Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 21h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

L'examen du projet de loi de finances, particulièrement de la mission Recherche et enseignement supérieur – la MIRES – dont je suis chargée, est toujours un moment important pour l'ensemble de la communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Nombreux sont les enseignants-chercheurs, chercheurs et personnels de ce secteur qui nous regardent ce soir. Je tiens d'emblée à rendre hommage au travail considérable qu'ils réalisent chaque jour.

Comme chacun le sait, la MIRES est le dernier programme budgétaire interministériel issu de la LOLF. Il s'agit du troisième budget de l'État hors remboursement de la dette et, surtout, d'une mission prioritaire pour ce Gouvernement.

Cette priorité, c'est la préparation de l'avenir de notre nation et l'inscription de nos politiques dans le cadre d'un agenda de la connaissance, c'est le financement de l'enseignement supérieur pour préparer l'avenir de notre jeunesse et, également, celui de la recherche scientifique sous toutes ses formes.

En tant que ministre chargée de la recherche, je suis convaincue que la production scientifique est au XXIe siècle ce que la production d'acier était au XIXe : l'étalon de la souveraineté nationale. C'est parce que le Gouvernement a pleinement conscience de cet enjeu pour notre avenir que la MIRES fait partie des missions prioritaires du prochain triennal.

Pour 2020, le budget du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est doté de 25,35 milliards d'euros en crédits de paiement, hors contribution au compte d'affectation spéciale Pensions. Avec une hausse de 500 millions d'euros par rapport à 2019, la MIRES fait partie des missions prioritaires de l'État. C'est un effort considérable qui représente à lui seul 10 % des crédits nouveaux de l'État.

À ces 25,35 milliards d'euros s'ajouteront 140 millions d'euros de recettes de la contribution à la vie étudiante et de campus (CVEC) versés directement aux établissements d'enseignement supérieur et aux CROUS. Et je n'évoque pas les crédits issus du Programme d'investissement d'avenir (PIA) qui, pourtant, contribuent aussi de manière substantielle à la transformation de notre système d'enseignement supérieur et de recherche.

En matière de recherche, l'année 2020 sera avant tout consacrée à la préparation et à l'examen du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) annoncé en février dernier par le Premier ministre. Elle sera également consacrée à la préparation de la prochaine génération des contrats de plan État-Régions, qui contribuent aussi très fortement au financement de la recherche.

Un alignement des calendriers tout à fait remarquable se profile donc puisque, dès 2021, cette programmation spécifique et pluriannuelle correspondra au calendrier de lancement des contrats de plan État-Régions mais, aussi, au calendrier du programme européen de recherche Horizon Europe qui, je le rappelle, est le plus important programme d'ESRI – Enseignement supérieur, recherche et innovation – en préparation dans le monde actuellement.

Le budget 2020, le dernier avant la loi de programmation de la recherche, permettra de soutenir toutes les initiatives d'ores et déjà lancées par mon ministère depuis mai 2017.

Par rapport à 2019, ce projet de loi permettra d'augmenter de 32,7 millions d'euros les moyens d'engagement de l'Agence nationale de la recherche, l'ANR. Je le rappelle chaque année : il ne faut pas opposer le soutien aux financements sur projets et le développement des crédits de base. Aussi, le soutien aux crédits de base des laboratoires sera-t-il lui aussi reconduit, à hauteur de 25 millions d'euros. Il en est de même de la mesure de soutien aux instituts Carnot, à hauteur de 5 millions d'euros cette année.

Le plan « Intelligence artificielle » montera en puissance, passant de 17 à 38 millions d'euros, soit une augmentation de plus de 100 %. L'INRIA, l'Institut national de recherche en informatique et automatique, mettra par ailleurs en place des projets exploratoires, notamment en matière d'intelligence artificielle, ce qui illustre combien ce chantier déterminant pour l'avenir est prioritaire pour mon ministère.

Ce budget témoigne d'une attention particulière pour l'emploi et l'attractivité des carrières scientifiques, notamment au sein des organismes de recherche. Près de 28 millions sont consacrés au protocole PPCR – Parcours professionnels, carrières et rémunérations – dans les organismes de recherche. Ils permettront ainsi de soutenir les politiques de ressources humaines des organismes. Près de 12 millions d'euros supplémentaires sont en outre consacrés au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), qui déploiera dès 2020 un pack d'accueil d'un montant moyen de 10 000 euros pour les nouveaux chargés de recherche, avec une enveloppe de 2,5 millions d'euros. L'attractivité est également l'une des priorités de l'INRIA, qui mettra en place des tenure track (contrat de titularisation conditionnés) permettant d'attirer les jeunes talents.

Dans le cadre de la fusion INRA-IRSTEA – Institut national de la recherche agronomique et Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture – mon ministère accompagnera la création de l'INRAE, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, à hauteur de 2,5 millions supplémentaires, additionnés aux deux budgets précédents de ces organismes. L'INRAE organisera et coordonnera tous les travaux de recherche scientifique et technologique dans les domaines de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt, de l'environnement, de l'eau, de la biodiversité, de la bio-économie, de l'économie circulaire, de la gestion durable des territoires et de la prévention des risques.

Vous l'avez compris, ce nouvel organisme nous permettra de nourrir une ambition scientifique renouvelée pour relever les grands défis mondiaux en matière d'alimentation, d'agriculture et de protection de l'environnement.

Le soutien à l'équipement et aux infrastructures est également fondamental pour l'année à venir. En matière spatiale, 226 millions d'euros supplémentaires seront dédiés à tenir nos engagements auprès de l'ESA, l'Agence spatiale européenne, et 15 millions d'euros au soutien des activités du CNES (Centre national d'études spatiales). À quelques semaines de la conférence ministérielle de Séville, il est en effet capital d'affirmer le rôle leader de notre pays en matière spatiale à l'échelle européenne.

Le budget 2020 consacrera 21 millions d'euros supplémentaires aux grandes infrastructures de recherche, dont 7 millions d'euros à l'entretien de notre flotte océanique. À cet égard, l'installation de l'IFREMER (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) à Brest depuis janvier dernier est un réel succès ; j'aurai l'occasion de m'y rendre prochainement. Enfin, 7,5 millions d'euros seront consacrés au développement des plateformes de recherche et des data center.

S'agissant de la cancérologie pédiatrique, vous le savez, mon ministère, attentif aux orientations fixées par le Parlement, a lancé dès janvier dernier l'instrument de mobilisation de la recherche fondamentale au service de la lutte contre toutes les formes des cancers pédiatriques : 5 millions d'euros y ont été consacrés spécifiquement, sans compter la masse salariale ni toutes les actions plus globales qui contribuent à la recherche sur ces cancers. L'Institut national du cancer, l'INCa, a constitué une task force regroupant chercheurs et représentants associatifs afin de piloter les actions de mobilisation des meilleurs scientifiques. Deux appels à projets ont été lancés à hauteur de 3,7 millions d'euros. Un million d'euros supplémentaire a été dédié à la réalisation d'une plateforme de recensement et de diffusion de l'information scientifique pertinente afin de nourrir les travaux de l'ensemble de la communauté. Une revue de l'ensemble des travaux réalisés depuis dix ans est en cours dans ce cadre et l'INCa organisera au moins deux fois par an une restitution publique de ses travaux. Comme je m'y suis engagée en séance l'année dernière et comme je l'ai rappelé en septembre dernier, cette mesure sera reconduite chaque année afin de donner le temps et la visibilité nécessaire à la recherche fondamentale. Une annexe spécifique dans le « jaune budgétaire » y est désormais consacrée afin de permettre au Parlement de suivre cette mesure année après année.

Chacun le sait, la recherche n'est jamais éloignée de l'enseignement supérieur, qui est une priorité tout aussi importante de mon ministère.

Le budget 2020 permettra de poursuivre le déploiement du Plan « Étudiants » et de financer toutes les missions des universités. Les crédits du programme 150 augmenteront ainsi de 176 millions d'euros. La trajectoire fixée dans le projet de loi de finances a donc bien été respectée.

Près de 142,5 millions d'euros seront consacrés au Plan « Étudiants », soit 43 millions d'euros de plus que l'année passée, pour permettre à nos universités d'ouvrir des places supplémentaires et d'approfondir les dispositifs de remédiation mis en place à travers les parcours « Oui-Si ». Ces moyens représentent par ailleurs l'équivalent de 2 400 nouveaux postes dans l'enseignement supérieur.

Un rapide mot sur le bilan de Parcoursup cette année.

La campagne a été plus rythmée et plus efficace encore. À la clôture de la procédure principale, le 19 juillet, 89 % des bacheliers avaient reçu une proposition contre 83 % l'année précédente. En termes d'accompagnement, nous avons clairement changé d'échelle : la deuxième campagne de Parcoursup, c'est 5 millions de SMS, 250 000 appels téléphoniques, 110 000 points d'étapes pour les candidats, 25 000 candidats accompagnés dans le cadre des commissions d'accès à l'enseignement supérieur – CAES – avec l'appui des recteurs. Je souhaite là encore remercier l'ensemble des personnels du secondaire, du supérieur, les personnels chargés de l'orientation, les recteurs et les rectorats.

Chacun le sait, la mobilité sociale et géographique est au coeur de la lutte contre tous les déterminismes. C'est pourquoi nous avons veillé à accompagner financièrement la mobilité étudiante pour tous ceux qui souhaitent changer d'académie. Ils ont été 12 % de plus cette année à s'inscrire dans une formation hors de leur académie de résidence. En Île-de-France, 11,6 % supplémentaires de bacheliers de l'académie de Créteil se sont ainsi inscrits à Paris.

Nous généralisons cette année et en 2020 le dialogue stratégique avec les établissements, qui nous a permis de rénover en profondeur les modalités d'accueil des étudiants dans l'enseignement supérieur et, de façon générale, les modalités d'allocation des moyens versés aux universités. Le principe de ce dialogue est de construire une discussion directe et annuelle entre le ministère et les établissements afin que chaque université puisse évoquer, avec sa tutelle, ses projets structurants et son approche de la mise en oeuvre du programme d'orientation et de réussite des étudiants et, plus globalement, des programmes du Gouvernement. Ce dialogue permettra cette année de répartir une enveloppe de 50 millions d'euros. Une autre enveloppe de 50 millions d'euros est directement consacrée au financement du PPCR pour 2020 ainsi qu'à la reconnaissance de l'engagement pédagogique des enseignants-chercheurs.

Enfin, autre transformation majeure, désormais bien connue de votre collègue Gaël Le Bohec, rapporteur pour avis de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé : la réforme des études de santé. Je ne reviendrai pas sur le détail de ce chantier mais, sur le plan budgétaire, près de 16 millions d'euros supplémentaires seront ouverts afin de soutenir les initiatives pédagogiques et innovantes dans les établissements, le cas échéant dans le cadre du dialogue de gestion.

Un dernier mot enfin s'agissant de la vie étudiante, dont les moyens budgétaires sont en hausse de 67 millions d'euros pour 2020. Comme chacun le sait, pour avoir passé quelques années dans les amphithéâtres et à l'université, je me suis engagée personnellement sur cette question.

Cette année, pour la première fois depuis plus de dix ans, nous avons revalorisé les bourses sur critères sociaux à hauteur de 43 millions d'euros. Cette mesure s'inscrit dans le prolongement du travail réalisé par mon ministère pour améliorer les conditions de vie des étudiants et des boursiers : je songe évidemment à la suppression de l'affiliation au régime de la sécurité sociale des étudiants, généralisée depuis la rentrée de septembre 2019, ce qui représente une économie de 200 millions pour eux et leurs familles. Je songe également à la mise en oeuvre de la contribution à la vie étudiante et de campus, qui devrait générer cette année et l'an prochain près de 140 millions d'euros dédiés notamment au financement d'actions de prévention sanitaire et d'actions culturelles auprès des étudiants.

Deux mesures spécifiques complètent l'engagement du Gouvernement au service du bien-être des étudiants. Tout d'abord, un peu plus de 3 millions d'euros seront consacrés dès cette année au financement des certifications en anglais pour un ensemble de 38 000 étudiants, avec pour objectif de financer la certification en langue pour l'ensemble des étudiants à l'horizon de la rentrée 2022.

Toujours dans le prolongement des engagements pris par le Président de la République à l'occasion du discours de la Sorbonne, 3 millions d'euros seront consacrés à l'augmentation de l'enveloppe de financement de l'aide à la mobilité internationale qui, avec Erasmus +, constitue un levier important pour parvenir à remplir l'objectif d'emmener la moitié des étudiants vers une mobilité européenne.

Voilà en quelques mots et en en quelques minutes les principales lignes de force de ce budget 2020. Naturellement, beaucoup de sujets n'ont pas encore été évoqués – je songe aux campus connectés ou aux évolutions dédiées aux établissements privés – mais je suis à votre disposition pour répondre à l'ensemble de vos questions.

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