Je ne partage pas ce point de vue. J'utilise le mot féminicide depuis 2008 et je ne suis pas la seule. Lors de la première enquête que nous avons faite sur les femmes tuées en Seine-Saint-Denis, avec le procureur adjoint, aujourd'hui avocat général à la Cour de cassation, nous avons utilisé le terme de « féminicide », avec l'idée qu'il fallait rendre visible le fait que – comme le dit la convention d'Istanbul – les femmes étaient victimes de violences dans le couple de manière disproportionnée par rapport aux hommes, parce que justement, cela tient à la domination des hommes sur les femmes dans nos sociétés. C'est présent dans toutes les sociétés, pas seulement les nôtres. L'idée est de rendre visible le phénomène. D'ailleurs, si c'est utilisé dans la société aujourd'hui, c'est parce qu'il y a besoin de rendre visible la domination des hommes sur les femmes d'une manière globale. Cela ne déresponsabilise pas, à mon avis, les agresseurs parce qu'il s'agit de penser pourquoi ces violences existent. Employer ce terme va nous donner des moyens de prévention. Si nous identifions les causes, nous pourrons travailler sur la prévention. Je suis favorable à l'emploi du terme « féminicide » sans circonstances aggravantes, c'est-à-dire simplement le fait de rendre visible que les femmes sont davantage tuées. Nous avons « homicide » pour les hommes et « féminicide » pour les femmes. Nous avons une symétrie.
En 2018, il y a eu 21 hommes tués et 121 femmes. Pour les hommes, dans plus de la moitié des cas, c'est la conjointe qui tuait parce qu'elle était elle-même victime. Bien sûr, il y a des hommes tués ; c'est pour cela que je ne demande pas de circonstances aggravantes. Il est tout aussi grave de tuer un homme que de tuer une femme, mais il faut quand même savoir que, pour les 21 cas que j'évoquais, dans 54 % des cas, la femme était victime. La décision vous revient, mais je pense que cela vaut la peine de penser et de rendre visible le phénomène.