivement. Si la loi fixe le délai de six jours, on imagine peu de magistrats ne se donnant pas les moyens de le tenir. Dans le cas le plus extrême, c'est la responsabilité de l'État qui serait engagée. Cela ne me paraît pas totalement incohérent de demander que les représentants de l'État que sont, d'une certaine manière, les magistrats de l'autorité judiciaire, appliquent la loi de la République.
J'en viens à la mise en protection des femmes, notamment au danger qu'il y a parfois à informer d'une procédure pénale lancée à l'encontre des compagnons violents. Nous le disions tout à l'heure : un dépôt de plainte engage plus la vie de la femme et lui fait courir davantage de danger que la demande d'ordonnance de protection. Dans ce dernier cas, le compagnon n'est informé de la procédure qu'au moment de phase contradictoire. Dans le cas d'un dépôt de plainte, rien de spécial n'est prévu. Dès le lendemain ou le surlendemain, le gendarme ou le policier peut tout à fait informer le compagnon violent alors que la femme se trouve encore à sa merci. Clarifier le fait que l'absence de plainte ne fait pas obstacle à l'ordonnance de protection répond en large partie à votre préoccupation.
Enfin sur la question du référé, il se trouve que l'ordonnance de protection est déjà un référé. Mais les avocats, comme le soulignait tout à l'heure notre collègue Jean Terlier, raisonnent dans l'hypothèse où elle ne fonctionne pas. Le chiffre est tout de même éloquent : 40 % des demandes de protection jugées ne sont pas acceptées par le magistrat. Il faut aussi savoir que la majorité des ordonnances de protection ne sont délivrées que dans seize juridictions de notre pays, à savoir les juridictions les plus urbaines. Il faut savoir aussi que 10 % des juridictions de notre pays ne délivrent pas une seule ordonnance de protection. Comment croire que 10 % du territoire échappent aux violences faites aux femmes ?
Si nous modifions le dispositif, nous allons refaire de l'ordonnance de protection un outil utile à tous, y compris aux praticiens du droit que sont les avocats. On a fort à parier que, après la réduction du délai de délivrance, les avocats et les victimes soient les premiers à comprendre que c'est un outil qui protège en six jours. Voilà ce que nous allons privilégier. Je pense qu'avec la fixation de ce délai, et les autres mesures qui viennent, nous allons faire – ou plutôt refaire – de l'ordonnance de protection un instrument stratégique et civil de protection.