Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

Je vous entends, monsieur le député.

Monsieur Vuilletet, en ce qui concerne le dispositif du bracelet anti-rapprochement – que vous avez, vous aussi, beaucoup soutenu –, nous sommes déjà en train de travailler à la rédaction des marchés que nous devrons passer afin d'être à pied d'oeuvre le jour où la proposition de loi sera adoptée. Je me suis ainsi engagée à ce que ces bracelets soient disponibles en 2020. C'est une préoccupation très importante.

Madame Avia, vous m'avez interrogée sur la transformation numérique de la justice, notamment sur les délais dans lesquels nous pourrons appliquer les dispositifs de plainte en ligne autorisés par la loi de réforme pour la justice. Depuis le début de l'année, plus de 4 100 chats ont été recensés sur la plateforme consacrée aux violences sexuelles et sexistes, qui fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, et environ 1 300 signalements ont été transmis par les policiers et gendarmes qui travaillent sur cette plateforme. Nous souhaitons étendre ce dispositif, dans le courant de l'année 2020, aux faits de violences conjugales, de cyberharcèlement et de discrimination. La plainte en ligne, quant à elle, sera liée à la procédure pénale numérique. Celle-ci, vous le savez, est actuellement expérimentée à Blois et à Amiens. Elle suppose une modification radicale des manières de travailler de nos magistrats et des personnels de greffe et nécessitera donc un accompagnement très important, de sorte qu'il ne sera probablement pas possible de déposer une plainte en ligne directe avant 2021 ou 2022 – mais nous y travaillons d'arrache-pied.

Madame Moutchou, nous allons beaucoup nous inspirer des propositions opérationnelles que vous avez faites avec Philippe Gosselin sur l'aide juridictionnelle, notamment pour ce qui concerne la lutte contre les violences conjugales, la numérisation et les bureaux d'aide juridictionnelle. Le rétablissement d'un droit de timbre, en faveur duquel vous vous êtes prononcés dans votre rapport, doit être étudié. De fait, si ce droit de timbre était appliqué à toutes les personnes qui entament une action juridictionnelle, les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle pourraient en être exonérés. On peut également imaginer des droits différenciés suivant qu'il s'agit d'une personne morale ou d'une personne physique. Je souhaite étudier ces différentes hypothèses et en parler avec vous avant d'aller au-delà, mais cette idée me semble pouvoir prospérer.

Par ailleurs, nous avons pris connaissance de la disposition de l'article 52 du PLFSS pour 2020, adopté en commission, qui concerne les avocats ; le Gouvernement va en demander le retrait. Je crois que c'est plus sage, car nous sommes en train de travailler avec les avocats – pour ne rien vous cacher, je les reçois demain avec Jean-Paul Delevoye. Or, cette disposition n'est pas tout à fait conforme au dialogue que nous entretenons avec eux.

Monsieur Ciotti, en ce qui concerne le manque de places dans les UHSA, je crois avoir déjà répondu : nous étudions avec le ministère de la Santé la manière dont nous pouvons financer ces places. Quoi qu'il en soit, la deuxième vague d'UHSA n'est absolument pas remise en cause.

Vous m'avez ensuite interrogée sur un article qui paraît dans Le Canard enchaîné de demain, selon lequel, dites-vous, des postes seraient supprimés dans les juridictions sur le fondement d'une appréciation politique. Sur ce point, je vous réponds deux choses.

Tour d'abord, il n'est pas question de supprimer des postes puisque, – je l'ai toujours dit devant vous lors de l'examen de la loi de réforme pour la justice – nous nous efforçons, au contraire, de respecter un équilibre entre les différentes juridictions d'un territoire et nous réfléchissons à la possibilité de spécialiser certaines d'entre elles autour de certains contentieux. Quant aux juges d'instruction, il est souhaitable, dans un certain nombre d'hypothèses, d'éviter qu'ils travaillent de manière isolée, voire à temps partiel, parce que, dans leur juridiction, le volume d'affaires à l'instruction les y conduit. C'est pourquoi vous avez voté une disposition qui nous permet de procéder à des regroupements autour de pôles d'instruction un peu denses et à un rééquilibrage consistant à confier aux tribunaux qui subiraient de telles évolutions le traitement d'autres contentieux.

Ensuite, le document auquel vous faites allusion comporte ces critères objectifs, liés notamment aux affaires traitées et, comme pour toute décision politique, des critères contextuels parmi lesquels figurent – il serait irresponsable de ne pas le dire – des éléments politiques, c'est-à-dire une appréciation du contexte politique comme de la gestion des services publics dans les territoires concernés ainsi que le souci de préserver l'équilibre de ces derniers. Les documents auxquels Le Canard enchaîné fait allusion sont ainsi des documents d'aide à la décision ; ils ne sont en aucun cas une décision.

Monsieur Diard, vous avez évoqué la question des détenus suivis pour radicalisation. On dénombre, en effet, 800 détenus de droit commun radicalisés et un peu moins de 500 terroristes islamistes. Je ne vous rappellerai pas le dispositif que nous avons mis en oeuvre, qui me semble assez pertinent – peut-être avez-vous pu consulter le résultat d'études menées sur le sujet. Quant au criblage des personnels pénitentiaires, il est effectué, je le rappelle, à chaque entrée en fonction. Actuellement, tous les surveillants pénitentiaires, mais aussi les personnels des SPIP, font l'objet d'un tel criblage dans le cadre des concours, au stade de l'admissibilité. Ne sont ainsi autorisés à passer les épreuves d'admission que ceux pour lesquels le criblage n'a pas révélé de difficultés. Nous avons déjà renoncé à certaines candidatures de ce fait. J'ajoute qu'il n'y a pas d'impact budgétaire sur le travail effectué par le SNEAS.

Madame Vichnievsky, en ce qui concerne les 15 000 places de prison supplémentaires que nous avons annoncées, le mode de calcul est extrêmement simple : nous partons du nombre des places existantes en mai 2017 – soit environ 60 000 – et nous nous engageons à ce qu'il y en ait 15 000 de plus, c'est-à-dire 75 000. Au moment où je vous parle, le nombre des places de prison s'établit à 62 000, puisque 2 000 places ont déjà été livrées depuis 2017. Notre premier objectif est de parvenir à 67 000, et nous y travaillons.

Madame Dubré-Chirat, vous espérez que les projets prévus après 2022 seront maintenus. Ils le sont, notamment en ce qui concerne la prison d'Angers : le programme se déroulera tout à fait normalement. Cependant, un certain nombre de programmes post-2022 seront légèrement décalés ; je cite souvent l'exemple de Baumettes 3 à Marseille, dont le lancement dépend du règlement de quelques défaillances affectant Baumettes 2.

Monsieur Gosselin, je crois vous avoir déjà répondu.

Monsieur Paris, la loi de programmation prévoit la création, dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation, de 1 500 places supplémentaires, dont 400 sont d'ores et déjà inscrites dans le budget pour 2020. De fait, nous avons grand besoin de ces services, à différentes étapes. Nous nous sommes dotés d'indicateurs de performance, puisque les SPIP vont contribuer au développement des TIG. Nous souhaitons atteindre en 2020, après l'entrée en vigueur de la loi, un taux de 26 % des personnes sous écrou placées sous bracelet électronique, en placement extérieur ou en semi-liberté, contre 21 % actuellement. Quant au nombre des postes de TIG, il augmentera de 20 % l'an prochain, grâce à la création de l'Agence du TIG. Nous avons besoin des moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs. Je dois ajouter que nous avons des indicateurs de suivi de la loi de réforme pour la justice, liés notamment au taux de récidive, ce qui signifie que les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation joueront un rôle important.

Monsieur Mis, les crédits consacrés au soutien de la politique numérique sont très importants, puisqu'ils s'élèvent à 176 millions d'euros pour 2020, soit une progression de 8 % qui correspond à l'ensemble des évolutions positives que nous constatons. En effet, en 2019, 3 millions de bulletins de casier judiciaire ont été délivrés par l'intermédiaire du numérique – 80 % des demandes sont effectuées de cette manière-là – et, chaque mois, 800 000 demandes d'état civil sont effectuées par voie dématérialisée sur la plateforme COMEDEC (Communication électronique des données d'état civil), qui permet des échanges entre l'état civil et les professionnels. Depuis le 1er septembre, nous avons ouvert la communication électronique avec les avocats. Je pourrais citer d'autres exemples : le portail du justiciable est désormais accessible ; les requêtes seront possibles dès la fin de l'année en matière de tutelle et début 2020 pour les conseils de prud'hommes. Nous progressons, et les crédits suivent cette progression.

Monsieur Pradié, je crois vous avoir répondu, en précisant le montant des crédits alloués respectivement au TGD et au bracelet. Je vous indiquerai très précisément les lignes sur lesquelles ils se trouvent, car, vous avez raison, c'est important.

Enfin, madame Obono, il faudrait, dites-vous à propos de la protection judiciaire de la jeunesse, faire mieux avec moins ?

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