Intervention de Jean-Pierre Farandou

Réunion du mercredi 2 octobre 2019 à 15h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Pierre Farandou :

L'indépendance du gestionnaire d'infrastructure est fondamentale. Je veillerai à ce que SNCF Réseau garde une indépendance complète sur les sujets majeurs, en particulier sur les facilités essentielles et l'allocation des sillons. La loi le prévoit, puisque les administrateurs qui représenteront la SNCF au conseil d'administration de SNCF Réseau devront se retirer à chaque fois que des décisions seront prises sur les facilités essentielles. C'est la seule manière de maintenir ce système unifié.

Je suis parfaitement conscient que tout dérapage en la matière porterait atteinte à l'essence même de la construction. J'y serai donc très attentif. De même, le patron de SNCF Réseau adoptera forcément une posture autonome et devra veiller à ce que ces fonctions soient parfaitement exécutées. Je ferai preuve moi-même d'une grande vigilance.

En un contrepoint subtil, l'État a bien fait le choix d'un système unifié. Pendant plusieurs années, et même s'il en existe déjà d'autres, le principal opérateur demeurera la SNCF ; nous sommes convaincus que l'efficacité globale du réseau dépendra de la synergie des deux entités et de leur capacité à travailler ensemble. S'agissant par exemple du nouveau système d'exploitation, le système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS, pour European Rail Traffic Management System), il faut que ce qui se passe au sol soit suivi par ce qui se passe à bord. Si l'on veut être efficace, les grands choix technologiques doivent être coordonnés et simultanés.

De la même manière, en ce qui concerne l'exécution des travaux, toute défaillance se répercute immédiatement sur la circulation des trains. Il est donc absolument nécessaire que la planification et l'exécution soient correctement réalisées. La loi, je le rappelle, prévoit que SNCF Réseau retrouve une des fonctions de l'ancienne direction du transport, en étant pivot sur l'exploitation des trains et en exerçant une forme de contrôle de la qualité des opérateurs qui circulent sur le réseau. Il faut donc réinventer une construction ad hoc, un peu originale en France, qui fonctionne dès lors que chacun est bien conscient de ce qu'il peut faire ou ne pas faire. Je serai très attentif à ce que ces différences soient bien respectées.

Vous avez posé de nombreuses questions sur le volet social. Il faut en prendre la mesure, et je profite de ma présence devant la représentation nationale pour le rappeler. Il n'est pas étonnant que ce sujet soit aussi prégnant dans l'entreprise car il se passe beaucoup de choses à la fois.

L'abandon du statut au 1er janvier 2020 est historique. C'est un choc pour les cheminots, qui sont attachés à leur statut depuis toujours : à partir du 1er janvier, ceux qui ont le statut le gardent, mais les nouveaux salariés n'en bénéficieront pas. Nous devons donc définir les règles sociales applicables à ces nouveaux salariés et reprendre tous les éléments avec deux objectifs en apparence contradictoires. D'un côté, les règles du jeu doivent être attractives car la SNCF a besoin d'embaucher. Dans la mesure où l'on constate des tensions en matière de recrutement et qu'il est difficile de pourvoir des emplois dans certaines régions, il faut être attentif au déroulement de carrière, à l'attractivité des postes, aux formations. De l'autre côté, l'idée n'est pas de refaire un « statut bis » car ce n'est pas la peine d'avoir éteint le statut pour le recréer.

Par ailleurs, dans cette règle du jeu social, nous devons parvenir à trouver les éléments de compétitivité qui permettront à la SNCF de faire face à la concurrence. L'élément le plus symbolique à cet égard, mais qui est aussi un enjeu économique important, c'est la polyvalence : les salariés de la SNCF ne doivent pas être attachés à une seule famille de tâches, il faut qu'ils acceptent d'en faire plusieurs.

Cela est particulièrement vrai pour la desserte des territoires moins denses : le conducteur doit s'occuper de son train, faire le plein des sablières, accepter de le garer. Cela n'est pas nouveau à la SNCF et l'histoire fait parfois des retours en arrière. J'ai un peu d'ancienneté dans cette maison et quand je suis entré à la SNCF, les agents étaient polyvalents ; dans les gares, ils faisaient tout : ils vendaient les tickets, ils faisaient passer les trains, ils livraient les wagons, ils passaient un coup de balai s'il le fallait.

Il faut juste retrouver ce que les cheminots acceptaient de faire il y a quelques années. Cela n'est pas impossible, mais il est très important de mettre ce sujet sur la table. Pour autant, ce n'est pas simple et les remarques sur la difficulté de la négociation sont fondées. Mais nous y arriverons !

S'agissant de l'écart de compétitivité, l'ordre de grandeur qui a été donné – entre 25 et 30 % – est exact. Pour le réduire, nous devons nous attaquer à tous les facteurs. La polyvalence, nous l'avons vu, représente un quart des gains possibles. Nous avons su être polyvalents dans le passé, il n'y a pas de raison que nous ne sachions pas l'être à nouveau. En outre, il est plus intéressant pour les salariés de réaliser des tâches variées et riches. Je suis donc optimiste sur ce point.

Nous devons aussi nous attaquer à l'organisation du travail. Rassurez-vous, on travaillera toujours 35 heures à la SNCF. Il ne s'agit pas d'aller au-delà de ce que prévoit la loi, mais il faut travailler vraiment 35 heures. Or cela n'est pas toujours simple – ceux d'entre vous qui ont été chargés de la gestion de collectivités le savent.

Cela passe par la dénonciation d'accords locaux. Au fil des décennies, de nombreux petits accords locaux se sont sédimentés, qui ont tous pour effet que des salariés travaillent moins de 35 heures. Cela était peut-être possible à une époque, mais nous n'en avons plus les moyens maintenant. Il faut donc remettre à plat ces accords – la démarche est d'ailleurs engagée. La règle générale, travailler 35 heures, suffit. Là aussi, c'est le sens de l'histoire : à la SNCF, comme ailleurs, on travaillera 35 heures.

Les effets de la réduction des surcoûts statutaires se feront sentir peu à peu. Cela prendra du temps car les salariés de la SNCF seront encore nombreux à bénéficier du statut. Il faut laisser faire l'histoire.

Venant de Keolis, l'importance des coûts de structure, c'est-à-dire de tous les coûts hors ceux de production, me frappe. À la SNCF, ils représentent le double de ceux d'une entreprise privée. Même s'il y a des raisons à cela, et les agents ne font pas rien, c'est beaucoup. Il faut certainement une attitude plus volontariste pour ajuster les missions menées actuellement au siège et dans les sièges régionaux. Nous devrons renoncer à certaines tâches : elles sont sûrement très utiles mais nous n'avons plus les moyens de les accomplir. Là encore, le mouvement est en marche : comptez sur moi pour le poursuivre. Nos états-majors devront être un peu plus ajustés, comme le sont ceux de nos concurrents. Nous devrons faire comme eux.

Quand vous mettez en branle ces quatre leviers, qui représentent chacun un quart du problème, vous arrivez à le résoudre. Il faudra le faire rapidement, même si certains éléments iront plus vite que d'autres.

J'en reviens au social. Certes, nous devons traiter certaines questions entre nous, au sein de la SNCF. Mais cela s'articule aussi avec la branche, qui travaille sur la classification et les rémunérations, ainsi que sur un nouveau pacte social. Les deux doivent d'ailleurs s'emboîter, l'idée générale étant que la SNCF applique le plus possible ce qui sera négocié dans la branche. Mais il faut tout de même que les cheminots, habitués à d'autres références, s'y retrouvent. Il y a donc un travail à mener de transposition entre « l'ancien monde » et le nouveau. Par de la pédagogie et des mécanismes ajustés, nous devons aider les cheminots à se projeter dans la nouvelle SNCF, par-delà leur propre référentiel. La négociation de branche et la négociation d'entreprise marchent ensemble.

Le sujet des retraites n'est pas spécifique à la SNCF. C'est une réforme générale puisque le Gouvernement a l'ambition de mettre au point un régime universel de retraite – qui dit universel, dit qu'il s'applique aussi aux cheminots. Je m'inscris pleinement dans ce projet.

La difficulté vient du fait que la SNCF a un régime spécial. Là encore, le fait de passer d'un régime spécial à un régime universel pose question – à la SNCF pas plus qu'ailleurs, mais aussi à la SNCF. Il est évident que nous suivrons avec attention la manière dont le Gouvernement conduit cette réforme. Nous userons d'un maximum de pédagogie pour qu'il n'y ait ni fausses rumeurs, ni fausses informations, et que les cheminots puissent disposer d'éléments précis d'information et de réponses aux questions, tout à fait normales, qu'ils se poseraient.

Le dialogue social sera la clé. J'en dis deux mots car c'est là ma conviction et ma méthode. Dans cette expression, c'est le mot « dialogue » que je retiens. Vous le savez, le dialogue est difficile à la SNCF, mais il ne faut jamais renoncer. Il faut discuter avec tout le monde, y compris avec les gens qui ne sont pas forcément d'accord avec vous – il faut dialoguer.

À la SNCF, ne l'oublions pas, les organisations syndicales sont représentatives : parce que 85 à 90 % des cheminots votent aux élections, lorsqu'un syndicat de la SNCF s'exprime, il parle au nom d'une part importante des cheminots. On ne peut pas faire comme si cela n'existait pas. Il faut l'entendre et essayer de trouver un chemin.

Les positions de départ peuvent être éloignées, mais, au fond, nous voulons la même chose : que la SNCF s'adapte à un nouveau monde, qui est ce qu'il est, et que la SNCF survive. On ne veut pas que la concurrence prenne trop de parts de marché. On veut donner un futur à cette entreprise. En tout cas, c'est ce que je veux, et je suis convaincu que les syndicats le veulent aussi.

On peut parfois différer sur le rythme et les solutions mais, au fond, l'objectif est partagé. Dès lors, le dialogue est possible. Des points de convergence peuvent apparaître même si des éléments de discussion subsistent.

On connaît la grève à la SNCF : il y en a eu, il y en aura peut-être encore, je ne vous promets pas qu'il n'y en aura plus. La grève traduit un échec du dialogue social, puisqu'elle concrétise le fait que nous n'avons pas réussi à nous écouter, à nous entendre – pas suffisamment, en tout cas. Elle est un échec pour le service public, parce que quand les trains ne roulent pas, les usagers sont pénalisés, les chargeurs ne reçoivent pas leur train de marchandises. Ceux-là ne seront pas incités à utiliser le rail si les trains ne sont pas fiables lorsqu'ils en ont besoin.

La grève est à éviter. Là encore, nous en revenons au dialogue, au sens des responsabilités. Soyons attentifs aux actes posés par les uns et par les autres, parce qu'il y va de l'avenir de cette entreprise. On ne peut pas jouer indéfiniment avec cela, et la sanction peut être terrible. Si l'entreprise de service que nous sommes ne répond pas aux attentes de nos clients, ils nous quitteront, et nous aurons peut-être du mal à les rattraper.

La sécurité et le bon état du réseau sont fondamentaux. Les accidents sont un drame terrible ; on ne prend pas le train pour y être blessé ou perdre la vie. Le train, ce doit être la sécurité parfaite, totale. Ce principe est intrinsèque au mode ferroviaire. Quant aux salariés, ils ne viennent pas à la SNCF pour se blesser, ou pire encore. Cette idée est insupportable. La sécurité est et restera aux fondements de la SNCF. Il n'y a pas de futur à la SNCF s'il n'y a pas de sécurité, c'est aussi simple que cela.

Je connais assez bien ces sujets : j'ai passé tous les certificats de sécurité quand j'étais plus jeune et cette culture de sécurité reste, croyez-moi. Quand vous l'avez une fois dans la tête, vous l'avez pour toujours ! J'y passerai du temps et je ferai moi-même des revues et des contrôles de sécurité. Je veux incarner le fait que la sécurité est la valeur cardinale de la maison. Comptez sur moi pour poursuivre les efforts entrepris. Le programme PRISME a eu des effets réels sur la sécurité des circulations, mais il reste encore beaucoup de travail à faire sur la sécurité du personnel.

Le réseau est bien sûr fondamental car c'est le premier élément de sécurité. Si le rail casse sous les roues du train, il n'y aura pas de sécurité. Il convient de souligner les efforts importants accomplis depuis quelques années, repris par le Gouvernement et confirmés dans la trajectoire. Cela me rend confiant dans notre faculté à régénérer ce réseau et à rattraper le retard pris par rapport à certains pays européens, à la fois sur les voies ferrées, les postes d'aiguillage, les caténaires ou la signalisation. C'est un effort immense.

Nous tous, et ceux qui nous succéderont, devons le poursuivre. Je le dis devant la représentation nationale : rattraper le retard n'est pas l'affaire d'un ou deux ans. Ce qui est passé est passé. Nous n'avons pas mis assez d'argent sur la régénération du réseau, qui a vieilli et s'est abîmé. Il faut désormais le redresser, c'est la seule manière d'assurer la sécurité et le développement du ferroviaire dans notre pays.

La ponctualité a été la valeur cardinale de la SNCF. Les plus anciens ici se souviendront de cette réclame pour l'emprunt SNCF où un garde-barrière faisait cuire son oeuf à la coque entre deux passages de trains. Nous nous sommes peut-être perdus au fil du temps. Il faut retrouver la pression que nous avons un peu relâchée. C'est en cours.

Tout part de la conception. Le ferroviaire, c'est très subtil : imaginez 15 000 trains qui roulent au même moment sur le réseau. Si l'un est en retard, ou en avance, il retarde tous les autres. Et cet équilibre subtil est à recommencer tous les jours : ce que vous avez fait un jour doit être recommencé le lendemain. Le premier maillon de la chaîne, la conception, doit être robuste. Il faut appliquer des normes afin que le plan de production, qui sera mis en exécution le jour J, soit fiable et solide. Nous sommes en train de retrouver cette robustesse de conception.

La ponctualité dépend aussi de l'exécution. Jeune cheminot, je courais pour que le train parte à l'heure. Si mon express démarrait avec deux minutes de retard de Poitiers, alors le régulateur – un métier que j'ai aussi exercé – au poste de commandement de la région, mettait « une bulle ». Cette bulle devenait un rapport, qui arrivait à mon patron, qui m'enguirlandait ensuite en me demandant comme je m'y étais pris pour retarder le train. Cela montre à quel point les choses étaient suivies. On ne plaisantait pas avec la conception et l'exécution.

Mon objectif est très clair. J'en ai assez que l'on nous dise que les Japonais ou les Suisses sont meilleurs que nous. Je veux mettre la SNCF à leur niveau, et c'est possible. Les causes externes existeront toujours. Malheureusement, des personnes mettront fin à leurs jours, des orages feront tomber des arbres sur la voie : on ne peut pas y faire grand-chose, sauf intervenir le plus vite possible.

Mais il ne faut plus de causes internes. Il est inadmissible que le train de Saint-Quentin soit annulé faute d'engin ou de conducteur. Il faut que les engins fonctionnent et que les conducteurs soient présents. Cela ne tient qu'à nous. C'est une question d'organisation, de ressources, de planification. Il ne doit y avoir aucune défaillance du côté de l'opérateur.

Quant aux travaux, ils doivent être achevés à l'heure. La voie doit être rendue à cinq heures trente pour que les trains de banlieue démarrent, sinon les premiers trains du matin seront annulés et tout le carrousel s'en trouvera affecté. Là-dessus, je ne lâcherai pas ! Nous allons poursuivre les efforts pour relever encore le niveau d'excellence des opérations sur le réseau. Les Français l'attendent, c'est indispensable.

Mme Valérie Lacroute a évoqué la grande couronne. Aujourd'hui, environ 90 % des trains sont à l'heure. On pourrait penser que ce n'est pas si mal. Pourtant, cela signifie qu'une fois sur dix, le train est en retard, et pour un banlieusard qui prend chaque jour le train pour aller travailler, c'est trop en une semaine. Nous allons essayer de relever ce chiffre de cinq points – ce qui est énorme ! – pour le porter à 95 %. Mais il y aura encore des retards, et ce qui apparaît comme une performance sur le plan opérationnel sera encore en deçà des attentes des usagers. C'est là-dessus que nous devons travailler et avancer.

Cela fait longtemps que l'on parle du fret. Si la solution était évidente, mes prédécesseurs et les différents gouvernements l'auraient adoptée. Il s'agit d'un échec collectif et durable.

Nous sommes devant un paradoxe : nous avons tous envie de soutenir le fret, mais nous n'y parvenons pas. L'idée même qu'il pourrait ne plus y avoir de trains de fret en France est insupportable, plus encore au sein de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. On ne peut admettre que la part des marchandises convoyées par le train puisse tomber de 10 % à 8 %, puis de 5 % à 1 % car, en parallèle, le nombre de camions augmentera – 1 train représente 44 camions – et avec, la congestion, l'insécurité et la pollution – un train est dix fois moins polluant.

Mais plutôt que de se livrer aux imprécations, il convient de se poser les bonnes questions. Si le Perpignan-Rungis a été arrêté, c'est qu'il roulait à vide. On ne va pas faire rouler des trains vides, ce ne sont pas des trains « Potemkine ». Pourquoi n'y a-t-il pas de marchandises dans les trains ? Tant que l'on n'aura pas répondu à cette question, on fera semblant de chercher la solution. Moi, je ne veux pas m'arrêter à la surface des choses, mais traiter le problème au fond.

La première raison tient aux sillons, les « slots » ferroviaires. Alors que, techniquement, un train de fret peut rouler à 100 kilomètresheure, donc plus vite qu'un camion, sa vitesse moyenne est de 30 ou 25 kilomètresheure. Cela est dû au fait qu'il doit se garer tous les cent kilomètres, soit pour laisser passer les trains de voyageurs, soit à cause d'un chantier sur la voie. Un camion roule donc trois fois plus vite, et il en est déjà à son deuxième aller-retour quand le train n'est pas encore arrivé. Sur le temps de trajet, le train n'est pas compétitif.

Il ne l'est pas davantage sur le plan financier. Une locomotive coûte cher : 8 millions d'euros. En termes de rotation du capital, ce n'est pas la même chose si le million d'euros travaille à 100 kilomètresheure ou s'il travaille à 30 kilomètresheure ! Je parlais d'investissements productifs : à l'évidence, le retour n'est pas le même !

Il n'y a pas cinquante solutions et pour le coup, mesdames et messieurs les députés, vous m'aiderez peut-être dans la mesure où cela relève d'un choix politique. Il faut demander à SNCF Réseau, qui ne peut pas s'auto-missionner, des sillons de qualité pour les trains de fret. Ces sillons doivent dépasser nos frontières, car les flux de marchandises entre les grands ports d'Allemagne, des Pays-Bas, de Belgique et l'Europe du sud sont bien évidemment européens. La France est au carrefour des axes Nord-SudEst-Ouest. C'est là un vrai défi à relever, mais c'est à cette condition que les trains de fret redeviendront compétitifs. Vous verrez alors que les marchandises y reprendront leur place.

Un autre handicap du fret ferroviaire tient au fait que le train revient à vide après un trajet à plein. Cela n'est pas très rentable et il faut pouvoir affecter les marchandises de manière à utiliser la rotation des wagons et des locomotives.

Si nous arrivons à mettre en oeuvre ces idées simples, alors oui, le fret ferroviaire aura un avenir. Si nous ne le faisons pas, nous irons de rustine en rustine. Sachez que j'userai de toute mon énergie, car je n'accepte pas l'idée que la ligne de fuite soit celle de la disparition progressive des trains de fret en France. Mais il faudra m'aider : ensemble, avec une vision française et européenne, on peut y arriver !

Les problèmes rencontrés en Île-de-France sont représentatifs des maux du ferroviaire, puisque c'est sur ce territoire que sont concentrés le plus grand nombre de trains et de passagers. Comme Mme Valérie Lacroute l'a souligné, il y a un problème de rattrapage. Les travaux sont engagés et franchement, l'État, la région et Île-de-France Mobilités jouent bien le jeu. Mais cela sera long et compliqué pour les usagers, avec un nombre de trains réduits pendant les travaux.

Ce que j'ai dit sur la ponctualité et la sécurité vaut pour l'Île-de-France. Les travaux, réalisés la nuit, doivent être achevés à temps. L'information des voyageurs est la clé et malgré des progrès notables, l'effort doit se poursuivre. Le travail en commun avec les territoires et les élus est essentiel : l'articulation doit être parfaite pour bien identifier les risques, les problèmes et les besoins d'explications. L'Île-de-France est une priorité évidente de la SNCF, avec de grands projets symboliques comme Éole – le premier en termes de coût. L'ère des TGV est derrière nous, nous investissons désormais et de façon massive pour améliorer en profondeur les circulations et les services en Île-de-France.

L'assistant personnel de mobilité demeure un chantier ouvert, il y en aura d'autres versions. La mobilité, au sens général, suppose d'abord une intermodalité physique. Nous proposons des palettes de solutions à nos concitoyens dans tous les territoires afin qu'ils puissent enchaîner facilement les modes de transport – vélo, voiture, covoiturage, car, train, et dans les villes, tramways, métros et bus à haut niveau de service (BHNS). Le transport étant d'abord une affaire physique, il faut organiser concrètement cette mobilité : nous devons donc aménager des correspondances, des pôles d'échanges de qualité, des parkings, des aires de stationnement pour les bus et les cars près des gares, des lieux d'attente confortables, choisir une signalétique adaptée, etc. Le chantier est vaste.

Organiser la mobilité, c'est aussi fournir l'information. Je suis conscient que celle-ci ne peut être uniquement digitale, j'y reviendrai. Pour autant, l'idée d'une plateforme de mobilité nationale est réjouissante. Cette plateforme ne serait pas, bien sûr, exclusive des plateformes régionales et locales : le citoyen se détermine dans son univers et pour celui qui reste dans sa ville, la plateforme urbaine est largement suffisante. Mais celui qui se déplace sur de plus grandes distances a besoin d'une réponse nationale, voire européenne.

J'estime que c'est la SNCF qui est la mieux placée pour construire cette plateforme. Elle bénéficie déjà d'une certaine expérience avec le TGV et dispose, avec son armée d'ingénieurs digitaux, d'une puissance de feu à nulle autre pareille. Mais il me semble qu'elle s'y prend mal et souffre d'un problème de méthode, de gouvernance. La SNCF fait peur aux territoires : elle véhicule l'image d'un groupe puissant, trop expert, avide d'imposer ses solutions quand, au contraire, il lui faudrait aller chercher tout le monde.

La plateforme de mobilité nationale n'existera que si chaque région, chaque ville et chaque bassin de vie consentent à y participer. La clé, c'est la gouvernance. La SNCF doit accepter un mode de gouvernance qui l'empêchera de décider seule, lui imposera de partager les clés et de rechercher le consensus. Nous aurons alors créé les conditions pour que le choix de rejoindre l'initiative de la SNCF ne soit pas contraint, mais volontaire. Chaque territoire doit être d'accord pour participer à l'aventure, c'est à la SNCF de le séduire. Nous en sommes à la version I, nous avançons. C'est faisable, mais uniquement si la gouvernance est partagée.

Je vous l'accorde, il n'y a pas que le digital. Un tiers des usagers est très à l'aise avec le smartphone et les applications : il s'agit, pour faire simple, des jeunes ; un autre tiers, dont je fais partie, utilise surtout son ordinateur et ne sert de son smartphone que pour communiquer ; le dernier tiers ne dispose pas de PC ou ne sait pas s'en servir. Le service public s'adresse à tous, il ne doit pas y avoir de fracture sociale, territoriale ou générationnelle. Les gens ont besoin d'être conseillés par une voix humaine, il faut absolument maintenir les services par téléphone.

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