C'est évidemment un point extrêmement délicat de cette proposition de loi et j'avoue que je m'interroge. Jusqu'à présent, les mesures que nous avons évoquées, et sur lesquelles le juge aux affaires familiales aura à se prononcer, ne consistent qu'à améliorer des dispositifs déjà existants. Mais les amendements que nous examinons à présent me semblent singulièrement différents : ils touchent à la liberté individuelle dans ce qu'elle a de plus profond. Je vous rappelle que l'échelle des peines place le bracelet électronique en deuxième position après la détention. Cela veut bien dire que le législateur que nous sommes a considéré qu'il est un élément déterminant de privation de liberté. Le fait qu'un juge civil puisse prendre une disposition de cette nature me laisse perplexe. La procédure en elle-même est problématique, puisque le juge civil prend une décision sur la base d'éléments fournis par les parties – et le fait qu'on ne prévienne pas la personne violente très en avance ne me rassure pas, bien au contraire. Le contradictoire, en matière civile, est absolument fondamental : c'est un principe élémentaire de notre droit. Or, ce contradictoire ne permet pas nécessairement de sortir du débat par le haut.
Je suis évidemment convaincu qu'il faut renforcer les mesures de protection. Mais je m'interroge sur leur mise en oeuvre. Ce débat contradictoire va placer le juge dans une situation délicate : il entendra les deux parties et devra trancher, sans forcément disposer d'éléments extérieurs, objectifs, pour analyser et comprendre la situation. Nous devons être extrêmement vigilants.
Je pense qu'il serait préférable de renvoyer ce qui relève actuellement du juge civil au parquet. Le parquet a l'habitude de prendre des mesures d'urgence, par exemple les ordonnances de placement provisoire (OPP) pour les mineurs en danger. Il pourrait prendre des mesures du même ordre pour protéger les femmes victimes de violences – je rappelle qu'il s'agit de mesures de nature pénale.