Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mardi 22 octobre 2019 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 — Présentation

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, qu'Agnès Buzyn et moi-même avons l'honneur de vous présenter, constitue, avec le projet de loi de finances pour 2020, dont vous venez de voter la première partie, le premier budget de l'acte II du quinquennat, postérieure au grand débat. Cela se traduit particulièrement dans les chiffres des recettes – que, comme vous le savez puisque c'est la troisième fois que nous procédons à cet exercice, je présenterai en première partie du débat avec la ministre des solidarités et de la santé, avant de la laisser vous présenter les mesures relatives à la solidarité et à la santé de nos compatriotes.

Il s'agit de la traduction des choix faits par le Gouvernement pour répondre à l'urgence économique et sociale ainsi qu'aux annonces du Président de la République après le grand débat, et pour assurer la continuité de la baisse des impôts évoquée dans le cadre du projet de loi de finances, tout en maintenant le redressement de nos finances publiques.

Ce PLFSS a fait l'objet de beaucoup de critiques, souvent injustes, fréquemment contradictoires, parfois même les deux concomitamment – ce qui relève du défi…

Injuste et contradictoire est ainsi la critique sur la prétendue dérive de nos comptes sociaux. Leur dégradation est liée, d'une part, aux mesures d'urgence souhaitées, au-delà même de la majorité, par une grande partie des membres de votre assemblée et du Sénat, à la suite du grand débat et des annonces faites par le Président de la République. Je pense en particulier à la loi MUES – portant mesures d'urgence économiques et sociales – , qui a été présentée par Mme la ministre des solidarités et de la santé et Mme la ministre du travail, puis votée par une partie de votre hémicycle, y compris sur les bancs des oppositions, et, d'autre part, à la moins bonne conjoncture économique. De fait, alors que la croissance prévue lorsque nous avons construit le PLFSS sur les cinq ans du quinquennat était de 1,7 %, elle se situe désormais entre 1,3 et 1,4 % ; cette perte de 0,3 point de PIB de croissance se traduit évidemment par des recettes bien moindres, notamment pour ce qui est des cotisations et des impôts dans les caisses relevant du champ social.

Injuste et contradictoire est aussi la critique selon laquelle ce projet de loi n'irait pas assez loin dans la protection des plus fragiles, à propos de laquelle Mme la ministre a évoqué une partie des pistes d'action, alors même qu'un dérapage incontrôlé de nos comptes fragiliserait durablement le modèle social français et nous empêcherait d'envisager sereinement l'avenir et les défis que représente le vieillissement de la population. Durant le grand débat, nous avons rappelé que, sur 1 000 euros de dépenses publiques, plus de 570 sont affectés à des dépenses sociales, souvenons-nous en. Mme la ministre présentera d'ailleurs, dans le cadre des crédits budgétaires, le deuxième pan des dépenses sociales. Si certaines dépenses relèvent du champ de la sécurité sociale, ce n'est pas le cas de toutes, car elles sont complétées par la prime d'activité, l'aide médicale d'État, l'allocation aux adultes handicapés et de nombreuses prestations autres que je ne citerai pas toutes, crédits d'État relevant de la ministre du travail et plus encore de la ministre des solidarités et de la santé.

Si j'osais, je dirais également volontiers que le reproche selon lequel le PLFSS ne compenserait pas les exonérations sociales relatives aux heures supplémentaires – objet de l'article 3, que nous évoquerons demain – est tout aussi injuste et contradictoire, quand on sait que le Parlement a lui-même voté cette mesure dans le programme de stabilité.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 traduit au contraire un subtil équilibre – difficile à tenir, il est vrai – entre responsabilité financière, simplification de la vie des Français qui travaillent et renforcement de la protection des plus vulnérables. Ceux qui prétendent faire fi de cette responsabilité ne sauraient garantir la pérennité financière de notre système de protection sociale, que nous devons financer pour l'avenir, en particulier pour ce qui concerne la dépendance liée au grand âge, la santé et les retraites.

Ce texte est la traduction concrète de la réponse d'urgence apportée par le Gouvernement à la crise sociale lors du grand débat décidé par le Président de la République. Oui, nous assumons le fait que cette réponse ait conduit à dégrader, pour un temps, une partie de nos comptes sociaux.

Le solde de la sécurité sociale présenté dans le texte est négatif de 5,1 milliards d'euros en 2020. Ces résultats, plus dégradés qu'il n'était attendu, s'expliquent par des hypothèses économiques moins favorables pour la moitié de ce solde, mais surtout par les réponses d'ampleur apportées, sous forme de baisses d'impôts, à l'urgence économique et sociale. Je rappelle à cet égard que, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, le trou de la sécurité sociale était d'un peu plus de 5 milliards d'euros, ce qui n'a pas empêché le Gouvernement de redresser plusieurs comptes publics et d'améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens qui travaillent, par des baisses massives de cotisations et des allégements de charges.

La branche vieillesse redevient également déficitaire – un point peu abordé dans nos débats mais qu'il faut souligner. Pour 2020, cela s'explique par deux facteurs principaux : des hypothèses macroéconomiques moins favorables, là encore ; une hausse des dépenses liée à la revalorisation différenciée des prestations non prévues dans le PLFSS pour 2019 et à un nombre important de départs en retraite. Le Président de la République a demandé aux corps de nous donner de nouvelles indications de prévisions, à même de nourrir le débat qui sera animé devant la nation par Mme la ministre et M. le haut-commissaire aux retraites, et qui aboutira à un projet de loi sur les retraites à partir du début de l'année prochaine.

Le déficit de la sécurité sociale doit être resitué dans le temps. Il se situe au niveau de 2017, ce qui ne signifie en rien que nous ayons abandonné nos objectifs de finances publiques, bien au contraire. Nous poursuivons la politique budgétaire sérieuse et efficace – évoquée tout à l'heure lors de l'examen du projet de loi de finances par Mme Cariou – parce qu'elle crée de la croissance, de l'emploi et engendre davantage de cotisations entrant dans les caisses de la sécurité sociale. Les baisses d'impôts, que l'État prend à sa charge, permettent la relance de l'activité économique. Sans doute est-ce une des explications de la baisse continue du chômage depuis plus de deux ans et demi et aussi du fait que la croissance est plus forte chez nous que chez la plupart de nos voisins européens, singulièrement nos amis allemands, espagnols, italiens ou britanniques.

Les efforts en matière de dépenses nous ont permis d'obtenir des résultats concrets, tous champs publics confondus, que ce soit au niveau de l'État ou des collectivités locales – nous l'avons déjà dit lors de l'examen du PLF, je n'y reviendrai pas. Ces efforts nous ont aussi permis de réduire nos déficits – ce qui a été largement évoqué – , de baisser les prélèvements obligatoires – entre autres bien sûr dans le cadre du PLFSS – et de stabiliser notre endettement après une hausse continue depuis plus de dix ans, ce qui nous permet de voir l'avenir de façon moins sombre.

Les dépenses de santé demeurent maîtrisées. L'ONDAM, respecté en 2019 pour la dixième année consécutive, est l'un des plus élevés de la dernière décennie. Mme la ministre, qui a déjà évoqué cet aspect, en reparlera sans doute à propos des questions de santé.

Les efforts seront demandés à tous. Je reviendrai notamment sur la question des niches sociales, qui n'ont rien à envier aux niches fiscales, longuement étudiées dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances. La joie d'en discuter avec vous, mesdames et messieurs les députés, est sans cesse renouvelée – je sens que M. le président de la commission des finances sourit intérieurement à l'idée de reprendre ces débats nocturnes, à l'image de celui d'hier soir…

La déduction forfaitaire spécifique – DFS – demandée aux entreprises était ainsi une niche qu'on peut qualifier d'antisociale, de la même manière que certaines niches, comme celle favorable au GNR – le gazole non routier – sont jugées antiécologiques. Ce dispositif ancien, aux effets mal maîtrisés, puisqu'il amplifie le gain des allégements généraux de droit commun, fait l'objet d'un meilleur encadrement, avec un plafonnement de l'avantage à 130 % de ces allégements généraux de droits – je remercie au passage Olivier Dussopt, qui a mené une grande partie des négociations avec les entreprises. Cela contribuera à financer de nouvelles mesures en faveur du pouvoir d'achat – nous aurons l'occasion d'y revenir – , par exemple d'augmenter le salaire de remplacement des femmes en congé maternité. Ce salaire était jusqu'à présent moins élevé que celui qu'elles percevaient lorsqu'elles travaillaient ou que celui que percevaient leurs collègues ne bénéficiant pas de la DFS. L'approbation par l'Assemblée nationale des dispositions demandées par le Gouvernement serait la bienvenue.

À propos des niches, je voudrais d'ailleurs aborder une question de principe. L'Assemblée est, je crois, attentive à ce que dit la Cour des comptes et soucieuse d'appliquer ses recommandations. Or celle-ci a rendu, il y a quelques jours, un rapport consacré notamment à la question des niches sociales. Le Gouvernement a fait de la responsabilité financière et de l'autorisation parlementaire des priorités, ce qui témoigne de la sincérité des textes qu'il a présentés et qui ont été salués depuis trois ans par le Haut Conseil des finances publiques, par les commissions des finances et des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi que par la Commission européenne. Avoir des comptes sincères, respecter l'autorisation parlementaire, lutter contre des affectations qui pourraient être difficilement comprises par le Parlement : tels sont les points importants que souligne la Cour des comptes dans son rapport annuel sur la sécurité sociale.

Très récemment, la Cour a invité le Gouvernement à « encadrer plus étroitement les niches sociales » dont le coût « a beaucoup augmenté ces dernières années ». Avec la ministre, nous avons présenté diverses initiatives visant à évaluer et réduire le coût que représentent ces niches, notamment en matière fiscale et sociale. Je suis assez surpris que cette préoccupation, partagée lorsqu'on reste au niveau général, soit oubliée lorsqu'on s'intéresse aux cas particuliers, aussi bien dans la majorité que dans l'opposition. J'en veux pour preuve le nombre d'amendements, issus des différents bancs, qui visent à agrandir ces niches ou à en créer de nouvelles, alors même que la Cour nous a engagés à les réduire. Face à ce manque de cohérence, la ministre et moi-même donnerons un avis négatif à toute proposition de création de niche fiscale.

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