Monsieur Lejeune, je vous réponds sur la ZEE et la mer de Chine. Il y a deux choses en mer de Chine : un enjeu régional, qui ne nous concerne pas, et un enjeu mondial : la remise en cause du droit de la mer. Jean-Yves Le Drian, encore ministre de la Défense, a participé plusieurs fois au dialogue de Shangri-La pour indiquer que la France, deuxième nation maritime au monde, n'était pas indifférente à la remise en cause du droit maritime international observée en mer de Chine méridionale ces dernières années. Nous sommes évidemment concernés. Notre ZEE, qui représente l'équivalent de la surface des États-Unis et du Mexique réunis, doit être surveillée, sauf à être pillée et contestée. Mais nous n'avons pas besoin de moyens colossaux pour ce faire. Mon ambition, c'est de revenir aux moyens, en nombre et en qualité, que nous avions en 1982, au moment de la signature de la convention de Montego Bay. C'est-à-dire : deux patrouilleurs par territoire ou collectivité d'outre-mer, un bâtiment logistique – le B2M –, et une frégate pour aller un peu plus loin. Pas plus. Nous avions fait des paris précédemment sur la prolongation de bâtiments anciens ; dans plusieurs cas nous n'avons pas pu le tenir. Comme je l'ai indiqué à monsieur Chassaigne, il me paraît déraisonnable de prolonger encore certains bateaux, comme le Dumont d'Urville, parce qu'à ce stade, on fait courir un danger aux équipages. Avec le programme BATSIMAR, avec le programme B2M, il s'agit de revenir à ce format de 1982 et j'ai bon espoir d'y parvenir dans les premières années d'exécution de la prochaine loi de programmation militaire.
En tout état de cause, le système de combat principal de ces bateaux outre-mer, c'est leur pavillon français. En Nouvelle-Calédonie, il y a un an, nous avons vu arriver des nuées de bateaux venus du Vietnam, les fameux « blue boats », peints en bleu, qui sont présents dans toute l'Océanie et qui causent des dégâts environnementaux considérables. Ils pêchent l'holothurie, un animal marin aussi appelé « concombre de mer » auquel on prête, dans cette région du monde, des vertus extraordinaires… Ces braconniers se comportent comme des pirates ! Mais en Nouvelle-Calédonie, après une demi-douzaine d'arrestations, ils ont cessé de venir. Malheureusement, ils ont reporté leurs opérations de prédation dans d'autres pays de la région… Voilà pourquoi il faut défendre nos ZEE. Il faut se battre mais j'ai bon espoir pour nos BATSIMAR. Naturellement, d'autres moyens seront employés : les drones, les capacités d'observation satellite pour diriger nos bateaux… Et cela me semble suffisant.
Sur le porte-avions, la question est avant tout celle du nouveau porte-avions. L'ambition d'une permanence d'un groupe aéronaval me semble raisonnable, avec un second porte-avions, arrivant en 2030, qui coexisterait avec le Charles de Gaulle jusqu'à son retrait du service actif et son remplacement... Je n'ai pas aujourd'hui d'assurances en ce sens. La loi de programmation militaire tranchera. Je ne banalise pas le coût de réalisation d'un bateau de cette complexité-là : il est évalué à 4,5 milliards d'euros, ce qui représente - étalé sur 10 ans – 0,02 % du PIB... Les études préalables sont dimensionnantes, elles doivent être conduites rapidement. Cet objectif reste atteignable.
La disponibilité des hélicoptères varie selon les modèles. Les hélicoptères civils comme le Dauphin ou le Panther, sont disponibles à 50 % voire 60 %. Mais les plus anciens ont une disponibilité épouvantable, comme le Lynx, disponible à 22 %. Pour les hélicoptères les plus récents, comme le Caïman, la disponibilité technique de 35 % ne me convient pas. Concrètement, j'en ai dix-sept en parc dont cinq disponibles, en moyenne. Un gros travail est en cours, avec l'industriel et la DGA. Mais toutes les armées font face à des difficultés identiques, s'agissant des hélicoptères.
Sur l'aviation de patrouille maritime, j'ai annoncé la rénovation prochaine de l'Atlantique 2. Je suis allé voir le nouveau radar et le nouveau système acoustique qui seront installés sur ces avions. J'ai été très impressionné par ce que j'ai vu chez Thales, Dassault et Naval Group. Cela permettra de prolonger ces avions jusque dans les années 2030. Après, il faudra réfléchir à la génération suivante peut-être avec les Allemands. Faudra-t-il des avions qui volent près des flots ou au contraire à haute altitude, comme les P8 américains ? Uniquement des avions ou un mélange d'avions et de drones à longue portée ? Les Allemands sont dans le même calendrier que nous, puisqu'ils rénovent actuellement leurs P3, qui devront donc être changés dans les années 2030-40. Cela augure bien pour une future coopération.