Intervention de Antoine Savignat

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Savignat :

Je vais y venir !

Cela veut dire, sauf erreur de ma part, qu'au lieu d'augmenter de 400 millions en 2020, comme c'était initialement prévu, les crédits de la justice ne croissent que de 247 millions d'euros. D'ailleurs, vous les financez par un petit tour de passe-passe : je pense aux 83 millions récupérés auprès du CNB pour les affecter à l'aide juridictionnelle, mais aussi au fait que les crédits seront inexorablement absorbés par les 160 millions d'euros restant à payer au titre de l'immobilier occupant – car un bon budget, c'est aussi un budget qui permet de régler l'ensemble de ses créanciers, et il n'est pas question que ce ne soit pas le cas de celui-ci.

Concernant le programme 166 « Justice judiciaire », qui va porter le gros de la réforme qui été votée, nous notons, selon les chiffres qui nous ont été communiqués, une augmentation de 11 millions d'euros. Un calcul rapide, peut-être basique mais révélateur, montre que cela représente 66 000 euros pour chacun des 178 tribunaux judiciaires – je n'ai même pas compté les autres. Or quand on lit, par exemple, le communiqué qui a été publié cette semaine au sujet du tribunal de grande instance d'Annemasse – vous avez dû le voir passer –, on apprend qu'il manque 50 % des postes de greffiers, qu'il faut six mois pour avoir une date d'audience et à peu près autant pour obtenir une décision, compte tenu précisément de l'absence de greffiers. Dès lors, on peut se demander si les moyens affichés sont suffisants pour mettre en place la réforme tout en consolidant le système existant. Il manque également 100 postes par rapport à ce que prévoyait la loi de programmation. De plus, ce texte n'incluait pas la réforme de la justice des mineurs. Or je note que, s'agissant des nouveaux postes annoncés, 94 seront affectés à la mise en place de la réforme de la justice des mineurs. Ce sont donc 194 postes qui manquent par rapport à ce qui avait été initialement prévu.

Nous souhaiterions donc savoir, madame la garde des Sceaux, quel sera le coût de la création des tribunaux judiciaires – car elle en aura forcément un, et il sera même important, tout au moins pendant la période de transition. À propos de période de transition, combien coûtera celle pendant laquelle, dans le cadre de la réforme de l'ordonnance de 1945 relative à la jeunesse délinquante, il y aura un doublon entre les anciennes procédures et les nouvelles ? Quel sera, enfin, le coût de la mise en place de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance économique ?

Autre sérieux sujet d'inquiétude – je ne les aborderai pas tous : mon collègue Patrick Hetzel en a déjà évoqué certains, et mes autres collègues des Républicains en feront de même –, nous notons, concernant l'action « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales », une baisse de 2,2 % : 27 millions d'euros en moins par rapport à 2019. Est-ce vraiment une démission totale en matière pénale ? Évidemment, si on ne poursuit plus et si on ne juge plus, on va régler le problème de l'administration pénitentiaire, mais est-ce vraiment la solution ? J'ai rencontré récemment un maire qui avait reçu un avis de classement sans suite de la plainte qu'il avait déposée pour lutter contre des dépôts sauvages. L'auteur des faits avait été identifié – c'était clairement indiqué dans l'avis de classement sans suite –, mais il n'y avait pas les moyens de le chercher. On peut légitimement s'inquiéter de telles pratiques.

Je voudrais, enfin, évoquer un dernier sujet d'inquiétude. Vous aviez annoncé que vous réformeriez régulièrement la justice tout au long de la législature : quelles sont donc les prochaines réformes à venir, en dehors de celle relative à l'ordonnance de 1945 ?

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