« Ah mais pour déposer une plainte, c'est jusqu'à dix-huit heures ! Là, c'est trop tard. »
Séparée de son mari, Sylvie a tout subi : les insultes, les gifles, les menaces, les guets-apens au supermarché, le rétroviseur cassé, la porte de garage broyée, les appels en série, dix, quinze, vingt dans la journée, avec un flot d'injures, jusque chez elle, devant l'école des petits… La peur qui envahit la vie.
Elle a cherché un refuge, un secours. Elle s'est tournée naturellement vers la gendarmerie. Mais, tout au long de son calvaire, comment Sylvie y a-t-elle été accueillie ? « Dix-huit heures », lui a-t-on dit, « c'est trop tard. »
Qu'à cela ne tienne, Sylvie revient le lendemain. Ce n'est toujours pas possible : « Le gendarme qui suit votre dossier est en vacances. » Sylvie revient le mardi suivant : « Mais pourquoi n'êtes-vous pas venue avant ? » Au fil des mois, elle essuiera des : « Il faut prendre votre mal en patience », des « C'est dur pour lui aussi »…
Son conjoint ne rencontre pas de limites. Il s'en trouve donc encouragé et peut lui lancer : « Les flics, ils s'en foutent de toi ! Ils pensent que t'es folle ! »
« Le pire », conclut Sylvie, « c'est qu'il a raison. Ils nous ont conseillé d'aller voir un psy. Mais je ne veux pas une thérapie de couple, juste une protection ! Et ils ne m'en offrent aucune. »
Vous le savez, monsieur le rapporteur, madame la ministre, ce récit en vaut mille. Les réseaux sociaux fourmillent des histoires de ces femmes qui déposent plainte pour violences conjugales, ou à tout le moins essaient, et à qui un gendarme ou un policier réplique : « Vous allez ruiner sa vie, le pauvre ! » ; « Pensez à vos enfants ! » ; « Nous ne sommes pas ici pour régler les scènes de ménage ! »
Cette mauvaise volonté, le Président de la République lui-même l'a constatée, un casque sur les oreilles, à la plateforme téléphonique du 3919.
Qu'il n'y ait pas de suspense : je vais voter votre proposition de loi. Mais comment prétendre « agir contre les violences faites aux femmes » sans un article, sans une ligne, consacrés à l'accueil dans les gendarmeries et dans les commissariats ? Le service public de proximité, c'est la clé de voûte. C'est le premier asile pour les femmes victimes. C'est le lieu qui incarne la loi, la loi munie d'une matraque, de menottes et, au besoin, d'un revolver ; la loi qui doit s'interposer entre le faible et le fort ; la loi qui, trop souvent, déçoit.