Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 10 octobre 2019 à 21h30
Violences au sein des couples et incidences sur les enfants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Il y a nos débats dans l'hémicycle, puis il y a le visage de ces femmes, la détresse de ces familles. Au mois de mars, j'ai interrogé le Gouvernement après le meurtre de Julie Douib, tuée en Corse sous les coups de son ami – appelons-le ainsi… Elle était la trentième victime de féminicide en 2019. Depuis, 80 femmes de plus sont mortes sous les coups de leur conjoint, ex-conjoint ou petit ami. Elles sont désormais 119. Derrière ces chiffres choquants, terrifiants, il y a des femmes, des enfants, des parents, des familles entières dévastées. Oui, il y a nos débats dans l'hémicycle, puis il y a le visage de ces femmes et la détresse de ces familles.

Il y a trois semaines, j'ai assisté à une journée de débat douloureuse dans ma circonscription. Les témoignages glaçants restent imprimés dans ma mémoire : des récits effroyables de femmes traquées, de violences physiques, de violences morales, de vies détruites. Je ne les oublierai pas.

Brandir le nombre de féminicides est marquant, nécessaire sans doute – le nombre imprime ces actes cruels dans la réalité. Et encore, le nombre de 119 ne couvre-t-il pas tout. En effet, en France, chaque année, 225 000 femmes majeures sont victimes de violences physiques ou sexuelles. J'insiste : 119 femmes tuées, des centaines de milliers blessées dans leur chair, et autant d'enfants victimes collatérales. Car, on l'a dit, en 2018, onze enfants sont décédés concomitamment à l'homicide de leur père ou de leur mère et quatorze enfants ont été tués dans le cadre de violences conjugales sans qu'un parent ne le soit.

Le père de Julie Douib, présent lors des débats à Bastia, en fait un combat : « C'est une nécessité pour moi d'expliquer aux gens que c'est un fléau, une épidémie », rappelait-il. « Un fléau », « une épidémie », ce sont ses mots : ils sont forts et justes. Je répéterai ici sa demande : « Il y a un manque d'attention envers ces femmes ; on doit les écouter, on doit les protéger ! »

Ce type de situation nous oblige en effet à agir. Les débats de tout à l'heure concernant la proposition de loi précédente et ceux relatifs au présent texte sont nécessaires car la législation doit évoluer pour répondre à ces violences et surtout pour accompagner les victimes et leurs proches. Nous devons saisir l'occasion du Grenelle des violences faites aux femmes pour développer le téléphone de grand danger, pour une meilleure gestion des bracelets d'éloignement, pour assurer un meilleur accueil en gendarmerie ou au commissariat, même si des progrès ont déjà été accomplis, nous le savons. Il nous faut agir, tous, pour que recule le recours à la violence, pour faire admettre spontanément que la violence n'est pas un mode de relation.

Le présent texte propose une notion précisément définie des violences conjugales. il ne faut pas oublier que chaque féminicide est en fait un cas particulier. Aussi, pour le groupe Libertés et territoires, il semble périlleux de vouloir trop préciser la notion de violences conjugales. Le juge doit pouvoir exercer le droit de manière adaptée à chaque situation. L'important est à nos yeux de provoquer un éveil des consciences pour que la société accompagne les jugements rendus et affirme sa confiance en la justice.

L'article 3 pose le principe du retrait automatique de l'autorité parentale pour le parent auteur ou complice d'un crime ou d'un délit commis sur l'enfant ou l'autre parent. Cette demande, je l'ai entendue chez moi, lors de la réunion évoquée, de la part de Femmes solidaires – association que je tiens à remercier, au passage, pour son magnifique engagement. Le groupe Libertés et territoires comprend cette intention mais, à l'instar d'autres groupes et désormais, si j'ai bien compris, de la rapporteure, il est demandeur d'une nouvelle rédaction de cette disposition. Maintenir une bonne liberté d'appréciation du juge, en fonction des situations particulières, appréciées concrètement, paraît plus adapté, plus juste et plus respectueux de l'intérêt supérieur de l'enfant.

La présente proposition de loi n'est pas parfaite et il n'a d'ailleurs pas été possible de parvenir à un accord en commission. Nous considérons néanmoins ce débat d'une nécessité impérieuse et serons ouverts à la discussion, notamment sur l'article 3, sur lequel j'ai déposé, à titre individuel, deux amendements concernant l'obligation alimentaire.

Ces discussions, je me répète, devront être suivies d'action pour qu'enfin ces tragédies cessent. Il y a nos débats, puis il y a le visage de ces femmes, la détresse de ces familles.

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