Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

Madame Louis, j'ai abordé la question des frais de justice des victimes de violences conjugales avec Mme Moutchou et M. Gosselin lorsqu'ils m'ont remis leur rapport. Nous avons en effet commencé à réfléchir à la manière dont ces personnes pourraient avoir recours à l'aide juridictionnelle. En tout état de cause, nous trouverons le moyen de leur apporter une réponse. C'est une de nos préoccupations importantes.

S'agissant de la dématérialisation de cette aide, le système d'information de l'aide juridictionnelle permettra, non pas de faire des économies, comme je l'ai entendu ici ou là, mais d'apporter une réponse plus harmonisée, plus rapide et mieux à même de donner satisfaction aux personnes qui la demandent, sur la base d'un critère – je reprends ici les préconisations de Naïma Moutchou et Philippe Gosselin – qui sera le revenu fiscal de référence. Cette harmonisation et cette dématérialisation s'accompagneront d'une réorganisation des bureaux d'aide juridictionnelle, mais, je le précise, la numérisation n'interdira nullement l'accueil physique des personnes, qui continuera d'être assuré dans tous les services d'accueil unique du justiciable.

Monsieur Savignat, vous avez évoqué, ainsi que Mme Untermaier, la rebudgétisation des 83 millions de l'aide juridictionnelle. Il n'y a là aucun artifice : je vous l'ai annoncé clairement et distinctement. Oui, nous réintroduisons ces crédits dans le budget de l'État, afin que les choses soient présentées de manière plus claire.

Vous avez également mentionné le manque de moyens dont pâtissent un certain nombre de tribunaux, en vous appuyant sur l'exemple du tribunal d'Annemasse. La justice a toujours besoin de moyens supplémentaires – il ne s'agit pas, ici, d'afficher une satisfaction béate ou naïve. Mais, lorsque l'on regarde les chiffres, force est de constater que les vacances de postes ont considérablement diminué dans les tribunaux. Du reste, je n'ai pas reçu beaucoup de demandes en la matière. Cela ne signifie pas que nous n'ayons pas besoin de magistrats supplémentaires ; nous continuons d'ailleurs à en recruter. Mais j'observe que l'on ne me dit plus, comme c'était le cas il y a deux ans, qu'il manque cinq ou dix magistrats dans tel tribunal. Par ailleurs, vous avez raison, nous avons besoin de personnels de greffe, mais ce besoin sera couvert. Là encore, nous résorbons peu à peu les postes vacants. Actuellement, l'École nationale des greffes recrute jusqu'à trois promotions par an, précisément pour satisfaire ces besoins. Il est ainsi prévu dans le budget de 2020 d'affecter 284 personnels de greffe supplémentaires dans les tribunaux. J'ajoute, à ce propos, que les moyens de fonctionnement des juridictions s'élèvent aujourd'hui à 374 millions d'euros, soit 20 millions de plus qu'en 2017. Nous avons donc, et c'est un point très important, entièrement apuré les charges à payer.

À Annemasse, le problème n'est pas propre à cette juridiction : il est dû, non pas tant à l'impossibilité de combler ses besoins qu'à la moindre attractivité de certains territoires, dans lesquels nous pourvoyons les postes manquants en recourant uniquement aux sorties d'école.

Par ailleurs, la création des tribunaux judiciaires dans le cadre de l'ordonnance de 1945 a peut-être un coût lié à la numérisation, car nous devons accompagner les réformes par une mise en adéquation des processus numériques, mais elle n'a pas de coût en tant que telle.

Il manque 100 postes, dites-vous. Toutefois, ces derniers concernent, non pas les juridictions, mais l'administration pénitentiaire, et ce manque s'explique par le décalage des programmes que j'évoquais tout à l'heure. De fait, dès lors que l'ouverture des établissements prend un peu de retard, la création des postes de surveillant dont nous avons besoin est reportée.

Quant à la baisse des crédits en matière de politique pénale, elle correspond – c'est en tout cas ce que je comprends de vos propos – au déploiement de la Plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) qui nous permet, comme nous l'avions prévu, de réaliser des économies importantes, de l'ordre de 11 millions d'euros cette année.

S'agissant des réformes à venir, beaucoup de sujets pourraient être évoqués. Je n'en citerai que deux : la réforme de la responsabilité civile, qui sera le pendant de la réforme des contrats – que j'espère pouvoir vous présenter l'année prochaine –, et celle de la procédure d'adoption. J'aurais pu citer également le parquet européen, qui fera l'objet d'un texte que vous examinerez prochainement.

Monsieur Balanant, vous avez dressé un état des lieux très juste de la situation actuelle de la justice française, en évoquant les délais de traitement, les audiences qui demeurent chargées ou l'amélioration des droits fondamentaux des détenus. Certains éléments sont positifs, d'autres doivent être améliorés : je partage pleinement votre opinion. Soulignant l'urgence de la protection des femmes victimes de violences, vous me demandez quel est le montant du budget consacré à cette politique, notamment au bracelet anti-rapprochement. Ainsi que je l'ai indiqué en séance publique il y a quelques jours, nous allouons à ce dispositif 5 millions, qui viennent s'ajouter aux 7,1 millions d'euros affectés, en 2020, à l'effort en faveur des femmes victimes de violences. Ces crédits nous permettront – je réponds, ici, également à votre question, monsieur Pradié – de financer les « Téléphones grave danger », à hauteur, je crois, de 1,6 million d'euros.

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