Nous sommes réunis afin d'examiner le projet de loi de finances pour 2020, qui décline les grandes orientations décidées par le Président de la République et son gouvernement pour notre pays. J'entends dire sur certains bancs de cet hémicycle et ailleurs qu'il ne s'agit que d'un budget de transition n'ayant rien d'exceptionnel et, au fond, ne méritant pas que l'on s'y attarde. Je crois au contraire qu'il est un marqueur fort de l'acte II du quinquennat. À la fin 2018 et au début 2019, lors de la crise des « gilets jaunes », les Français ont exprimé avec colère leur sentiment d'injustice sociale et fiscale, lié notamment à la méconnaissance profonde du fonctionnement et de l'utilité de l'impôt, alors même que la France est le pays d'Europe qui redistribue le plus ses richesses. Ils ont aussi martelé leur besoin de retrouver du pouvoir d'achat.
La baisse de près de 5 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu, qui profitera aux classes moyennes, illustre parfaitement la volonté du Gouvernement de leur en redonner, s'agissant notamment des foyers les plus modestes.
Point d'orgue de ce budget, l'article 5 précise la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages en 2020, puis sa disparition progressive et définitive pour les 20 % restants à l'horizon 2023. Cette mesure, dont le coût à terme est estimé à 20 milliards d'euros, permettra de générer un gain moyen par foyer d'environ 723 euros, ce qui sera indéniablement de nature à redonner du pouvoir d'achat à tous les Français. Cependant, elle donne aussi le coup d'envoi d'une réforme de la fiscalité locale d'une portée historique, car elle en remanie profondément l'architecture générale.
C'est précisément sur son impact pour les collectivités que je souhaite concentrer le reste de mon intervention, comme l'a indiqué ma collègue Lise Magnier. Tout d'abord, nous constatons avec satisfaction votre souhait de préserver le soutien en faveur des collectivités locales en maintenant les dotations, notamment les dotations de péréquation, au même niveau qu'en 2019. Toutefois, afin de préserver l'équilibre financier des collectivités territoriales – qui se trouveront privées d'une recette budgétaire importante – et de ne pas porter atteinte au principe de leur autonomie financière, la perte du produit de la taxe d'habitation doit être compensée à l'euro près. Si nous ne doutons pas de l'intention qui existe à ces fins, nous estimons qu'un risque demeure pour atteindre cet objectif en raison de la multitude d'éléments imbriqués. Pas moins de vingt-cinq pages et cinq cent vingt alinéas pour décliner l'article 5, et pas moins de cinquante pages dans le rapport d'évaluation préalable des articles pour expliquer les mécanismes de compensation : même les plus aguerris y perdent leur latin !
Par conséquent, il nous paraîtrait sage et prudent de ménager plus de temps en 2020 pour approfondir la réforme concernant les points d'atterrissage que sont notamment le partage des ressources au sein du bloc local, les mécanismes de compensation et de péréquation, et l'incidence sur le calcul du potentiel fiscal et financier des collectivités profondément affectées par cette réforme. C'est précisément le sens d'un amendement que nous avons déposé afin de prévoir une clause de revoyure du dispositif qui permettrait d'apporter les ajustements nécessaires en cas de dommage collatéral susceptible de pénaliser les collectivités territoriales.
Par ailleurs, nous avons été surpris de constater le gel des bases fiscales de la taxe d'habitation pour 2020, qui contredit le principe de compensation à l'euro près et prive les collectivités d'une dynamique dont elles ont singulièrement besoin. Cependant, des avancées positives ont eu lieu en commission sur ce point précis ; je ne doute pas qu'elles seront confortées en séance.
Enfin, nous nous interrogeons sur la suspension en 2020 des dispositifs de lissage, d'intégration fiscale progressive et d'harmonisation des taux d'imposition de la taxe d'habitation alors que la rationalisation de la carte intercommunale, imposée aux élus à marche forcée ces dernières années, a redéfini de nouveaux ensembles intercommunaux et nécessité de mettre en oeuvre, dans le cadre des pactes territoriaux, des périodes de lissage pouvant durer jusqu'à douze ans.
Pour conclure, nous ne doutons pas, messieurs les ministres, que vous apporterez des réponses claires aux différents points que j'ai évoqués afin que nous comprenions mieux les raisons qui ont présidé à vos choix.