Monsieur le Premier ministre, à l'âge de trente-cinq ans, l'écart d'espérance de vie entre un cadre et un ouvrier est de six ans pour les hommes, de trois ans pour les femmes. Cette inégalité sociale majeure se traduit très concrètement. Les salariés exposés à des conditions de travail pénibles bénéficient de leur retraite moins longtemps que les autres et dans un état de santé plus dégradé. La pénibilité au travail est une réalité quotidienne pour des millions de salariés. Personne ne peut le nier, pas même le Président de la République.
Le compte personnel de prévention de la pénibilité – C3P – est une grande avancée sociale en faveur des ouvriers. Fruit d'un long travail parlementaire avec les organisations syndicales, voté par la précédente majorité, mis en oeuvre progressivement depuis 2015, adapté et simplifié pour une meilleure application dans les petites entreprises, le C3P concilie prévention et réparation. À ce jour, 800 000 salariés ont ouvert un compte.
Monsieur le Premier ministre, vous venez d'annoncer une remise en cause du C3P. Premier recul, vous changez la nature du dispositif : quatre critères sur dix sont sortis du compte pénibilité : la manutention de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et l'exposition aux risques chimiques, à l'origine de nombreux cancers d'origine professionnelle. C'est un retour en arrière à la loi Woerth-Fillon de 2010 : une vision médicalisée, a posteriori et restrictive de la pénibilité, contraire à une politique de prévention et qui limitera le nombre de bénéficiaires.
Second recul, les entreprises n'assumeront plus par des cotisations spécifiques le financement du compte pénibilité confié à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de l'assurance-maladie. Toute incitation financière à diminuer la pénibilité au travail, au plus près du terrain, disparaît.
Monsieur le Premier ministre, vous avez donné satisfaction sur toute la ligne aux organisations patronales les plus hostiles au compte pénibilité, et qui n'ont cessé de faire obstruction à sa mise en place.