Intervention de David Lorion

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 18h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Lorion, rapporteur pour avis sur les crédits du programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables :

Vous avez été destinataire de mon projet de rapport, je ne reviendrai donc que sur ses éléments les plus saillants. Avant tout, et en forme de propos général, j'aimerais insister sur le moment charnière dans lequel nous nous trouvons. La prise de conscience de l'urgence écologique et climatique n'a jamais été aussi partagée. Elle dépasse désormais les débats d'experts, mobilise les jeunes et constitue actuellement le socle des politiques publiques.

Au moment où nous analysons ce projet de loi de finances, nous devons transformer les discours en actes et vérifier que ces actes se déclinent en lignes budgétaires traduisant concrètement la priorité donnée à l'écologie. L'analyse du programme 217 est justement un bon moyen de distinguer les déclarations d'intentions et les moyens consacrés.

Le programme 217 est un programme support pour la mise en oeuvre des politiques publiques du ministère de la transition écologique et solidaire, mais également du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Il porte l'essentiel de leurs effectifs, en dehors de ceux des opérateurs et à quelques exceptions près. Il permet également le financement des activités dites « de soutien », nécessaires à la mise en oeuvre des politiques publiques, notamment les fonctions juridiques, les moyens de fonctionnement, les systèmes d'information, la politique immobilière, l'action sociale et la formation.

Il porte aussi les emplois et crédits de trois autorités administratives indépendantes – la Commission nationale du débat public (CNDP), l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) et la Commission de régulation de l'énergie (CRE) – et une partie du financement de deux opérateurs : l'École nationale des ponts et chaussées (ENPC) et l'École nationale des travaux publics de l'État (ENTPE).

Le programme 217 ne porte donc pas une politique du ministère de la transition écologique et solidaire en particulier mais bel et bien les effectifs affectés. Fin septembre, lors de mon déplacement dans le Cantal, qui fut très enrichissant au contact des personnels au service de la protection de l'environnement, ceux de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), de l'agence régionale de santé (ARS) ou encore du conseil départemental, j'ai pu constater, sur le terrain, la qualité, la motivation et l'engagement de ces agents dans chacune des politiques publiques de ce ministère.

Les actions 7 à 24 du programme examiné sont ainsi des actions « miroirs » portant chacune des crédits de personnel dédiés aux différentes politiques publiques, dont les crédits hors titre 2 sont inscrits dans les autres programmes de la mission. L'étude de ce programme conduit donc à porter un jugement global sur les moyens humains dédiés aux politiques écologiques, la quasi-totalité des effectifs du ministère de la transition écologique et solidaire étant portée par ce programme. J'évoquerai donc des politiques publiques relevant d'autres programmes parce qu'au-delà des demandes de crédits dont ils disposent, leurs moyens humains relèvent des crédits du programme 217.

Si l'on peut se satisfaire de la hausse des crédits affectés à la mission « Écologie, développement et mobilité durables », le sort réservé au programme 217 est bien différent. Les crédits demandés pour 2020 sont en effet de 2,87 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 2,91 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une diminution respective de 3,04 % et de 2,76 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2019. Si les mesures de transfert y sont pour quelque chose, l'analyse du schéma d'emplois réel fait apparaître une baisse de 799 ETP en 2020, s'inscrivant dans une démarche de réduction des emplois de la fonction publique et de maîtrise budgétaire. Nombre d'entre nous ont fait part de leurs inquiétudes face à cette évolution, commencée maintenant depuis plusieurs années. Si elle est une réponse pragmatique face au creusement du déficit public, elle n'en est pas moins inquiétante dans sa mise en oeuvre.

Par ailleurs, des efforts sont réalisés pour rationaliser les dépenses du ministère de la transition énergétique et solidaire. Les derniers résultats des indicateurs de performance montrent bien les résultats obtenus dans une gestion immobilière plus rigoureuse, une efficience bureautique renforcée, une réduction des effectifs concentrée sur les activités support davantage que sur les effectifs métiers. Les deux ministères ont également engagé des démarches de modernisation permettant d'optimiser leur fonctionnement, avec notamment des mesures de simplification, de transformation numérique et de dématérialisation, des mesures organisationnelles et, enfin, des mesures de mutualisations interdépartementales à l'origine d'un important transfert de crédits et d'effectifs du programme 217 vers un programme du ministère de l'intérieur.

Toutefois, au-delà de ces satisfactions purement comptables, plusieurs éléments suscitent mon inquiétude. La nécessaire participation du ministère de la transition écologique et solidaire à l'effort de maîtrise des comptes publics doit être conciliée avec le maintien de crédits nécessaires à la mise en oeuvre des politiques de lutte contre le changement climatique et l'érosion de la biodiversité, dans un contexte d'urgence absolue. Cela signifie le maintien d'effectifs suffisants pour assurer la mise en oeuvre, sur le terrain, de ces politiques publiques.

C'est ainsi que, selon moi, le ministère doit préserver ses priorités et ses spécificités, ce qui n'est actuellement pas le cas. D'abord, il ne paraît pas distinguer ses priorités. En effet, la rationalisation budgétaire n'est pas toujours bien calibrée. La répartition de la réduction des effectifs, bien visible à l'étude du programme 217, est très peu corrélée aux priorités affichées.

C'est notamment le cas pour la biodiversité, qui est le révélateur de la bonne santé de notre environnement et de la bonne gestion de notre milieu naturel. Je ne me livrerai pas à une litanie de chiffres démontrant la mise en danger de la biodiversité française. Chacun, dans cette commission, y est naturellement sensibilisé. Je le suis d'autant plus comme député d'outre-mer, qui porte 80 % de la biodiversité française. Face à l'urgence, les déclarations de l'exécutif témoignent d'une réelle prise de conscience. Pourtant, malheureusement, les moyens mis au service de ces déclarations d'intentions ne sont pas à la hauteur. Si l'augmentation des crédits du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » paraît constituer une bonne nouvelle, je ne peux que regretter qu'elle ne traduise pas un plus fort engagement budgétaire en faveur de la biodiversité. En réalité, elle est due en grande partie à une subvention pour charges de service public visant à financer l'Office français de la biodiversité (OFB) pour compenser la baisse de la redevance cynégétique.

De la même manière, sur le programme 217, le schéma d'emplois des effectifs oeuvrant pour la politique « Paysages, eau et biodiversité » diminue de 75 ETP en 2020. Comment justifier la poursuite des suppressions de postes face à l'urgence écologique ? Quel manque d'ambition sur un enjeu aussi fondamental ! Derrière la hausse des crédits du programme 113 se cache une diminution des moyens humains qui lui sont consacrés. Cela témoigne d'une évolution stratégique où l'écologie ne serait plus un service public, mais une politique publique comme une autre, c'est-à-dire qui se contenterait de crédits mais qui n'aurait pas besoin d'effectifs. Il s'agit d'une profonde erreur car l'écologie, c'est avant tout une présence physique, celle d'hommes et de femmes sur le terrain, dans les régions de métropole et d'outre-mer.

J'en viens à ma seconde inquiétude. Le ministère met en danger ses spécificités et notamment celle d'un service public ancré dans les territoires. En effet, les réductions d'effectifs ne touchent pas uniquement les services centraux mais aussi et surtout les effectifs déconcentrés. J'ai pu observer, sur le terrain, l'engagement de ces personnels qui m'ont alerté sur la ligne de crête sur laquelle ils se trouvent en matière d'effectifs. Partout, les agents alertent sur leur très prochaine incapacité à faire face aux enjeux qui leur sont fixés et dans lesquels ils croient profondément. Pourtant, ce sont encore 602 ETPT qui seront supprimés dans les services déconcentrés en 2020. Je suis en désaccord total avec ces suppressions d'effectifs qui touchent les territoires. C'est une vision comptable et contradictoire avec les objectifs politiques affichés par le Gouvernement.

Plus largement, les suppressions d'effectifs brutales subies sur le terrain me font craindre la mise en danger de la transmission des expertises, une perte irrémédiable de connaissances qui, à terme, rendront erratique toute mise en oeuvre d'une politique écologique.

Ce ministère de la transition écologique et solidaire est porteur d'espoir et surtout d'exigences. Ses agents sont passionnés et engagés. Le ministère a aussi besoin de moyens pour conserver, dans les régions, le service public et les connaissances spécifiques des différents milieux. Dans le cas présent, ce projet de budget ne comporte pas les garanties suffisantes pour le maintien et le développement d'une politique écologique efficiente, notamment dans le domaine de la biodiversité. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 217.

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