Intervention de Danièle Hérin

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 21h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Hérin, rapporteure pour avis des crédits de la recherche :

L'année 2020 peut s'analyser comme un exercice de transition pour le budget de la recherche, alors que la préparation d'une loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) est en cours, laquelle a vocation à s'appliquer à partir de 2021 après son examen au Parlement au premier semestre 2020, j'y reviendrai.

Dans l'attente des orientations qui seront dégagées par ce texte, le présent budget s'inscrit dans le prolongement des deux exercices précédents et poursuit l'effort – soutenu – engagé depuis 2017 pour redresser les financements de la recherche : les crédits de la MIRES augmentent de plus de 534 millions d'euros en crédits de paiement – plus 1,9 % –, pour atteindre au total 28,7 milliards d'euros et, ce, après une hausse de 478 millions entre 2018 et 2019.

Sur le seul périmètre de la recherche (hors enseignement supérieur agricole et économique, mais avec les enseignants-chercheurs du programme 150) tel que défini par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (MESRI), la hausse des moyens est d'ailleurs plus marquée en 2020, en progression de 2,05 %, soit 310 millions d'euros, pour atteindre 15,46 milliards d'euros.

Au-delà de ces considérations globales, je souhaiterais mettre l'accent sur le programme 172, qui concerne les crédits de la plupart des organismes de recherche, du CNRS à l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), en passant par l'IFREMER, l'INRIA et le futur INRAE, dont a parlé Mme la ministre. Les crédits du programme restent stables par rapport à 2020 avec 6,94 milliards d'euros, ce qui recouvre une hausse des crédits pour ces organismes et une diminution des crédits de paiement alloués à l'ANR, pour 120 millions d'euros – tandis que les autorisations d'engagement de l'ANR restent quasi identiques. Lors de mes travaux, il m'a été indiqué que cette évolution s'expliquait par des motifs essentiellement techniques liés à l'évolution du taux de mise en réserve des crédits et qu'elle ne remettait pas en cause l'augmentation des capacités d'intervention de l'ANR. Madame la ministre, pourriez-vous nous apporter des éléments complémentaires sur ce sujet ?

Hors évolution des crédits de l'ANR, les moyens budgétaires du programme 172 augmentent, notamment pour assurer le développement du plan « Intelligence artificielle » – plus 21 millions d'euros par rapport à 2019 – ainsi que le financement des mesures salariales dites PPCR (parcours professionnel, carrière et rémunérations) et la hausse des contributions françaises à des organisations et projets scientifiques internationaux. En revanche, et comme me l'ont fait observer plusieurs organismes de recherche, le financement du GVT – glissement vieillissement-technicité – n'est pas pris en charge par l'État, ce qui contraint les organismes à assurer sa couverture en gestion et pèse sur leurs effectifs.

Je rappelle par ailleurs que l'année 2020 sera marquée par la fusion de l'INRA et de l'IRSTEA pour constituer l'INRAE ; des crédits sont inscrits dans le présent budget pour l'accompagner. L'INRAE a vocation à être l'un des leaders mondiaux de la recherche dans les domaines de l'agriculture, de l'alimentation et de l'environnement pour relever des défis de premier plan, qui nous concernent tous : gestion des ressources naturelles et des écosystèmes, biodiversité, sécurité alimentaire et nutritionnelle, environnement et santé, risques naturels…

Je voudrais aussi dire un mot de l'INRIA, qui finalise actuellement son nouveau contrat d'objectifs et de performance – COP – pour la période 2019-2023. Celui-ci définit des orientations très ambitieuses et novatrices pour renforcer l'agilité de l'INRIA au service de l'ensemble des politiques publiques, de façon interdisciplinaire. Il fixe notamment l'objectif de développer cent projets de start-up technologiques par an d'ici à sa conclusion.

Pour conclure sur ce programme 172, je voudrais insister sur l'importance qu'il y a à améliorer l'accompagnement des chercheurs dans leurs candidatures aux appels à projets européens, pour renforcer une participation française dans ces programmes européens qui est aujourd'hui trop faible : le MESRI a lancé un plan en ce sens en octobre 2018 et la Direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI), travaille sur une restructuration du dispositif national d'accompagnement des chercheurs. Il faut soutenir ses démarches, qui sont essentielles, alors que le dépôt de dossiers s'avère très chronophage et prenant pour les chercheurs.

Le budget 2020 est également marqué par une forte hausse des moyens dévolus à la recherche spatiale, qui sont portés à 2 milliards d'euros : ce ne sont pas moins de 226 millions d'euros supplémentaires qui viennent abonder l'Agence spatiale européenne, l'ESA, ce qui permet à la France d'apurer complètement sa dette à son égard et de financer les programmes importants en cours, ainsi que ceux qui seront lancés au prochain conseil ministériel de l'ESA à Séville, en novembre prochain. Le CNES bénéficie également d'une hausse de ses moyens à hauteur de 15 millions d'euros.

L'année 2020 devrait être marquante pour la politique spatiale française et européenne avec l'achèvement du programme Ariane 6 – dont le premier vol est prévu en juillet 2020 – et la pleine capacité opérationnelle de Galileo, système européen de positionnement par satellite qui devrait concurrencer les GPS. Dans le domaine de l'exploration, sont prévus pour 2020 le lancement de la mission ExoMars, destinée notamment à déposer un rover à la surface de Mars, ainsi que le prochain vol de Thomas Pesquet vers la station spatiale internationale. Nous pouvons dire que, sur ce plan-là, nous sommes leaders en Europe.

Je ne m'exprimerai pas davantage quant aux crédits inscrits sur les autres programmes, qui financent d'autres priorités – comme le plan Nano 2022 – et vous renvoie à mon rapport écrit.

Je souhaiterais apporter un bref éclairage sur les financements apportés à la R&T (recherche et technologie) par les collectivités territoriales : ces dépenses sont assez peu identifiées et mal connues, alors même qu'elles avoisinent un milliard d'euros – soit un montant du même ordre que les financements annuels obtenus par les équipes françaises dans le cadre du programme européen Horizon 2020.

Parmi ces collectivités, ce sont les régions qui apportent les financements les plus importants, à hauteur de 70 % du total, en leur qualité de collectivités chefs de file en matière de recherche, d'innovation et d'enseignement supérieur. Ces dépenses sont largement orientées vers les opérations de transfert de technologies et d'aides aux entreprises innovantes, mais aussi vers les opérations immobilières, ou encore l'équipement des laboratoires publics et les aides aux chercheurs. Les chiffres publiés par votre ministère au cours des dernières années laissent penser que les dépenses de R&T des collectivités territoriales se sont quelque peu effritées au cours des dernières années.

Les régions souhaiteraient que leurs dépenses en faveur de la recherche soient prises en compte en tant que dépenses d'investissement et non de fonctionnement – car c'est bien d'investissement pour l'avenir qu'il s'agit – notamment pour l'appréciation de la hausse de leurs dépenses de fonctionnement plafonnée à 1,2 %. Il me semble en tout cas indispensable de mieux articuler ces financements territoriaux avec ceux réalisés par l'État et ses opérateurs et d'assurer une meilleure coordination des interventions de tous les acteurs. Les personnes que j'ai auditionnées ont toutes indiqué qu'elles souhaitaient plus de rapprochements, de concertations et de collaborations pour l'attribution des crédits de la recherche.

J'évoquerai également la question du périmètre de la MIRES : en tant que rapporteure pour avis sur les crédits de la recherche, je voudrais souligner la difficulté à appréhender l'effort budgétaire réalisé en faveur de la recherche de façon consolidée et exhaustive. Cela est dû tout d'abord à la structure même de la MIRES, dont plusieurs programmes comportent des crédits relatifs à l'enseignement supérieur, avec une difficulté à identifier, pour les enseignants-chercheurs notamment, ce qui relève de la recherche et ce qui relève de l'enseignement. N'oubliez pas que la MIRES, ce sont neuf programmes et six ministères ! L'identification des moyens alloués à la seule recherche au sein de la MIRES n'est donc pas aisée et, de surcroît, des financements pour la recherche figurent dans d'autres missions, ne serait-ce que dans la mission Investissements d'avenir, bien sûr.

Je conclurai en disant un mot de la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Le texte a d'ores et déjà donné lieu à d'importants travaux de préparation et trois groupes de travail ont remis leurs conclusions, sur lesquelles nous nous appuierons pour travailler sur cette loi de programmation. Ce texte suscite des attentes très fortes de la part de tous les acteurs de la recherche.

Nous avons l'objectif ambitieux de porter la part des dépenses de recherche à 3 % du PIB. Or, malgré les efforts réalisés depuis 2017, un retard assez sensible doit être rattrapé puisque cette part s'élevait à 2,2 % en 2018, contre 2,9 % en Allemagne par exemple.

N'oublions pas que la recherche est un enjeu fondamental de souveraineté !

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