Intervention de Edouard Philippe

Séance en hémicycle du mardi 15 octobre 2019 à 15h00
Questions au gouvernement — Offensive turque en syrie et situation des kurdes

Edouard Philippe, Premier ministre :

L'offensive turque en Syrie est d'une portée sans précédent ; elle est à la fois permise et renforcée dans ses effets par le retrait unilatéral décidé par les Américains.

Chaque jour, chaque heure qui passe, nous mesurons les conséquences dévastatrices de ces deux décisions.

Pour les Forces démocratiques syriennes d'abord – vous avez dit ce que nous leur devons ; pour les populations civiles ensuite, qui ont fui les combats en se jetant sur les routes ; pour notre sécurité collective, enfin : la résurgence de Daech au nord-est syrien est inévitable, de même probablement qu'au nord-ouest irakien, ce qui déstabiliserait un régime qui n'en a nul besoin.

Les conséquences sont dévastatrices également pour la recherche d'une solution politique en Syrie, laquelle s'éloigne un peu davantage avec chaque avancée de l'offensive turque.

Vous avez raison, l'Europe, par son poids économique et démographique, représente un partenaire clé d'Ankara. Il est de notre responsabilité de mettre la Turquie devant les siennes. C'est le sens de la condamnation la plus ferme de l'offensive militaire turque, que j'ai évoquée en répondant à Mme de Sarnez et que je répète ; c'est le sens de la mobilisation de l'ensemble des forums dans lesquelles sont prises les décisions multilatérales. J'insiste sur cette dimension : il n'est pas anodin de vouloir opposer des réponses multilatérales aux décisions unilatérales si nous voulons qu'elles soient pérennes et efficaces – même si je suis d'accord avec vous : c'est plus lent et plus incertain.

L'Europe a également opposé des actes à l'offensive turque : avec l'Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, la Finlande et le Royaume-Uni, la France a suspendu ses exportations d'armes vers la Turquie ; avec nos partenaires de l'Union européenne, nous poursuivrons les initiatives susceptibles de conduire la Turquie à mettre un terme à cette opération – nous prenons notamment en considération les possibilités commerciales que vous avez citées.

Nous voulons par ailleurs maintenir le dialogue avec Ankara. En effet, même si nous déplorons et condamnons la décision prise par le gouvernement et le président turcs, cela est utile et le sera à l'avenir. Quelque appréciation que nous portions sur cette décision – j'ai dit celle du Gouvernement – , la Turquie est une puissance située à un endroit stratégique, avec laquelle nous devons agir, composer, construire.

Tel est le sens des relations que nous entretenons avec cet État ; elles ne sont pas simples et aucune des décisions prises par le Gouvernement turc ne les facilite. Nous devons, monsieur Lagarde, tenir une conduite digne avec nos alliés et rappeler fermement nos responsabilités communes à la coalition et aux Américains.

Il nous faut expliquer à la Turquie que cette action unilatérale et violente ne peut aboutir à aucune solution durable.

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