Intervention de Émilie Chalas

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 21h50
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Chalas, rapporteure pour avis Fonction publique :

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette année 2019 a été marquée par une réforme majeure. La loi de transformation de la fonction publique a été promulguée le 6 août dernier, après plus d'un an de concertation et près de quatre mois de débat parlementaire dont je tiens à saluer la qualité, tout comme l'important travail réalisé par notre Commission.

L'entrée en vigueur progressive des multiples dispositions contenues dans ce texte va permettre d'adapter notre fonction publique aux enjeux auxquels elle est confrontée. Elle offre davantage de souplesse aux employeurs publics – je pense à la simplification du dialogue social et aux nouvelles facilités de recrutement contractuel –, tout en garantissant de solides protections en faveur de l'ensemble des agents. Il s'agit bien sûr de la prime de précarité applicable aux contrats de courte durée, du renforcement des parcours de formation et des impératifs que constituent aujourd'hui l'égalité professionnelle et la lutte contre les discriminations.

De nombreux autres sujets devront être traités par la voie de décrets et d'ordonnances. J'aurai l'occasion de revenir sur certains d'entre eux. Je sais aussi, Monsieur le secrétaire d'État, que vos équipes y travaillent déjà d'arrache-pied.

Comme chaque année, la commission des Lois examine pour avis les crédits du programme 148 « Fonction publique ». À l'occasion de ce projet de loi de finances pour 2020, je ne développerai pas outre mesure l'analyse budgétaire à proprement parler. C'est un travail dont s'acquitte au premier chef la commission des Finances. Je noterai toutefois l'augmentation de l'enveloppe budgétaire globale, grâce à la revalorisation des moyens dévolus à l'action sociale individuelle et collective, à hauteur de 6 millions d'euros. C'est une évolution positive qui contribuera à améliorer les conditions de travail et de vie des agents de l'État et de leur famille.

Au-delà du volet budgétaire, j'ai choisi cette année de consacrer la partie thématique de mon rapport à la question des classes préparatoires intégrées (CPI) aux écoles de service public. Dix ans après leur mise en place, il m'est apparu nécessaire de réaliser un bilan de ce dispositif, tout en suggérant quelques pistes d'amélioration qui pourront utilement nourrir les réflexions autour de la future réforme de la formation initiale et des concours administratifs, notamment de catégorie A+.

Les CPI représentent un outil particulièrement intéressant, car elles s'inscrivent pleinement dans le cadre de la politique d'égalité des chances et de diversité. De façon plus large, elles questionnent aussi les modalités d'accès à la fonction publique, notamment à la haute fonction publique, tout en respectant les fondements méritocratiques tels qu'énoncés par l'article VI de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.

Au nombre de vingt-huit, les classes préparatoires intégrées offrent un soutien pédagogique renforcé, ainsi qu'un accompagnement individualisé, afin de préparer leurs élèves – une vingtaine chaque année par CPI – aux concours d'accès à la fonction publique de catégories A et B. Elles recrutent principalement des étudiants issus de milieux modestes, notamment ceux originaires des quartiers prioritaires de la ville et des zones de revitalisation rurale, et, dans une moindre mesure, les demandeurs d'emploi. Des aides financières, notamment l'allocation pour la diversité, et des facilités de restauration et d'hébergement sont également proposées aux élèves, afin de les placer dans les meilleures conditions possibles pour réussir les concours administratifs auxquels ils se présentent.

À l'issue du travail que j'ai pu mener, et notamment des auditions que j'ai conduites ces dernières semaines, je considère le bilan des CPI comme étant plutôt positif. Les résultats obtenus par leurs élèves aux concours administratifs présentés à l'issue de leur scolarité sont satisfaisants. En effet, pour l'année 2017-2018, environ 35 % des élèves de CPI ont réussi le concours auquel leur école les préparait et 54 % ont réussi au moins un autre concours. En comptabilisant les réussites tardives, c'est-à-dire obtenues plusieurs mois ou années après la fin de leur scolarité en CPI, le taux de réussite atteint 83 %. Bien sûr, les résultats détaillés sont un peu plus contrastés, il faut le dire, dans la mesure où le taux de réussite n'est pas le même selon la difficulté du concours présenté. Je pense ici plus particulièrement aux résultats obtenus pour la classe préparatoire de l'ÉNA. Mais il s'agit malgré tout de chiffres encourageants qui démontrent l'utilité de ce dispositif visant à renforcer l'égalité des chances.

Je formule à ce titre plusieurs préconisations qui, je l'espère, Monsieur le secrétaire d'État, retiendront votre attention, comme elles ont déjà commencé à le faire, je le constate, dans le but de renforcer les CPI et d'accroître leur efficacité au cours des prochaines années. Permettez-moi d'en citer trois.

Premièrement, il est nécessaire de stimuler la conclusion de partenariats entre les CPI et les établissements publics d'enseignement supérieur. Ces rapprochements ont déjà eu lieu entre les CPI de certains IRA et plusieurs instituts de préparation à l'administration générale (IPAG). L'objectif est d'améliorer l'accessibilité territoriale des CPI au bénéfice de l'ensemble des préparationnaires, qui profiteront ainsi des nouvelles synergies entre le monde universitaire et les CPI. L'enseignement supérieur et les écoles de service public ne doivent pas vivre en vase clos. Les coopérations entre ces deux univers sont donc une voie d'avenir, à la fois pour nos étudiants et pour notre fonction publique.

Deuxièmement, une réflexion mérite d'être engagée sur l'organisation des CPI. Il serait utile de créer un réseau national des CPI, dans le but, par exemple, de synchroniser les calendriers d'admission et de scolarité, d'harmoniser les calendriers de recrutement et de favoriser la complémentarité de l'enseignement qu'elles proposent. Dans ce cadre, la création d'une CPI préparant aux concours de la fonction publique territoriale apparaît plus que jamais nécessaire.

Troisièmement, la politique d'égalité des chances doit s'inscrire sur le long terme et se mettre en place bien en amont des concours administratifs. L'accompagnement individualisé d'étudiants méritants et de condition modeste ne peut se résumer à la seule année précédant leur concours. Dans cette perspective, une préparation pluriannuelle spécifique, dès le début de leurs études supérieures, serait utile afin de compenser efficacement les inégalités sociales entre les futurs candidats. Cela suppose aussi d'intensifier les campagnes de communication sur les métiers de la fonction publique, afin de toucher de plus larges viviers, notamment originaires des quartiers prioritaires de la ville ou des zones rurales, qui ne sont pas suffisamment informés des perspectives professionnelles que peuvent leur offrir ces métiers. L'exemple des campagnes menées par le ministère des Armées me semble particulièrement intéressant et pourrait ainsi servir de modèle.

Comme je l'ai indiqué en introduction, l'examen pour avis des crédits du programme « Fonction publique » est aussi, cette année, l'occasion de faire le point sur la mise en oeuvre concrète de réformes actées par la récente loi de transformation de la fonction publique. Parmi les propositions que j'ai pu formuler lors de l'examen des deux précédents projets de loi de finances, je me réjouis de constater - merci, Monsieur le secrétaire d'État, de nous avoir entendus - que plusieurs d'entre elles se sont enfin concrétisées. Je pense bien sûr à l'exonération du jour de carence pour les femmes enceintes, à la mise en place d'un contrôle à l'échelle ministérielle du nombre d'apprentis recrutés chaque année, au renforcement de l'accompagnement individualisé des fonctionnaires reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, au développement des troisièmes concours, ou encore à l'obligation de formation au management pour tout agent public prenant pour la première fois des fonctions d'encadrement. Ces avancées sont évidemment très positives.

Mais il ne s'agit que d'une étape. La mise en oeuvre de la loi de transformation de la fonction publique dépend également de nombreux textes d'ordre réglementaire et de plusieurs ordonnances dont l'élaboration nécessite de larges concertations. Aussi, Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaiterais, pour conclure, aborder quelques points que j'estime particulièrement importants.

L'article 59 de la loi autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relatives aux modalités de recrutement des corps et cadres d'emploi de catégorie A, afin de renforcer la diversité au sein de la fonction publique. Comme je l'ai précisé au sujet des CPI, il s'agit là d'un enjeu fondamental pour l'avenir de notre fonction publique. Cela concerne autant la réforme de la formation initiale des hauts fonctionnaires que les conditions d'accès aux écoles de service public. Les parlementaires que nous sommes doivent pouvoir être associés à cette démarche et ainsi participer activement aux réflexions en cours sur ce sujet. La mission Thiriez rendra ses conclusions prochainement. Il me semble indispensable que la représentation nationale puisse faire entendre sa voix et ses propositions sur une réforme essentielle qui aura pour but de rendre notre haute fonction publique plus ouverte, reflétant ainsi plus fidèlement la société qu'elle a vocation à servir. Dans ce cadre, il me paraît essentiel de poursuivre le mouvement de professionnalisation des épreuves d'admissibilité et d'admission des concours de catégorie A, selon une philosophie nécessairement moins académique que ce qui peut encore subsister aujourd'hui.

La codification par ordonnance du droit de la fonction publique doit être menée à bien d'ici le mois d'août 2021. Le législateur s'est engagé et a voté cette codification. Monsieur le secrétaire d'État, nous entendons que l'administration tienne cet engagement que nous avons collectivement pris dans l'hémicycle. C'est une question de lisibilité de notre législation et de notre réglementation. Je sais qu'il s'agit d'une mission presque titanesque pour l'ensemble de vos services mais elle nous permettra, une fois achevée, de disposer d'un document unique plus clair et plus accessible que ne l'est l'état actuel du droit applicable.

Enfin, Monsieur le secrétaire d'État, j'appelle votre attention sur trois décrets prévus par la loi de transformation de la fonction publique dont l'entrée en vigueur conditionnera l'application des mesures importantes qui ont été adoptées cet été. En effet, le versement, à compter du 1er janvier 2021 d'une indemnité de fin de contrat en faveur des agents recrutés pour une durée inférieure ou égale à un an, l'expérimentation, à compter du 1er janvier 2020, du dispositif de rupture conventionnelle, ainsi que le développement du recours ponctuel au télétravail requièrent l'élaboration de textes réglementaires qui préciseront les conditions d'application de ces différentes dispositions. J'ai pu personnellement constater que l'expérimentation de la rupture conventionnelle suscite un très fort intérêt, d'abord, pour les agents publics, puis pour les employeurs, qui souhaitent légitimement obtenir des précisions sur le contenu de ce dispositif.

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