Pour ma part, je voudrais insister sur le fait qu'il me paraît absolument fondamental de penser les violences conjugales comme une forme de violence sexuée. Il faut avoir cette image en tête pour comprendre la violence et ses mécanismes. C'est le seul moyen de protéger toutes les victimes de violences conjugales, quel que soit leur sexe ou quelle que soit la configuration, homosexuelle ou hétérosexuelle, de leur couple. Tous les dispositifs de protection qui ont été créés l'ont d'ailleurs été par des professionnels – je me tourne naturellement vers Ernestine Ronai – qui ont pensé les violences conjugales comme une forme de violence sexuée. Je voudrais rappeler sur ce sujet aussi que pour l'homme et pour la femme, l'expérience de la victimation est très différente. Pour un homme, le risque de subir des violences se situe dans l'espace public, des violences commises par un autre homme inconnu de lui. Pour une femme, le risque majeur de subir des violences se situe dans l'espace privé, des violences commises par un homme connu d'elle. Loin de moi l'idée de penser que tous les hommes et tous les pères sont violents et agresseurs ; je ne pense absolument pas cela. Mais la violence est un choix. C'est la seule raison pour laquelle nous pouvons condamner un violent conjugal, c'est parce que c'est un choix et qu'ila d'autres possibilités que la violence.
Sans donner d'éléments spécifiques, j'aimerais évoquer une audience qui traitait d'un féminicide. Juge aux affaires familiales, je reçois le père. Je vérifie qu'il s'appelle bien M. X. Je vérifie le prénom de son enfant et la date de naissance de son enfant et comme toujours, quand un parent est mort, je nomme le parent mort, et je dis : « La mère de votre enfant est Mme Y. ». Il répond : « Non, pas Mme Y, Mme X. Nous étions toujours mariés quand elle est morte par féminicide ».