Je sais, madame la ministre, que ce n'est pas la vision que vous portez ni le modèle que vous voulez pour la France. C'est pourtant celui que ne manque pas de préparer et de dessiner votre troisième PLFSS. Parce que la France ne saurait être la France si elle n'est pas le pays où s'expriment toutes les solidarités. Qu'elles soient publiques, qu'elles soient privées, qu'importe, tant qu'elles trouvent à s'exprimer !
J'avais imaginé qu'après le discours du Président de la République du 18 septembre 2018, qu'après les promesses d'Emmanuel Macron et les engagements du Gouvernement à l'occasion des deux derniers CSIS – conseil stratégique des industries de santé – , et qu'à la suite du vote de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, il y aurait, dans ce projet de loi de financement, un souffle nouveau, comme une dynamique qui auraient permis de reconstruire notre modèle social et notre système de santé.
Mais votre PLFSS n'est malheureusement qu'une caricature, celle d'une administration qui a repris la main. Plus grave encore à mes yeux, il est le témoignage d'une défiance à l'égard de l'ensemble des acteurs de santé, notamment de tous ceux pour lesquels il va réduire considérablement le champ de la négociation conventionnelle.
J'avais imaginé que ce texte porterait les ambitions tant de fois affichées, tant de fois annoncées, et qu'à la suite du grand débat national, il y aurait, au plus haut niveau de l'État, une prise de conscience sincère du désarroi des professionnels de santé et avec eux des Français – un désarroi qui s'exprime sur tous les territoires.
J'avais rêvé que ce budget, à mi-chemin de la législature, sonne comme une espérance : celle de transformer en profondeur notre modèle social, qu'il ne soit pas finalement la pâle copie des budgets qui l'ont précédé.
Mais, en 2020, ce seront encore plus de 4 milliards d'euros d'économies qui seront imposés à un système de santé proche de l'implosion, et toujours des services hospitaliers qui poursuivront leur fermeture lente mais inexorable, faute de moyens et de professionnels en nombre suffisant.
Le Pr Philippe Lévy écrivait récemment dans une tribune : « Nous sommes à un point de non-retour où l'hôpital public va s'effondrer comme une barre obsolète de banlieue ». Nous pouvons continuer à tourner la tête pour ne pas voir la réalité telle qu'elle se dessine sous nos yeux, mais nous aurions pu aussi la relever pour nous saisir du projet de loi de financement de la sécurité sociale afin de rebâtir ensemble les fondations d'un nouveau modèle social. Les Français l'attendaient de nous ; la communauté médicale l'attendait de nous.
C'est pourquoi, face à tant d'espoirs déçus, face à ce que l'histoire retiendra comme une nouvelle occasion manquée, je suis contraint d'inviter notre assemblée à rejeter ce projet de loi de financement en adoptant la motion de rejet préalable. Vous le savez, madame la ministre, j'ai soutenu le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, qui n'était pas la panacée, mais me semblait constituer un réel pas un avant. Au regard de l'intérêt général, je ne peux en revanche pas vous suivre sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, qui ne porte ni ambition, ni espoir, ni même envie semble-t-il, d'une transformation de notre système de santé. Parce que les Français nous ont confié le soin de préparer et de construire l'avenir, j'invite les députés sur tous les bancs à soutenir la motion de rejet préalable. Chacun assumera ses responsabilités, mais personne ne pourra dire qu'il ne savait pas !