Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Dans le projet de loi de finances pour 2020, les crédits de la justice augmentent, ce dont nous nous réjouissons. Toutefois, leur montant – 7,5 milliards hors charge des pensions –, ainsi que les 1 520 emplois créés, sont en deçà de ce qui était inscrit dans la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice. Je rappelle que, selon le Conseil de l'Europe, les Français dépensent chaque année 65,9 euros par habitant pour leur justice, nettement moins que les Britanniques, sans parler des Allemands, pour lesquels le chiffre est quasiment deux fois plus important, ou des Suisses, qui y consacrent 215 euros. C'est un fait : nous ne dépensons pas assez pour notre justice.

Le groupe Libertés et Territoires s'interroge sur la pertinence des crédits que vous allouez à certaines actions, par exemple en ce qui concerne l'aide juridictionnelle. Vous inscrivez dans ce budget 401 millions au titre de l'aide juridictionnelle et de l'aide à la médiation, ce qui n'est pas assez pour faire face à la forte augmentation du nombre d'admissions ; et ce n'est pas la dématérialisation des procédures, sur laquelle vous souhaitez vous appuyer pour désengorger les bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ) et faire des économies, qui vous permettra de répondre aux besoins, tant le budget est contraint.

J'aimerais également, madame la garde des Sceaux, que vous nous rassuriez sur un point précis. Dans le projet annuel de performances que nous examinons, il est fait état d'une « connexion avec les sociétés d'assurances qui proposent une assurance de protection juridique dans le cadre de la mise en oeuvre du principe de subsidiarité ». Or ces sociétés s'appuient de plus en plus sur des algorithmes qui permettent de prédire l'issue d'un procès, et ainsi d'accepter ou non d'enclencher la protection juridique de l'assuré. Si une compagnie d'assurance refuse l'accès en raison d'un risque important de perte du procès, avons-nous la garantie que l'aide juridictionnelle prendra le relais, sans se fonder sur ces algorithmes de justice prédictive ? Nous devons être très vigilants car, face au développement de ces techniques, il y a un véritable risque de déni d'accès à la justice.

Notre groupe avait aussi des interrogations en ce qui concerne l'administration pénitentiaire, notamment l'augmentation des crédits alloués aux programmes immobiliers, les engagements et les 7 000 nouvelles places à l'horizon 2022, mais vous y avez répondu. Notre groupe s'interroge également sur le montant des crédits consacrés à la sécurisation des établissements pénitentiaires. Leur augmentation s'impose, dans un contexte marqué par des menaces sécuritaires, mais, là encore, le budget nous paraît insuffisant, en particulier en ce qui concerne la sécurisation des établissements ou le renforcement du renseignement pénitentiaire, lequel est d'autant plus crucial qu'il permet de prévenir le terrorisme.

La lutte contre la radicalisation violente en prison est un enjeu majeur, comme chacun sait. L'attaque au couteau menée par un détenu contre deux surveillants dans la prison de Condé-sur-Sarthe, dans l'Orne, en mars dernier, en est une douloureuse illustration. La majorité des 1 520 créations de postes inscrites dans la mission « Justice » est destinée à l'administration pénitentiaire, dont 155 nouveaux postes pour les extractions, le renseignement et la sécurité pénitentiaire. Pouvez-vous nous indiquer précisément combien de postes sont fléchés vers le renseignement pénitentiaire ?

Enfin, je ne saurais terminer mon intervention sans aborder un sujet qui nous est cher. Je veux parler, évidemment, du rapprochement des détenus, qu'ils soient basques, corses ou autres. En septembre dernier, vous aviez confirmé que le rapprochement des prisonniers basques se poursuivait. Nous nous en réjouissons, car il est important de faire oeuvre de droit dans ces affaires. De plus, comme chacun le sait, maintenir les liens familiaux est essentiel pour faciliter la réinsertion et prévenir la récidive. Ainsi, nous pensons qu'il est temps que le rapprochement soit systématique, à défaut de quoi les détenus se voient infliger une double peine indigne d'un État de droit.

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