Mes chers collègues, dans la mesure où vous avez été destinataires du projet de rapport, je vous ferai une présentation synthétique des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
Trois éléments principaux me semblent devoir être mis en valeur. Le premier est que la dynamique de désendettement du budget annexe se poursuit, sa dette ayant été divisée de moitié en cinq ans. Elle devrait s'élever à 662 millions d'euros à la fin de l'année 2020, soit une diminution sur l'année de 72 millions d'euros supplémentaires. Ce désendettement permettra au budget annexe de retrouver des marges de manoeuvre pour l'avenir, les dépenses exceptionnelles liées à la crise des années 2008-2009 étant désormais absorbées.
La tenue, en 2018, des Assises du transport aérien a permis de rassembler tous les acteurs de la filière aéronautique autour des enjeux du secteur. Nous sommes dans un moment de transition et nous devons préparer l'avenir. C'est pourquoi j'ai choisi de m'intéresser à deux sujets de fond : la décarbonation du secteur du transport aérien et le maillage aéroportuaire français.
Les émissions de gaz à effet de serre liées au transport aérien peuvent sembler faibles puisqu'elles représentent de 2 % à 3 % de la totalité des émissions annuelles. Toutefois, ce pourcentage est en augmentation tendancielle. D'une part, la croissance forte du trafic aérien dépasse les gains d'efficacité énergétique des avions. Entre 2000 et 2018, les émissions du secteur du transport aérien en France ont augmenté de 21 % pour une hausse du trafic de 62 %. D'autre part, il n'existe pas d'alternative totale et technologique permettant, à court ou moyen terme, de se passer du kérosène d'origine fossile. Les alternatives technologiques telles que les avions électriques ou les moteurs à hydrogène sont encore à l'état de recherche et ne sont, en tout état de cause, adaptées qu'aux appareils de petite taille.
Le deuxième élément marquant est la poursuite de la progression des investissements. En 2020, 315 millions d'euros y seront ainsi consacrés, soit une progression de 18 millions d'euros. Une grande partie de ces investissements sera affectée à la modernisation des systèmes de navigation aérienne, dans le cadre de la convergence technologique du ciel unique européen. Onze projets informatiques structurants ont été engagés en ce sens.
Troisième élément, le protocole social 2016-2019 conclu entre l'État et les agents de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) arrive à son terme. Un nouveau protocole couvrant la période 2020-2024, qui doit être négocié dans les mois à venir, aura pour ambition de poursuivre la modernisation de la DGAC, tout en garantissant à ses agents des conditions de travail améliorées. Le financement de ces mesures a été provisionné à hauteur de 10 millions d'euros.
Le projet de budget pour 2020 s'inscrit dans un contexte particulier : la fragilité du secteur, dont témoignent les faillites récentes des deux compagnies aériennes Aigle Azur et XL Airways, et l'échéance du Brexit à laquelle ma prédécesseure, Mme Zivka Park, avait consacré des développements dans son rapport sur le budget 2019. Si la sortie du Royaume-Uni se fait sans accord, ce pays deviendra un pays tiers et verra les taxes sur les vols aériens s'appliquer en conséquence, ce qui pourrait évidemment en réduire le nombre. C'est donc dans ce contexte que nous devrons déployer toute une palette de solutions pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre du secteur, qui vont du progrès technologique à l'adaptation des trajectoires de vol en passant par le développement des biocarburants.
L'article 20 du projet de loi de finances prévoit d'augmenter la taxe sur les billets d'avion, hausse qui a été au coeur de nos auditions. Cet article ne concerne pas le budget annexe à proprement parler puisque le produit de la taxe bénéficiera à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Néanmoins, il porte directement sur le secteur du transport aérien. Il ressort de mes auditions que cette contribution est mal comprise dans sa forme actuelle par les différentes parties prenantes. Les compagnies y voient un alourdissement de la fiscalité pesant sur le secteur, dans un contexte où leurs marges sont faibles. Les associations écologiques regrettent le faible niveau de la contribution, qui n'est pas susceptible, selon elles, de dissuader suffisamment de recourir au transport aérien. Par exemple, Greenpeace considère que plus on taxe le secteur aérien, plus les billets seront chers et moins les gens prendront l'avion, ce qui est donc plus écologique. Cette logique n'intègre aucunement la notion de transition écologique. Les producteurs de biocarburants sont déçus de ne pas profiter du produit de cette taxe pour développer des carburants moins polluants.
Certains d'entre nous avaient défendu, en commission, des amendements en faveur de cette écocontribution. À l'époque, le Gouvernement nous avait répondu que ce dispositif ne pouvait être instauré qu'au niveau européen. Désormais, il semble que cette taxe additionnelle sur les billets d'avions soit possible. Nous avons souhaité lui donner une dimension plus écologique afin d'encourager le développement d'une filière française des biocarburants aéronautiques. C'est ainsi que nous proposons d'indexer le montant de cette taxe sur les efforts effectués par chaque compagnie aérienne pour décarboner son kérosène, grâce à un mécanisme de bonus-malus annuel. J'insiste sur la nécessité de poursuivre les efforts entrepris sur les plans européen et international pour instaurer une taxation du kérosène d'origine fossile. Une telle fiscalité serait un encouragement puissant au développement des biocarburants en rapprochant les coûts de revient de ces deux sources d'énergie.
J'ai étudié, dans mon rapport, le maillage aéroportuaire français dans ses deux composantes qui concernent notre commission : le développement durable et l'aménagement du territoire. Le maillage aéroportuaire est particulièrement dense dans notre pays. La France compte 550 aérodromes, dont 460 en métropole, répartis sur l'ensemble du territoire ; 120 d'entre eux ont une activité commerciale régulière. La gestion de la majorité de ces aéroports incombe désormais aux collectivités territoriales, qui sont libres de leurs investissements et de leurs choix d'exploitation. Pour les aéroports de petite et moyenne taille, les collectivités doivent concilier des exigences souvent antagonistes. D'un côté, un aéroport est un pôle d'activité économique important qui peut générer des dizaines, voire des centaines ou des milliers d'emplois locaux. Il n'est donc pas rare que les collectivités territoriales cherchent à subventionner des lignes aériennes, quitte à entrer en concurrence avec des aéroports voisins. D'un autre côté, en dessous d'un trafic de 200 000 passagers par an, ces collectivités doivent très souvent contribuer fortement à l'équilibre financier de l'aéroport, notamment par des subventions d'exploitation. La gestion d'un aéroport peut donc constituer un poste budgétaire important pour les collectivités. En outre, un aéroport crée des nuisances pour les riverains, du bruit et de la pollution entre autres.
Il est évident qu'on ne peut pas trouver de solution à ce faisceau de contraintes sans un minimum de coopération et de mutualisation entre aéroports proches. Il serait illusoire de penser que deux aéroports distants de 30 ou 50 kilomètres pourraient assurer chacun la totalité des services aéroportuaires, depuis le trafic commercial jusqu'aux essais en vol, en passant par le fret ou le transport d'affaires. Le maillage territorial dense que connaît notre pays ne pourra perdurer que si des mutualisations entre aéroports proches sont envisagées. Il existe déjà des mécanismes de péréquation, comme les lignes d'aménagement du territoire, qui sont en développement, ou la taxe d'aéroport qui bénéficie aux aéroports de petite et moyenne taille. Mais les bonnes pratiques locales peuvent aussi être sources d'inspiration. Ainsi, un syndicat mixte a été créé pour réunir les aéroports de La Rochelle et de Rochefort, et éviter qu'ils ne soient en concurrence. Les aéroports de Carcassonne et de Perpignan seront gérés, à compter du 1er janvier 2020, par une société publique locale aéroportuaire régionale. Lors du déplacement que j'ai effectué à l'aéroport de Nîmes, j'ai pu vérifier la pertinence de la logique de spécialisation choisie par cet aéroport, d'abord dans le domaine de la défense, ensuite dans celui de la sécurité civile.
Les régions ont un rôle moteur à jouer en matière de mutualisation aéroportuaire. Elles doivent être aidées, et je fais deux propositions en ce sens dans mon rapport. Il s'agirait de mobiliser l'expertise et les financements de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), chère à cette commission, et dont c'est la mission, pour créer des projets de territoire. Aujourd'hui, les bassins de vie ne sont pas forcément dans les mêmes départements ou la même région ; deux ou trois petits aéroports peuvent s'y retrouver en concurrence, coûtant cher à la collectivité et produisant beaucoup de nuisances. Or un nouveau modèle économique est en train d'apparaître, qui est lié, non pas au nombre de passagers, mais à l'activité économique ou aux pistes. L'idée est de créer des pôles d'activité, des « clusters » qui créent de l'emploi. L'ANCT pourrait jouer un rôle dans le rapprochement de sites pour créer une gouvernance unique. Il s'agirait donc de dépasser les frontières administratives pour permettre à un bassin de vie de travailler sur l'aérien.
Pour conclure, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », en souhaitant que l'on puisse oeuvrer dans les deux perspectives que j'évoquais à l'instant, à la fois l'écologie et l'aménagement du territoire.