Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

Monsieur Questel, vous avez évoqué la question du recrutement massif des surveillants pénitentiaires. Notre plan de recrutement répond à un protocole d'accord qui avait été signé avec l'une des organisations syndicales. Il permettra de combler les vacances d'emploi, ce qui se sent déjà sur le terrain. Grâce à des efforts de communication importants de l'administration pénitentiaire, à des indemnités de fidélisation et à la formation de six mois, nous pouvons désormais recruter tous les surveillants pénitentiaires dont nous avons besoin. Pour ce qui est de leur affectation, nous pouvons les stabiliser dans leur premier poste, grâce à la prime de fidélisation instaurée dans un nombre important d'établissements pénitentiaires.

S'agissant de la nécessaire revalorisation de leur rôle, depuis mon arrivée au ministère, je souhaite que les surveillants pénitentiaires, qui sont les premiers acteurs de la détention et qui sont ceux qui connaissent le mieux les personnes en détention, voient leur travail valorisé. Nous l'avons fait de différentes manières : sur un plan indemnitaire, en répondant à des souhaits d'équipement ou de prise en charge différenciée des détenus. Nous diversifions également leurs fonctions, ce qui fait qu'au cours de leur carrière, ils pourront exercer différentes missions – surveillance sur la coursive, extractions judiciaires, participation aux équipes régionales d'intervention et de sécurité, présence en quartiers d'évaluation de la radicalisation et dans d'autres lieux. Nous essayons de montrer aux surveillants pénitentiaires qu'ils n'effectueront pas les mêmes tâches durant toute leur carrière. Nous avons aussi travaillé sur l'enrichissement de leur mission. La direction de l'administration pénitentiaire a diffusé, à la fin de l'année 2018, une note sur le surveillant acteur, laquelle vise à valoriser et à prendre réellement en compte les observations faites par les surveillants dans le cadre de leur mission et à les impliquer dans l'évaluation des détenus et dans la prise de décision les concernant.

Sur la question de la santé des personnes détenues, il faut d'abord souligner que, dans chaque établissement pénitentiaire, les unités médicales accueillent avec beaucoup de présence et de permanence les détenus et qu'elles jouent un rôle très important. Par ailleurs, nous avons souhaité développer la télémédecine, ce qui nous permet d'éviter des extractions et, dans un certain nombre de cas, de consulter des spécialistes, notamment en dermatologie ou en anesthésie. Nous venons de bénéficier, de la part du fonds pour la transformation de l'action publique, de presque 3 millions d'euros pour développer l'offre de télémédecine en détention. Deux projets ont été financés, ce qui est assez rare : les prisons expérimentales d'insertion par le travail, avec 35 millions d'euros, et le développement de la télémédecine.

S'agissant de la mise en oeuvre de la deuxième tranche d'UHSA, comme vous le savez, monsieur le rapporteur, nous avons une compétence partagée avec le ministère de la Santé. C'est ce ministère qui dispose de l'essentiel des budgets. Le principe de la construction d'une deuxième vague d'UHSA n'est absolument pas discuté. Nos deux ministères travaillent actuellement pour nous assurer de la localisation et de l'ampleur des travaux à réaliser et à suivre.

Pour ce qui est des soins psychiatriques, ce sujet essentiel fait partie des mesures importantes que je ne vais pas détailler devant vous mais que j'ai présentées avec la secrétaire d'État auprès de la ministre de la Santé Christelle Dubos. Nous avons présenté une feuille de route en juillet dernier, qui apporte des réponses importantes sur la continuité de la prise en charge psychiatrique des détenus, dans le parcours mais aussi en sortie de détention. Au moment de leur passage en SAS, les détenus bénéficient d'une prise en charge singulière, qui les conduit à être pris en charge non plus entre les murs de la structure pénitentiaire mais déjà hors des murs.

Concernant la vulnérabilité, la feuille de route 2019-2022 consacre son action 19 à l'amélioration de la prise en charge des personnes en situation de handicap, de fragilité ou de perte d'autonomie. Je ne détaille pas l'ensemble des mesures qui feront suite à cette action. À la sortie de détention, les personnes dépendantes seront orientées vers des structures de santé ou médico-sociales, qui seront adaptées à une prise en charge spécifique. La direction de l'administration pénitentiaire a ainsi conventionné avec plusieurs structures, dont la Croix rouge ainsi que, dans certaines villes, des fondations importantes.

Sur la question des femmes enceintes, vous avez cité à juste titre le manque de cellules mère-enfant. Mais, comme vous le savez, monsieur le député, nous devons créer de nouvelles places d'hébergement pour les femmes détenues. Alors que le quart sud-ouest de la France ne permet d'accueillir aucune femme, dans le programme immobilier pénitentiaire une structure d'accueil est prévue à Toulouse. Dans toutes les nouvelles structures, nous construirons bien évidemment des lieux d'accueil pour les femmes enceintes.

Monsieur Houbron, vous avez évoqué la médiation familiale, qui est un sujet essentiel. Vous avez également parlé de l'aide juridictionnelle ; je vous répondrai sur ce point en même temps qu'à M. Hetzel.

En ce qui concerne la médiation familiale, et plus particulièrement l'intérêt de l'expérimentation qui a été conduite, je me suis effectivement rendue dans certains des lieux concernés. Le mot « apaisement », que vous avez prononcé, est très juste dans ce type de situations. Vous me demandez de prolonger l'expérimentation d'un an ; cette proposition me paraît tout à fait pertinente et justifiée pour nous permettre d'en tirer tous les enseignements. Vous avez également fait une série de propositions très précises, souhaitant notamment étendre la médiation familiale, sauf en cas de violences intraconjugales. Toutes ces propositions méritent d'être étudiées. Certaines sont, en l'état, tout à fait intéressantes ; d'autres mériteraient peut-être que l'on y réfléchisse davantage. Par exemple, j'ai quelques doutes au sujet de la généralisation de la double convocation, car celle-ci ne me semble pas toujours adaptée. Cela dit, nous pourrions en rediscuter.

Vous avez évoqué notamment la nécessité de mieux encadrer les médiateurs familiaux. Il y a de cela trois ou quatre jours, un Livre blanc sur la médiation m'a été remis par le collectif Médiation 21. On y trouve une synthèse sur le sujet et des propositions d'évolution du cadre de la médiation. Comme vous le savez, la médiation est pour nous un point important, car nous avons fait des modes alternatifs de règlement des litiges un préalable obligatoire dans un grand nombre de cas. Les médiateurs qui m'ont remis le Livre blanc m'ont dit que certains points leur semblaient très importants : d'une part, le référentiel de formation, dont vous parliez vous-même, et, d'autre part, un meilleur encadrement global des médiateurs, avec notamment la mise en place d'un Conseil national de la médiation. Je suis très intéressée par ces propositions, et j'ai promis de revenir vers leurs auteurs. Du reste, c'est l'un de vos collègues parlementaires qui m'avait incitée à participer à cette rencontre. Il y a là des idées extrêmement intéressantes, qui méritent d'être creusées. En ce qui concerne les autres points que vous évoquiez – les juges, les médiateurs familiaux et les avocats –, ils participent de la même logique et tendent à souligner l'importance de la médiation, singulièrement de la médiation familiale.

Monsieur Hetzel, la première de vos remarques portait sur les 200 millions manquants. Ce sont en réalité 153 millions qui sont inscrits en moins par rapport au budget que nous avions envisagé dans le cadre de la loi de programmation. Comme j'ai eu l'occasion de vous le dire, ces sommes manquantes sont liées aux retards de certaines opérations, notamment dans l'immobilier pénitentiaire, et s'expliquent, pour l'essentiel, par deux phénomènes : premièrement, l'absence de réponse probante à nos appels d'offres, ou encore certaines difficultés rencontrées dans les marchés que nous passons – cela arrive – ; deuxièmement, la difficulté à trouver des terrains, à laquelle s'ajoute le fait que, pour certains de ceux qui avaient été repérés, nous nous heurtons à l'opposition de plusieurs élus. J'espère que les choses s'amélioreront dans les mois à venir. Quoi qu'il en soit, cela ne remet pas en cause la création des 15 000 places de prison promises par le Président de la République. Vous m'avez dit que nous créerions, dans le meilleur des cas, 7 000 places à la fin du quinquennat. Le débat entre nous sur ce point n'est pas nouveau, monsieur le rapporteur pour avis : nous l'avons déjà eu, vous avez lancé les mêmes affirmations au moment du vote de la loi de programmation. Je vous avais alors exposé clairement la manière dont nous allions conduire le programme immobilier pénitentiaire.

Vous avez évoqué également le budget de l'aide juridictionnelle en me disant que je n'apportais pas de réponse concernant l'accès à cette aide et son financement. Or le financement de l'aide juridictionnelle augmente : les crédits progressent de 60 millions entre 2019 et 2020, puisqu'ils passent de 423 à 484 millions d'euros. Cette augmentation intègre 83 millions d'euros issus de la rebudgétisation des taxes affectées au CNB. Nous sommes parfaitement transparents sur ce point : effectivement, nous opérons une rebudgétisation.

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