M. Pascal Lavergne s'interroge sur le fait de savoir si l'idée d'une mutualisation des petits aéroports s'inscrit dans la lignée de mon rapport sur la décentralisation, conformément à la volonté du Président de la République de franchir une nouvelle étape en ce sens. Cela procède en effet de la même philosophie générale, qui, bien au-delà du transport aérien, devrait s'appliquer à d'autres secteurs, comme la santé ou la justice. En vérité, l'aménagement du territoire concerne à peu près tous les secteurs d'activité, et notre commission devrait, pour cette raison, être saisie, au moins pour avis, de bien des lois que nous n'examinons pas.
Pour en revenir au secteur aérien, la question se pose d'un cadre et de frontières administratives qui datent de plusieurs siècles et ne correspondent plus aux nouveaux bassins de vie. Les aéroports d'Avignon et de Nîmes sont l'exemple de deux aéroports qui, bien que situés dans des régions différentes, appartiennent au même bassin de vie, à l'intérieur duquel ils sont en concurrence. Chacun absorbe de l'argent public, chacun produit des nuisances sonores, alors que, si nos villes et nos EPCI parvenaient à travailler ensemble, il serait possible, non pas de fermer l'un d'entre eux mais de mutualiser leur gestion pour de meilleures synergies.
En ce qui concerne les biocarburants, si nous avons proposé l'idée d'une modulation de l'éco-contribution, c'est que le fait de taxer de la même manière les compagnies qui font des efforts et celles qui n'en font pas n'a aucun effet incitatif. La modulation, au contraire, devrait pousser les compagnies à utiliser davantage les biocarburants, ce qui ne peut qu'aider au développement de la filière.
L'aviation civile est dotée cette année de 135 millions d'euros destinés à financer la recherche et le développement pour parvenir à un transport aérien moins polluant. Or il se trouve que le produit de l'éco-contribution aérienne est destiné au secteur ferroviaire, à travers l'Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF). J'ai donc déposé un amendement sur la première partie du PLF pour que l'aviation n'en perde pas ainsi le bénéfice de cette nouvelle contribution : je vous invite à le voter en séance, afin d'encourager l'émergence d'une filière de biocarburants.
S'agissant du contrôle aérien, Madame Aude Luquet, plusieurs actions sont prévues. En premier lieu, comme je l'ai mentionné dans mon propos liminaire, un nouveau protocole social va être négocié pour améliorer l'organisation du transport et du contrôle aériens. En second lieu, onze projets numériques et informatiques structurants sont en cours de développement, pour plus de 2 milliards d'euros, afin d'augmenter la sécurité aérienne. Enfin, dès 2020, les promotions de contrôleurs aériens à l'École nationale de l'aviation civile vont être élargies.
En ce qui concerne les nuisances sonores, nous préconisons que les collectivités locales s'emparent davantage de la question, quitte à leur imposer pour cela des délais d'action, et qu'elles n'attendent pas le dépôt des dossiers pour financer des travaux de rénovation anti-bruit. Nous avons, en effet, constaté que le nombre de dossiers déposés restait assez faible dans le dispositif actuel.
J'en viens à la mutualisation des aéroports. Si l'on prend l'exemple d'Avignon et de Nîmes, cette mutualisation peut passer par la désignation d'un même exploitant, quand bien même le statut de ces deux aéroports est différent. Il est important de bien comprendre qu'aujourd'hui, le modèle économique des aéroports a profondément évolué : à Avignon, l'autofinancement ne couvre que 5 % des recettes, tout le reste provenant de l'extérieur. L'aéroport est rattaché à un pôle de compétitivité de 27 entreprises, qui représentent 300 à 400 emplois. Ce ne sont donc plus les passagers qui font l'économie de l'aéroport ; pas davantage à Nîmes, qui est spécialisé dans la sécurité civile. Il nous faut donc réinventer des modèles, par exemple des syndicats mixtes ouverts, ainsi que nous l'avons évoqué avec le président de la métropole de Nîmes.
Quoi qu'il en soit, nous préconisons, en cas de mise en place d'une gouvernance commune entre deux aéroports, de maintenir le bénéfice de la taxe d'aéroport pendant plusieurs années après l'arrêt du trafic commercial, afin d'aider les aéroports à développer d'autres activités, dans l'industrie, la technologie ou la recherche. Il faut encourager le développement de ces nouveaux schémas, que l'Agence nationale de la cohésion des territoires doit accompagner en termes d'ingénierie humaine et de financement. Il est essentiel de ne pas fermer ces aéroports qui offrent un formidable maillage du territoire et contribuent au désenclavement, ce qui est l'une des missions de service public.
Ne nous racontons pas d'histoires : Avignon et Nîmes ne feront jamais concurrence à Marignane ou à Montpellier. En revanche, Nîmes peut se prévaloir d'être aujourd'hui un pôle majeur en matière de sécurité aérienne et de sécurité civile, et d'attirer parmi les meilleures entreprises d'Europe et du monde dans ce domaine, lesquelles entreprises n'ont d'ailleurs aucune envie de se délocaliser à Marignane, parce qu'elles bénéficient à Nîmes de meilleures conditions de travail et d'un accès facilité aux pistes.
C'est dans cette logique de réinvention des modèles économiques, Monsieur Alain Perea, que la région Occitanie vient tout récemment de mettre en place un pilotage régional des différents aéroports. C'est un bon exemple d'action permettant de rationaliser le financement, en développant sur chaque site différentes spécialisations. Car c'est tout le sens de la deuxième étape de la décentralisation : à l'inverse des métropoles qui ont vocation à être généralistes, nos territoires doivent se spécialiser, c'est la clef de leur développement.