Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du mardi 22 octobre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Lors de l'annonce de votre projet de loi de finances, les éléments de langage, répétés à l'envi par les membres du Gouvernement, évoquaient pour 2020 un budget plus juste grâce à d'importantes baisses d'impôt – impôt sur le revenu et suppression de la taxe d'habitation – , un budget qui serait gage d'une meilleure gestion des finances publiques grâce à un déficit en apparence contenu, et enfin un budget plus vert, marquant le tournant écologique du quinquennat. À l'issue de nos travaux, ce vernis est cependant sérieusement écaillé. Qu'en est-il en réalité ?

Vous nous annonciez une baisse d'impôt sur le revenu qui profiterait aux classes moyennes – une mesure de justice sociale, en somme. En réalité, cette baisse profitera à la classe moyenne supérieure. En effet, moins de quatre ménages sur dix payent l'impôt sur le revenu. Les déciles les plus aisés étant concernés, les autres ne profiteront pas de cette mesure.

Par ailleurs, le coût annoncé pour l'État s'élève à 5 milliards d'euros en 2020, mais il importe de corriger ce montant en intégrant notamment deux facteurs. Le premier tient à la mise en oeuvre du prélèvement à la source. Cette réforme impose des revenus plus récents et donc globalement plus élevés ; mécaniquement, le produit de l'impôt augmente.

Le second facteur tient à l'indexation du barème. Au final, le Gouvernement annonce aux ménages un cadeau de 5 milliards d'euros, mais je vous invite à observer les chiffres suivants : en 2018, l'impôt sur le revenu rapportait 73 milliards d'euros ; ce sera 75,5 milliards d'euros en 2020. Ce sont donc 2,5 milliards d'euros supplémentaires qui seront prélevés aux Français en deux ans.

Je souhaite aussi évoquer la suppression totale de la taxe d'habitation – autre totem. Elle procède de la même logique. L'annonce de sa suppression pour les 20 % de Français les plus aisés coûtera 7 milliards d'euros. A contrario, les Français les plus modestes, qui ne paient pas de taxe d'habitation ou bénéficient d'un plafonnement de la taxe à 3,44 % de leur revenu, ne verront pas ou peu d'amélioration de leur pouvoir d'achat. Votre politique est donc mal calibrée, mal ciblée – à moins qu'elle ne cible à dessein une clientèle électorale précise. Nos compatriotes les plus modestes sont quant à eux les oubliés de ce budget.

À défaut d'être juste socialement, la réforme de la fiscalité locale renforce-t-elle la démocratie de proximité ? Non, bien au contraire : en supprimant la taxe d'habitation, certes non exempte de faiblesses, vous cassez le lien entre les citoyens et la décision publique locale tout en rabotant l'autonomie fiscale et financière des collectivités.

Le groupe Libertés et territoires avait présenté des contre-propositions. Nous estimons qu'une fiscalité locale moderne doit s'attacher à mettre en adéquation les compétences et les financements, dans une logique de responsabilisation des élus locaux et de renforcement de l'exercice démocratique. Donner aux élus locaux des leviers fiscaux est un impératif démocratique dans le cadre d'une République pleinement décentralisée. Nous regrettons que ce ne soit pas votre choix.

J'en viens à la gestion des finances publiques. Vous vous réjouissez d'une prévision de déficit public pour 2020 à 2,2 % du PIB. Votre enthousiasme mérite d'être tempéré, d'une part parce qu'il s'agit du double de la moyenne de la zone euro, d'autre part parce qu'il s'agit du plus faible redressement des finances publiques depuis longtemps.

Le Haut Conseil des finances publiques nous invitait à réduire le déficit structurel de 0,5 point de PIB par an. Avec ce projet de loi de finances, nous aurons péniblement réalisé, en trois ans, une réduction de 0,2 point. La trajectoire de la loi de programmation des finances publiques n'est plus qu'un rêve lointain ! En ne réduisant pas le déficit, vous prenez un risque pour l'avenir, d'autant plus important que nous savons les nuages qui s'amoncellent sur la conjoncture économique mondiale.

Enfin, où en est le virage écologique ? L'avenir est aussi marqué par les menaces qui résultent du changement climatique et de la disparition de la biodiversité. Le contraste entre le nécessaire virage vert et le manque d'ambition écologique du projet de budget est éloquent. À quand un véritable plan d'investissement pour en finir avec nos passoires thermiques ? La transformation du crédit d'impôt pour la transition énergétique en prime permettra certes un accompagnement renforcé des ménages les plus modestes, mais l'enveloppe allouée ne permettra jamais d'atteindre les objectifs de rénovation des bâtiments.

Vous l'aurez donc compris, le groupe Libertés et territoires, dans sa grande majorité, estime que ce texte issu de nos travaux n'est ni suffisamment juste, ni suffisamment vert, ni suffisamment vertueux, et votera contre la première partie de ce projet de loi de finances pour 2020.

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