Intervention de Valérie Boyer

Réunion du mardi 1er octobre 2019 à 19h15
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Boyer :

Je dois dire que je suis absolument troublée parce que je comprends et partage vos arguments à tous les trois quant aux enjeux sémantiques. Je pencherais plutôt pour l'emploi des mots « violences conjugales » parce que je pense que ce sont toutes les familles qui sont concernées et que j'ai la faiblesse aussi d'imaginer que c'est un rapport de domination et d'appartenance, et qu'aujourd'hui, ce rapport se fait plutôt d'un homme sur une femme. Je suis désolée d'évoquer ce type de clichés, mais c'est la réalité. Cela existe aussi dans le sens contraire, parce qu'une femme peut avoir de l'emprise sur un homme ou sur une autre femme, de même que dans un couple d'hommes. Personnellement, j'entends ce que vous dites sur cette violence conjugale qui est sexuée pour ces raisons-là, sur l'intimité et sur l'extériorité, mais dans le cadre de violences dans des couples qui ne sont pas des couples hétérosexuels classiques, j'ai eu des témoignages qui racontaient exactement les mêmes histoires. Nous sommes bien dans le rapport de la domination où la personne qui est féminisée est dominée. C'est en cela que c'est sexué. Néanmoins, je pense qu'il est important de garder le mot « conjugal » parce que cela veut dire que c'est dans le foyer. Le fait que cela se passe à la maison, c'est la circonstance aggravante parce que le foyer doit être le lieu de la protection. Ce n'est pas comme un accident extérieur. Il y a peut-être un deuxième mot qui mériterait d'être précisé : c'est la notion d'emprise parce que la violence conjugale n'existe pas s'il n'y a pas emprise, et l'emprise, malheureusement, n'est pas définie dans notre droit.

Sur le plan personnel, plus que sur les notions de vocabulaire, même si elles sont essentielles, je préférerais avancer sur ce qui me semble une urgence, c'est-à-dire la protection des enfants, comme vous l'avez décrite M. Durand, parce que malheureusement – l'histoire du droit pourra peut-être nous éclairer aussi – nous considérons trop souvent que l'enfant est la propriété des parents, comme la femme que l'on peut abattre parce que c'est la propriété de son mari. Nous avons cet héritage, même si j'ai la faiblesse de penser que nous nous sommes exonérés de tout cela depuis longtemps. Néanmoins, dans les cas de violence, nous sommes dans ce cas-là. Pour moi, la priorité des priorités, c'est la protection du plus faible, de celui qui n'est pas considéré comme une victime à partir du moment où il n'a pas eu directement des coups. Pour moi, c'est l'urgence absolue de l'évolution du droit, c'est la protection de l'enfant pour deux raisons : parce que l'enfant sert de levier pour torturer la mère, ensuite parce que lui-même est une victime, même si sa mère a été battue pendant qu'il était à l'école. Vous l'avez d'ailleurs décrit et les études montrent les conséquences du stress que cela lui procure sur son cortex cérébral. L'enfant n'ignore rien.

Il faut que nous changions de paradigme : un conjoint violent ne peut pas être un bon parent. Dès lors, il faut que notre droit soit plus efficace et surtout qu'il soit plus systématique parce que nous ne pouvons plus avoir la séparation entre le civil et le pénal. Protéger la mère sans protéger l'enfant, c'est une aberration à laquelle il faut mettre un terme.

Je voulais vous remercier de tout ce que vous avez dit, qui éclaire à la fois notre travail et notre façon de penser, et qui pour moi est l'urgence absolue. C'est le sens de la proposition de loi que je défendrai demain. Je pense qu'il faut agir vite parce que cela fait longtemps que nous en parlons. Même le Premier ministre l'a dit, cela fait partie de ses premiers propos, position que je partageais dans un texte que j'avais écrit en 2014 ou 2015. Cela me semble être vraiment une urgence.

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