Une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize, quatorze, quinze, seize, dix-sept, dix-huit, dix-neuf, vingt, vingt et une, vingt-deux, vingt-trois, vingt-quatre, vingt-cinq, vingt-six, vingt-sept, vingt-huit, vingt-neuf, trente, trente et une, trente-deux, trente-trois, trente-quatre, trente-cinq, trente-six, trente-sept, trente-huit, trente-neuf, quarante, quarante et une, quarante-deux, quarante-trois, quarante-quatre, quarante-cinq, quarante-six, quarante-sept, quarante-huit, quarante-neuf, cinquante, cinquante et une, cinquante-deux, cinquante-trois, cinquante-quatre, cinquante-cinq, cinquante-six, cinquante-sept, cinquante-huit, cinquante-neuf, soixante, soixante et une, soixante-deux, soixante-trois, soixante-quatre, soixante-cinq, soixante-six, soixante-sept, soixante-huit, soixante-neuf, soixante-dix, soixante et onze, soixante-douze, soixante-treize, soixante-quatorze, soixante-quinze, soixante-seize, soixante-dix-sept, soixante-dix-huit, soixante-dix-neuf, quatre-vingts, quatre-vingt-une, quatre-vingt-deux, quatre-vingt-trois, quatre-vingt-quatre, quatre-vingt-cinq, quatre-vingt-six, quatre-vingt-sept, quatre-vingt-huit, quatre-vingt-neuf, quatre-vingt-dix, quatre-vingt-onze, quatre-vingt-douze, quatre-vingt-treize, quatre-vingt-quatorze, quatre-vingt-quinze, quatre-vingt-seize, quatre-vingt-dix-sept, quatre-vingt-dix-huit, quatre-vingt-dix-neuf, cent, cent une, cent deux, cent trois, cent quatre, cent cinq, cent six, cent sept, cent huit, cent neuf, cent dix, cent onze, cent douze, cent treize, cent quatorze, cent quinze, cent seize, cent dix-sept.
Je sais ce que ce décompte peut avoir de glaçant, mais il devait résonner ici, dans cette assemblée, comme il résonne depuis trop longtemps dans notre pays. Il doit nous empêcher de nous habituer. Compter jusqu'à la cent dix-septième morte, c'est nous rappeler l'absolue urgence qui est la nôtre. Cent dix-sept. Ce chiffre noir doit nous obséder. Cent dix-sept. Il doit nous exhorter à faire plus, plus vite. Les faiblesses, les failles, les manques, nous les connaissons.
Peut-on faire plus ? Oui ! En Espagne, où deux lois majeures ont été adoptées, en 2005 puis en 2009, le nombre de meurtres de femmes est passé de 71 en 2003 à 44 en 2019 ; il est donc possible d'agir. Mais sans moyens à la hauteur, il n'y a pas d'actions réelles. L'année dernière, la France a consacré 79 millions d'euros à la lutte contre ces violences. L'Espagne y consacre 200 millions par an, 1 milliard sur cinq ans. Nous sommes loin de ce compte. Cette réalité, nous devons la regarder en face, non pas pour polémiquer, mais pour prendre pleinement conscience de nos manques et ne pas faire semblant.
Aujourd'hui, nous examinons une proposition de loi. Demain, nous voterons un budget : il faudra que nous y retrouvions la même volonté politique. Pour agir, il faut aussi être capables de nous rassembler, d'unir nos forces et d'oublier les tactiques politiciennes. Je ne suis pas un député de la majorité et je ne suis certainement pas le plus consensuel des députés de l'opposition. Ce texte ne vient ni du Gouvernement, ni de la majorité ; il a été inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée par le groupe Les Républicains. Mais tout cela importe peu, car nous croyons aux grandes causes, ces causes qui, parce qu'elles nous dépassent, doivent nous rassembler. Cent dix-sept femmes sont mortes en 2019 sous les coups de leur compagnon ; nous avons cent dix-sept raisons essentielles de dépasser nos différences pour agir ensemble.
Je salue l'état d'esprit responsable qui entoure désormais le texte sur tous les bancs de notre assemblée. Cette loi peut marquer un grand pas. En France, en 2019, il faut en moyenne un mois et demi pour protéger une femme. Ce délai est celui des ordonnances de protection ; il est inacceptable. Rien ne peut justifier qu'il faille à la République plus d'un mois pour protéger une femme dont la vie est en danger.
Notre proposition est donc claire, elle n'hésite pas. Nous fixons à six jours le délai maximal de délivrance d'une ordonnance, sans dépôt de plainte. L'ordonnance doit devenir ce qu'elle n'est pas encore : un bouclier réel pour une femme en péril. Pour muscler le dispositif, nous devons nous assurer que le juge utilise toutes les possibilités de protection que lui offre la loi – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Les manques, les trous dans la raquette sont considérables : dans un cas sur cinq, le juge ne statue pas sur la restriction du droit d'hébergement des enfants ; dans un cas sur deux, il ne traite pas de la question pourtant essentielle du logement ; et dans 85 % des cas, rien n'est dit sur le port d'arme. La situation actuelle n'est pas satisfaisante. Le juge doit statuer. Si la loi reste floue, elle restera faible ; nous devons donc la clarifier.
Renforcer l'ordonnance de protection, c'est aussi créer une interdiction de paraître pour les auteurs de violences. Il faut les empêcher de guetter au pied de l'immeuble. Désormais, certains lieux entiers leur seront interdits, au-delà même du seul contact physique.
J'en viens au bracelet anti-rapprochement, le BAR. Sur ce sujet, notre pays a beaucoup hésité, trop hésité : deux lois d'expérimentation, une en 2010, une en 2017 ; depuis, aucune mise en oeuvre. Rien. Notre proposition permet la généralisation immédiate du bracelet.