Vous m'avez interrogé, Monsieur Jacques, sur la protection du soldat et la cyberdéfense dans le cadre de l'OTAN. J'ai abordé cette question il y a trois semaines à Tirana, lors du dernier conseil militaire de l'OTAN, où il était question d'un renforcement des effectifs de la structure de commandement dans le domaine cyber. J'ai indiqué que nous donnions d'abord la priorité à la montée en puissance de tels effectifs en France, ce qui participe directement à la défense des membres de l'Alliance.
Je confirme, Madame Pouzyreff, que les recrutements ne s'élèveront qu'à 1 500 personnes, tous effectifs confondus. Cela n'exclut pas les bascules internes, à effectif égal, car c'est l'évolution normale d'une structure militaire de supprimer ou de réduire certaines capacités pour en accroître d'autres. Les armées doivent être en perpétuelle transformation pour faire face à des ennemis qui évoluent en permanence, et pour se projeter dans de nouveaux champs d'action. L'adaptation aux nouvelles formes de conflit suppose aussi la formation du personnel, le développement de nouvelles capacités et le recrutement de nouveaux types de compétences.
La répartition au sein du ministère n'est pas arrêtée à ce stade. Les besoins sont bien identifiés. Il faudra faire des choix en privilégiant les besoins immédiats.
Le coût des opérations s'élèvera à 1,5 milliard d'euros en 2017, Monsieur Lachaud, dont 1,3 milliard d'euros pour les OPEX et 0,2 milliard d'euros pour les OPINT. Il m'est difficile de vous dire si les engagements en OPEX continueront inéluctablement d'augmenter : ces décisions relèvent d'abord du président de la République. Pour ma part, je l'ai indiqué, je souhaite que nous modulions nos engagements opérationnels pour préserver la capacité de nos armées à durer. Notre ambition nouvelle se traduira dans la prochaine loi de programmation militaire comme un objectif opérationnel à atteindre à l'horizon 2030. Ce texte tiendra compte de l'évolution du contexte stratégique, un contexte tel que j'estime les dangers à venir plus grands qu'ils ne sont aujourd'hui. Nous nous rapprocherons de cette ambition opérationnelle à mesure de ce que nous serons capables de faire pour régénérer notre modèle et pour créer des capacités nouvelles grâce à l'effort consenti par la Nation. Parce que, si nous allons trop vite, nous risquons à nouveau d'épuiser le modèle, il me faut définir un équilibre, difficile à trouver, en modulant justement les engagements opérationnels, qui doivent pour cette raison faire l'objet d'une analyse fine, au cas par cas. Ces exercices ont lieu dans le cadre des conseils de défense : nous mesurons nos engagements en fonction des déterminants géostratégiques mais aussi de l'impact qu'ils ont sur les armées.
Le bon soclage doit être calculé en fonction de l'évolution du gel de la ressource budgétaire, qui descend à 3 %. Il doit aussi permettre que le surcoût à mutualiser ne désorganise pas entièrement la gestion normale du budget de l'État.
Faites-moi confiance, Monsieur Chassaigne, pour ne pas me soumettre à la tutelle de l'OTAN. Je considère l'OTAN comme une alliance objectivement indispensable mais je ne suis pas un « otaniste » forcené.
Je ne pense pas que dans le cadre indispensable de coopération internationale qu'est l'OTAN nous soyons entraînés à nous soumettre à une tutelle excessive, et je puis vous rassurer : je porte, fortement, la voix de la France au comité militaire de l'OTAN. La France a toujours une position singulière au sein de l'Alliance atlantique. Elle est un partenaire déterminé, important et crédible – sans nous, l'OTAN perdrait de son crédit – mais elle tient à faire entendre son point de vue, notamment pour ce qui concerne la nouvelle structure de commandement envisagée, et elle est déterminée à appeler tout le monde à la raison.
J'indique au passage que nous avons présenté la candidature du commandant suprême de la transformation de l'OTAN, le général Denis Mercier, à la présidence du comité militaire de l'Union européenne, tant parce que nous voulons faire entendre notre voix que pour montrer qu'il n'y a de contradiction à être « otanien » et européen : pour assurer la défense de l'Europe, les deux organisations sont complémentaires.
Pour avoir commandé une mission européenne au Mali, je pense qu'il faut être pragmatique. Ce sont les missions que nous conduirons qui permettront de définir un cadre de coopération ; ce n'est pas un cadre de coopération créé ex nihilo qui conduirait à déterminer ensuite des missions communes. Un travail politique initial est donc nécessaire pour définir une ambition et des intérêts communs. À cet égard, la France se doit d'être à l'avant-garde de l'engagement de l'Union européenne en faveur de la stabilisation de l'espace euro-méditerranéen et de l'espace africain. Nous n'avons pas d'autre choix que celui-là.
M. Michel-Kleisbauer a fait allusion au débat sur l'utilisation des forces spéciales et de l'infanterie. Il me semble important de ne pas opposer forces conventionnelles et forces spéciales. Nos soldats font preuve de la même bravoure, courent les mêmes risques. Les modes opératoires diffèrent mais sont complémentaires. Charge au commandement d'employer les forces spéciales là où elles apportent une valeur ajoutée avérée, j'y veillerai.