Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mercredi 9 octobre 2019 à 16h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire :

Comme l'a souligné Mme Zivka Park, l'une des priorités de ce budget est bien d'accompagner les Français dans la transition énergétique. Pour cela, différents dispositifs montent en puissance dans le cadre de ce budget. Le chèque énergie, notamment, permet d'accompagner les Français les plus modestes, puisqu'il a été élargi à la totalité des ménages des deux premiers déciles, soit 5,8 millions de ménages. Je pense que l'on peut saluer le fait que le taux de recours à ce chèque énergie progresse, à plus de 80 %. Nous allons, bien sûr, continuer les actions d'information pour nous assurer qu'il bénéficiera à davantage de Français l'an prochain.

Le forfait mobilités durables permettra également, en 2020, d'accompagner les Français dans leur mobilité, à travers les usages alternatifs à la voiture individuelle, en particulier le covoiturage. L'on peut se réjouir de ce que les Français qui auront recours au covoiturage ou au vélo pourront bénéficier, dès l'an prochain, d'un forfait mobilités durables exonéré de charges fiscales et sociales à hauteur de 400 euros par an.

Nous accompagnons également les ménages avec des aides à la rénovation. C'est un sujet complexe, et je reviendrai peut-être sur la transformation du CITE en prime pour les ménages les plus modestes, ceux des quatre premiers déciles, qui devra se poursuivre au cours de l'année 2021 pour les ménages des déciles 5 à 8.

Je mentionnerai encore la prime à la conversion, dont j'ai donné les chiffres dans mon intervention liminaire. C'est un grand succès, ce qui nous a conduits à rehausser notre ambition de 500 000 véhicules polluants remplacés par des véhicules propres à un million. Les 500 000 véhicules remplacés sont, en effet, déjà largement dépassés et ils devraient approcher 700 000 à la fin de cette année. Il s'agit d'un dispositif important, car il est bénéfique pour l'environnement et permet en même temps d'alléger la facture des ménages.

L'ensemble de ces dispositifs constitue l'accompagnement indispensable de nos concitoyens les plus modestes dans cette transition écologique, et notre devoir est de nous assurer que nous ne laisserons personne sur le bord de la route.

Pour répondre à Mme Valérie Lacroute, chaque groupe peut attribuer la non-conclusion de la commission mixte paritaire sur la LOM à la raison de son choix, mais que cela ne serve pas à entretenir la confusion, tout au long de nos débats, sur le financement ou non de la programmation des infrastructures. Vous avez dans ce budget, comme nous nous y étions engagés, tous les éléments sur le financement de la trajectoire, qui est exactement celle prévue dans la loi d'orientation des mobilités. Je vois vos signes de dénégation, mais les faits sont têtus, les chiffres sont les chiffres et les crédits prévus dans le projet de budget pour 2020 permettent très précisément de financer la trajectoire qui a été longuement débattue dans le cadre de la LOM.

Selon vous, les milliards de TICPE voleraient et plus personne n'y comprendrait rien. On observe effectivement une baisse du CAS « Transition énergétique », mais pour une bonne raison : il devait servir à éponger les dettes laissées par nos prédécesseurs, notamment sur la contribution au service public de l'électricité (CSPE), et leur résorption progressive permet d'alléger les dépenses du CAS de 900 millions d'euros. C'est une bonne nouvelle et cela n'affecte en rien les moyens consacrés. On peut certes jongler avec les chiffres mais, globalement, le budget est en hausse de 800 millions d'euros, étant entendu que je ne parle que du périmètre des dépenses pilotables, hors dettes et pensions, madame Sophie Auconie. Cette hausse n'intègre donc pas la prise en charge par le budget de l'État des frais financiers liés à la première tranche de reprise de la dette de la SNCF. Vous pourrez le vérifier, je suis certaine de ce que je suis en train d'affirmer.

S'agissant des effectifs, le ministère participe effectivement, comme l'ensemble des ministères, à l'effort de réduction, à hauteur de 2 %. Cela se traduit par une baisse de 597 postes sur le budget du ministère et de 476 postes sur les opérateurs – parmi ceux-ci, la société du Grand Paris, qui était manifestement sous-dotée, bénéficiera néanmoins d'une augmentation de 200 postes afin d'accompagner les très importants chantiers qu'elle doit conduire.

Évidemment, cette réduction des effectifs suppose des actions d'amélioration de l'efficacité, notamment dans les services supports, en particulier dans les services opérationnels et peut-être parmi nos agents d'exploitation, auxquels il est demandé d'améliorer leur organisation pour rendre un service plus efficace. Je dis très clairement que, dans ce cadre, les effectifs d'inspecteurs de l'inspection des installations classées ne baisseront pas, non plus que ceux de l'Office français de la biodiversité, contrairement à ce qui avait été esquissé dans le projet de budget que j'ai trouvé à mon arrivée. Cet office a, en effet, des missions très importantes et il pourra ainsi renforcer les moyens consacrés à nos parcs naturels marins qui sont aujourd'hui sous-dotés.

Pour revenir sur le malus, je suis un peu surprise, madame Valérie Lacroute, qu'on puisse laisser penser que le Gouvernement pénaliserait les Français modestes qui achètent des petites voitures. Les véhicules qui feront l'objet d'un malus l'an prochain sont ceux qui émettent plus de 117 grammes de CO2, soit bien plus que les petits modèles mis en vente actuellement. Je peux donc vous assurer que ce seront des gros véhicules. Nous pourrions même avoir un débat sur la nécessité de renforcer encore le malus sur les très gros véhicules, dont les ventes, en particulier de SUV, expliquent que les émissions moyennes de CO2 ne baissent pas. On peut donc se poser des questions sur le malus, mais ce ne sont pas les petites voitures qui seront touchées dans le cadre de ce budget.

Globalement, les moyens consacrés à la rénovation énergétique des logements seront en progression, en incluant les dispositifs très efficaces des certificats d'économies d'énergie qui seront en augmentation l'an prochain : 3,5 milliards d'euros de crédits de l'État y seront consacrés. On constate aujourd'hui que le crédit d'impôt pour la transition énergétique bénéficie essentiellement, autour de 50 %, aux ménages des deux déciles les plus élevés, 9 et 10. Cela peut sembler paradoxal, car notre priorité est bien d'accompagner les Français les plus modestes dans la rénovation thermique de leur logement. Je précise que les ménages des déciles 9 et 10 pourront continuer à bénéficier des programmes de CEE, y compris des « coups de pouce », notamment pour les chaudières, l'isolation des combles, le remplacement des chauffages électriques ou l'isolation des planchers bas. Mais nous faisons le choix de concentrer les moyens de l'État sur les ménages les plus modestes. Pour ces derniers, les barèmes, sur lesquels nous avons lancé la concertation et que nous sommes en train de finaliser, permettront d'avoir un taux d'aide plus élevé que par le passé. Avec les CEE, le taux de prise en charge pourra être de 75 % pour les ménages modestes et de 90 % pour les ménages très modestes.

Pour aider également à financer le reste à charge, nous voulons simplifier et dynamiser le prêt à taux zéro (éco-PTZ), qui apporte une solution complémentaire aux ménages modestes. Nous suivrons, bien sûr, la mise en place de ces prêts. Jusqu'à présent, ces dispositifs n'ont pas bien fonctionné, mais je serai très attentive à ce que ces éco-PTZ redimensionnés puissent accompagner de façon plus efficace nos concitoyens.

S'agissant de la montée en puissance et de l'utilisation du Fonds chaleur, vous avez sans doute vu qu'avec Mme Emmanuelle Wargon, nous avons annoncé vingt-cinq mesures qui ont été travaillées avec la filière, notamment pour encourager le développement des réseaux de chaleur. Sans entrer dans le détail de ces vingt-cinq mesures, il s'agit notamment de mener une action, y compris d'information, pour encourager les villes de plus de 10 000 habitants à se lancer dans l'élaboration de réseaux de chaleur, qui permettent d'avoir une meilleure efficacité énergétique et de verdir d'un coup à grande échelle le chauffage de nombreux logements. Nous viserons également à sécuriser les investissements des collectivités. Les aides de l'ADEME seront désormais assorties d'une clause de revoyure pour prendre en charge des surcoûts exceptionnels, par exemple dans le coût des forages de géothermie, ou la perte d'un gros client qui déséquilibrerait l'ensemble du réseau de chaleur, autant de craintes manifestées par les collectivités, qui freinent l'engagement dans la réalisation de ce type de réseaux et que nous avons voulu lever dans le cadre des mesures annoncées cette semaine.

Dans le dernier PLF, un amendement a été adopté à l'initiative de la députée Mme Bénédicte Peyrol, visant à l'établissement d'un jaune budgétaire présentant les recettes et les dépenses environnementales ainsi que les dépenses défavorables à l'environnement. Ce document sera déposé d'ici à la fin de la semaine, avec l'ensemble des jaunes budgétaires. Je pense qu'il constituera une avancée importante pour y voir clair sur les recettes et les dépenses environnementales et qu'il viendra nourrir le débat, en complément de l'exercice de « green budgeting » sur lequel nous avons eu l'occasion de communiquer voici quelques semaines.

Monsieur Christophe Bouillon, je le redis, les effectifs ne diminuent pas, tout comme les contrôles continuent à s'exercer avec beaucoup de vigilance. L'an dernier, des sanctions ont été prises dans le cadre des inspections d'installations classées : 427 sanctions administratives ont été prononcées par les préfets, soit plus que la moyenne des cinq dernières années, qui était de 324 ; 828 procès-verbaux ont été dressés, contre une moyenne de 746 au cours des cinq dernières années. Les effectifs et la vigilance n'ont donc pas baissé. Il est vrai, en revanche, que le nombre d'inspections a baissé, à 18 196 en 2018 contre un peu plus de 20 000 en moyenne entre 2013 et 2017, ce qui s'explique notamment par la charge de travail supplémentaire des inspecteurs due à la mise en place de nouveaux dispositifs, et notamment au temps consacré à l'instruction des dossiers de plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Cette charge administrative exceptionnelle ces dernières années a empêché nos inspecteurs d'être aussi présents qu'ils avaient pu l'être précédemment. Cela renvoie également au débat que j'ai eu avec la commission équivalente à la vôtre au Sénat, au sujet des simplifications administratives que nous pouvons être amenés à prendre dans ce domaine. La priorité, à l'avenir, sera d'alléger les charges administratives qui pèsent sur les inspecteurs, afin qu'ils puissent consacrer un maximum de temps aux inspections sur le terrain.

Je pense avoir répondu au sujet des enjeux de périmètre évoqués par Mme Sophie Auconie. S'agissant du budget de l'ADEME, compte tenu de la trésorerie dont celle-ci dispose, les moyens qu'elle pourra engager l'an prochain seront supérieurs à ceux de cette année. Nous ne diminuons pas le rythme.

Par ailleurs, je suis le dossier de l'hydrogène avec une grande attention ; M. Bruno Le Maire est également convaincu de l'importance de cet enjeu pour la mobilité et, de façon générale, pour le verdissement de l'énergie. Nous pourrons vous rendre compte à une autre occasion des grands succès que remportent les appels à projets qui ont été lancés dans le domaine de l'hydrogène. Outre les usages de l'hydrogène dans le domaine de la mobilité, que nous continuerons à soutenir, nous devons également impulser le développement de la filière, afin de couvrir l'ensemble des éléments clés, qu'il s'agisse de la pile à combustible ou des électrolyseurs. Ce faisant, nous nous assurerons que notre pays disposera bien d'une filière de production d'hydrogène vert au service des usages de la mobilité, mais aussi du secteur de l'industrie, qui en est un important consommateur.

En réponse à la question de M. Bertrand Pancher, la trajectoire envisagée pour la taxe carbone s'est heurtée à une forte incompréhension de nos concitoyens. Il serait malvenu d'envisager d'y revenir alors même qu'une très forte réaction s'est exprimée dans notre pays. Nous souhaitons que cette question puisse être abordée dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat, qui a été installée les 4, 5 et 6 octobre derniers. Elle se réunira encore à six reprises, afin de nous faire des propositions de mesures permettant d'atteindre nos engagements de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030. Il est important, en effet, que nos concitoyens puissent exprimer directement la nature de l'accompagnement ou des dispositifs qu'ils souhaiteraient instaurer, s'ils devaient nous proposer de revenir à une fiscalité carbone. Le dispositif de la taxe carbone avait été mal compris ; les dispositions qui doivent nous permettre d'être à la hauteur des enjeux de réduction des émissions de gaz à effet de serre se construisent désormais avec les Français.

Pour répondre à Mme Mathilde Panot, nous n'ouvrirons pas aujourd'hui le débat relatif aux avantages du capitalisme et à ceux d'autres systèmes, dont je n'ai d'ailleurs pas compris quelle alternative ils représentent. Il ne me semble pas juste de faire comme si notre pays n'avait pas pris de mesures fortes en matière de transition écologique et solidaire. Je rappelle que nous sommes l'un des seuls pays qui a voté l'arrêt de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures, et que nous serons l'un des seuls aussi qui fermera des centrales à charbon au cours du quinquennat. Nous sommes en train de mettre en place une révolution dans nos politiques de mobilité, afin d'accompagner nos concitoyens vers des mobilités à la fois plus faciles et plus propres. Nous voulons accélérer la rénovation thermique des logements et lever les freins. À cet égard, je n'ai pas mentionné le programme de 200 millions d'euros dont l'objet est de financer les services d'accompagnement de nos concitoyens dans la rénovation des logements. Le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, qui sera prochainement examiné ici, propose un autre modèle de consommation, dans lequel il est question de moins jeter et de développer davantage le réemploi de proximité. Ce sont donc bien là des mesures importantes, étant entendu qu'il nous faut certainement aller plus vite et plus loin. Tel est bien le sens de la convention citoyenne, qui nous fera des propositions d'ici au début de l'année prochaine, afin d'accélérer encore la transition écologique et solidaire.

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