Intervention de Lise Magnier

Séance en hémicycle du lundi 14 octobre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLise Magnier :

Monsieur le rapporteur général, je vous souhaite un joyeux anniversaire. Nous entamons aujourd'hui l'examen du projet de loi de finances pour 2020. Un projet de loi de finances n'est pas un simple texte budgétaire, mais bien un acte politique fort. Ce PLF pour 2020 marque les choix déterminants pour l'acte II du quinquennat.

Avant d'aborder les mesures concrètes inscrites dans la première partie du texte, je veux m'arrêter quelques instants sur le cadrage et les hypothèses de construction du budget de l'État. Elle s'est faite à partir d'une hypothèse de croissance de 1,3 % en 2020. En l'état actuel des choses, cette prévision est effectivement « plausible », comme le souligne le Haut Conseil des finances publiques, mais elle ne prend pas en compte l'éventualité d'un Brexit sans accord, dont les conséquences auraient, selon les estimations, un impact négatif de 0,5 à 0,6 point de PIB.

Compte tenu de ce contexte particulier, mais aussi d'une situation de plus en plus incertaine avec la guerre commerciale sino-américaine et les troubles qui secouent le Moyen-Orient, il nous semble qu'il aurait été préférable d'adopter une construction plus prudente de ce budget avec une prévision de croissance elle aussi plus prudente.

S'agissant de l'équilibre général du budget, le déficit public s'établit à présent à 2,2 % du PIB, en nette amélioration par rapport à 2019, mais la part du déficit de l'État s'établit à 93,1 milliards d'euros. Traduit plus simplement, cela signifie que près d'un euro sur quatre dépensé par l'État est financé par la dette. La situation de la dette publique reste toujours autant préoccupante, avec un niveau extrêmement élevé, représentant 98,7 % du PIB en 2020.

Certes, nous pourrions nous réjouir que la dette ne se creuse pas d'avantage, mais nous ne devons pas nous satisfaire de cette stabilisation qui est à l'opposé de la baisse de cinq points espérée dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Il nous semble important de garder à l'esprit le juste principe exprimé par le Président de la République au début de son quinquennat, « la dette, c'est de l'impôt au carré », pour accentuer nos efforts sur la maîtrise de nos dépenses publiques. Malheureusement, nous avons l'impression de nous répéter à chaque texte budgétaire, mais ce manque d'effort structurel sur la dépense publique reste notre grande faiblesse.

J'en profite pour vous redire que nous sommes prêts à vous accompagner dans les réflexions menées dans le cadre de CAP 2022. Mais aujourd'hui, nous ne savons plus vraiment où en sont ces travaux majeurs de transformation de l'action publique pour un meilleur service public et une dépense publique plus efficiente. Peut-être, messieurs les ministres, pourriez-vous nous faire un point d'étape à ce sujet, et même un premier bilan ?

J'en viens aux mesures concrètes du projet de loi de finances. Le groupe UDI, Agir et indépendants a avec la majorité de nombreux points communs concernant les objectifs à atteindre.

Je pense d'abord à la poursuite de la sincérisation du budget, engagée depuis le début du quinquennat. Je tiens à nouveau à vous en remercier, monsieur Darmanin.

Il y a ensuite le choix fort de la diminution de la pression fiscale pour les ménages et les entreprises. Grâce à ces mesures, le travail payera davantage, ce qui est un enjeu majeur pour notre société. La baisse de 5 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu permettra aux 17 millions de foyers fiscaux situés dans les deux premières tranches du barème de retrouver du pouvoir d'achat. Cette baisse est accompagnée d'une entrée plus progressive dans l'impôt, qui va dans le sens de la valorisation du travail.

Nous saluons également le maintien de l'objectif de baisse de l'impôt sur les sociétés, qui atteindra 25 % d'ici à 2022 malgré les deux reports successifs. Nous espérons vraiment que vous tiendrez le cap sur ce point. Pour autant, les entreprises françaises souffrent d'un réel handicap en raison du poids des taxes de production. L'acte II du quinquennat, dont ce PLF porte la marque, aurait nécessité un signal fort en faveur de la compétitivité de nos entreprises, exprimé par une trajectoire de baisse des impôts de production.

Il y a enfin l'effort de simplification fiscale, avec la suppression de petites taxes et petites niches fiscales. Nous soutiendrons une grande partie des mesures que vous proposez et défendrons plusieurs amendements allant dans le sens du « ménage fiscal ». Les efforts devront être poursuivis, mais il est réellement compliqué pour les parlementaires de disposer de l'évaluation nécessaire de ces taxes et niches. Pour autant, nous nous retrouvons tous autour de l'objectif de clarification fiscale. C'est un enjeu majeur et de longue haleine, car nos concitoyens n'acceptent plus certaines aberrations. La plus connue et peut-être la plus sensible est l'assujettissement à la TVA de certaines taxes et contributions sur les énergies. Comment peut-on comprendre que l'on paie une taxe sur une taxe ?

Patricia Lemoine s'exprimera ultérieurement sur le sujet majeur de la fiscalité locale mais sur l'ensemble des points que j'ai évoqués, ce budget répond aux enjeux actuels : celui du pouvoir d'achat, celui de la valorisation du travail, celui du rétablissement du lien nécessaire entre les citoyens et les impôts qu'ils payent grâce à l'effort de clarification.

Je formulerai toutefois un bémol s'agissant de la préparation de l'avenir, et notamment de la transition écologique. Nous nous accordons sur la nécessité de fournir un nouvel élan afin de respecter nos ambitions climatiques, mais c'est avec pragmatisme et pédagogie que nous devons agir : accompagner plutôt que punir, voici notre philosophie sur ce sujet.

Or les mesures proposées dans ce projet de loi de finances ne semblent pas s'inscrire dans une stratégie globale et lisible. Elles concernent certains secteurs très précis et en épargnent d'autres sans que l'on sache vraiment pourquoi. Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires souligne à cet égard la nécessité d'insérer la fiscalité carbone dans une stratégie d'ensemble, à la place d'une politique impressionniste procédant par petites touches.

Nous aurons l'occasion d'en débattre, mais je citerai néanmoins quelques exemples. La baisse de remboursement de la TICPE, dont bénéficie le secteur du transport routier, et la suppression des avantages fiscaux sur le gazole non routier avivent les tensions au sein de ce secteur d'activité. Évidemment, les concurrents internationaux des entreprises françaises, qui empruntent tout autant nos routes, échapperont à cette nouvelle charge fiscale. Dès lors, quel sera l'impact de cette décision sur l'environnement et la préservation de l'air ? Ne s'agit-il pas d'une pure mesure de rendement ?

S'agissant du crédit d'impôt pour la transition énergétique, la politique de rénovation énergétique des logements doit rester une priorité pour tous les citoyens. Les députés du groupe UDI, Agir et indépendant soutiennent la transformation du CITE en prime, mais je ne comprends pas certains autres choix, tels que l'exclusion de certains ménages ou l'exclusion de certains dispositifs performants énergétiquement pour certains foyers. Depuis 2017, les dispositions concernant le CITE sont constamment modifiées. Plus personne n'a confiance, alors même que l'accompagnement des propriétaires dans l'amélioration de la performance énergétique des logements est plus que nécessaire.

Troisième exemple concret : la diminution des ressources des chambres d'agriculture et des agences de l'eau, alors que l'action de ces acteurs est essentielle pour la transition écologique et la préservation des ressources dans nos territoires. Nous nous accordons sur la nécessité d'un changement de modèle favorisant la transition énergétique, mais nous nous interrogeons sur la nature que vous souhaitez lui donner, ainsi que sur les outils d'accompagnement que vous prévoirez.

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