Intervention de Éric Alauzet

Réunion du mercredi 16 octobre 2019 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet, rapporteur pour avis :

Cendra Motin et moi-même avons le plaisir, ce matin, de vous présenter les grandes lignes d'un texte cohérent et ambitieux.

D'abord, le PLFSS pour 2020 fait montre de cohérence. Il est cohérent dans la trajectoire qu'il fixe pour les comptes sociaux : d'un côté, il acte – sans la masquer – une dégradation de l'équilibre ; de l'autre, il la justifie clairement au regard de l'environnement social et économique dans lequel l'action du Gouvernement s'inscrit.

En 2019, le solde du régime général et du fonds de solidarité vieillesse affichera un déficit de 5,4 milliards d'euros, au lieu d'un excédent initialement prévu à hauteur de 100 millions d'euros. Ce décalage tient à l'encaissement de recettes à un moindre niveau que ce qui était envisagé. L'explication est double.

D'une part, nous avons voté la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales (MUES). L'avancement au 1er janvier 2019 des exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires compte pour 1,2 milliard d'euros, tandis que la réduction du taux de contribution sociale généralisée (CSG), de 8,3 % à 6,6 %, pour les retraités ou personnes en situation d'invalidité percevant entre 1 200 euros et 2 000 euros par mois, représente 1,5 milliard d'euros. Les trois quarts des écarts constatés avec la prévision sont imputables à ces éléments. Sur les 17 milliards d'euros de mesures de pouvoir d'achat consenties en décembre, je souligne que 14 milliards d'euros sont financés par l'État, soit près de 80 % – la sécurité sociale n'en finance donc que 20 %.

Par ailleurs, et cela explique le quart restant, les perspectives macroéconomiques ont été réajustées. L'évolution du PIB – 1,4 % au lieu de 1,7 % –, celle de la masse salariale − 3,3 % au lieu de 3,5 % – et celle des prix – 1 % au lieu de 1,3 % – ont en effet été moins dynamiques. Je veux insister sur le sérieux de ces chiffres. Le Haut conseil des finances publiques, le Haut conseil du financement de la protection sociale et la Cour des comptes les ont d'ailleurs jugés réalistes.

En 2020, le régime général et le fonds de solidarité vieillesse (FSV) devraient afficher un solde déficitaire de 5,1 milliards d'euros, avec 400,2 milliards d'euros en recettes et 405,6 milliards d'euros en dépenses. Dans le détail, la branche maladie sera à – 3 milliards d'euros ; la branche vieillesse à – 2,7 milliards d'euros ; le FSV à – 1,4 milliard d'euros ; la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) à + 1,4 milliard d'euros et la branche famille à + 0,7 milliard d'euros.

En prenant en considération l'effet des mesures des derniers textes financiers adoptés, ceux en cours de discussion et les perspectives économiques générales que je vous citais, il est possible de prévoir désormais un retour à l'équilibre des comptes en 2023. Le report de cette courbe ne porte que sur le flux, c'est-à-dire sur le déficit constitué et en cours de résorption. En effet, s'agissant de la réduction de la dette sociale, le cap est maintenu et réaffirmé.

Les déficits qui s'accumuleront d'ici à 2023 seront quant à eux gérés par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), où les comptes des branches du régime général sont consolidés. Si, en trésorerie, elle devrait connaître un déficit de 17,7 milliards d'euros en 2019 et 23,5 milliards d'euros en 2020, il faut noter qu'à très court terme, l'Agence bénéficie de conditions de financement extrêmement favorables, avec un taux moyen de − 0,5 %. Mais, bien évidemment, cela ne relativise pas la question de l'endettement.

J'en viens au stock de la dette. La Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) gère la dette transférée par l'ACOSS. Les volumes restants s'élèvent à 72,7 milliards d'euros, 188 milliards d'euros ayant déjà été amortis par la caisse. En 2020, la CADES remboursera 16,7 milliards d'euros, soit 700 millions d'euros de plus qu'en 2019.

À ce rythme, la dette de la CADES sera éteinte en 2024, comme prévu. Nous sommes tous deux opposés à tout report de cette échéance, pour une question de soutenabilité et de crédibilité. Nous préconisons donc de ne plus renoncer aux transferts et de mettre en place, dès 2020 ou 2021, une instance de concertation entre le Gouvernement, le Parlement, l'ACOSS et la CADES pour préparer l'avenir et assurer la bonne fin de nos prévisions.

Le deuxième marqueur de la cohérence du PLFSS pour 2020, c'est son ambition pour les publics les plus vulnérables. Nous faisons un effort assumé en faveur de la justice sociale, dans la continuité de la politique de revalorisation exceptionnelle des minima sociaux.

En plus, par exemple, de préserver l'effet incitatif du bonus malus d'assurance chômage en fonction du taux de séparation, le PLFSS prolonge la prime de fin d'année, dite prime Macron, exonérée de cotisations sociales salariales et patronales, de CSG, de CRDS et d'impôt sur le revenu. En cohérence avec la loi PACTE, son exonération est conditionnée à la mise en place d'un accord d'intéressement.

De plus, le PLFSS pour 2020 prévoit l'extension des droits et l'accompagnement des personnes en difficulté, en intégrant les problématiques de son temps, avec la création du service public de versement des pensions alimentaires, l'ouverture du fonds d'indemnisation des victimes des pesticides, le bénéfice des congés de proche aidant ou encore la préparation du versement contemporain des aides en matière de services à la personne.

La cohérence de ce PLFSS est aussi celle de lancer la transformation du système de santé actée par le plan « ma santé 2022 ». Il s'agit de poser les bases d'une médecine accessible à tous, sur tout le territoire, avec une qualité des soins accrue et une meilleure répartition de l'activité médicale, pour une dépense maîtrisée, avec, notamment, le déploiement des hôpitaux de proximité, les crédits au plan d'urgence – 600 millions d'euros en 2020 –, la simplification et la rénovation des incitations à l'installation en zone sous-dense et la mise en place de nouveaux modes de tarification au plus proche de l'activité des établissements ou des caractéristiques des pathologies traitées.

Je souligne l'effort marqué dans le domaine médico-social, effort qui s'élève au total à 500 millions d'euros supplémentaires, portés par le sous-objectif de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), pour préparer la réforme du grand âge.

Plus globalement, l'équilibre s'obtient par des efforts tant sur les recettes que sur les dépenses. Toutes les mesures contenues dans le PLFSS seront mises en application de manière rigoureuse, ce qui permettra de limiter la progression de l'ONDAM à 2,3 %− contre 2,5 % en 2019. Ce chiffre est à mettre en rapport avec une augmentation de la dépense publique à hauteur de 0,7 % : notre pays conserve une préférence marquée pour la couverture des besoins sociaux de la santé et la couverture sociale en général.

Voilà qui fait écho avec ce par quoi nous avions commencé, à savoir la maîtrise des dépenses et l'instauration de garanties pour retrouver l'équilibre des comptes sociaux. Chers collègues, je sais que nous aurons l'occasion de revenir sur des questions importantes, notamment sur les relations financières entre l'État et la sécurité sociale, à la faveur de l'examen des amendements.

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