Or, mes chers collègues, il faut choisir : on ne pourra pas à la fois maintenir les montants nécessaires au financement des politiques européennes traditionnelles, au premier rang desquelles la politique agricole commune, financer des priorités nouvelles en matière d'innovation technologique et de défense, et refuser toute augmentation substantielle du budget de l'Union.
Il est légitime, et même nécessaire, de défendre les crédits de la PAC. Si on s'inquiète à raison du fait que cette dernière représente 40 % des dépenses de l'Union, il faut dire que le vrai scandale n'est pas dans le niveau de ces crédits, mais dans la faiblesse de l'engagement financier global de nos peuples au service de l'Union. Il faut choisir : réduire l'ambition européenne ou répartir autrement l'argent entre l'Europe et les États. Micromégas, cela ne marche pas !
Le quatrième paradoxe, dont nous ne sommes toujours pas débarrassés, en dépit de l'imminence du Brexit, c'est le paradoxe de Maggie – Maggie Thatcher – , celui du juste retour. Nous sommes tous, convenons-en, plus ou moins thatchériens, car tous, we want our money back. Or c'est une absurdité. Si chaque État membre devait recevoir l'exact équivalent de ce qu'il donne, l'Union serait à la fois inutile et toxique. Ce qui doit déterminer la dévolution des compétences et des moyens à l'Union, ce n'est certainement pas le principe d'un juste retour comptable, mais celui d'une vraie valeur ajoutée européenne. Il s'agit de la mise en oeuvre d'un principe sans cesse proclamé mais toujours ignoré, le principe de subsidiarité.
Nous ne sortirons par le haut des paradoxes qui nous écartèlent qu'à trois conditions : développer un véritable système de ressources propres, fondé sur des impôts de quotité et des procédures démocratiques ; généraliser la prise de décision à la majorité qualifiée ; mettre en oeuvre le principe de subsidiarité.
L'idée européenne est l'idée selon laquelle nous serons tous gagnants, économiquement, politiquement et moralement, si nous sommes solidaires dans le monde de demain. La véritable devise de l'Europe – c'est le dernier paradoxe que je vous propose, mes chers collègues, et celui-là, je l'assume pleinement – devrait être : « Égoïsme bien ordonné commence par les autres. »