Intervention de Jérôme Nury

Réunion du mercredi 16 octobre 2019 à 9h35
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Nury :

Pour l'examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », il y a deux premières depuis le début de la législature.

Tout d'abord, le ministre est absent alors même qu'il s'agit d'un moment fort pour ce secteur stratégique qu'est l'agriculture. Cela peut apparaître comme un manque de respect vis-à-vis de la Représentation nationale qui aurait pu se servir de cette réunion pour faire passer des messages.

Ensuite, les crédits de la mission ne sont pas en baisse. Rappelons qu'en 2018 et 2019, ils avaient chuté de près de 19 %. Il faut donc souligner cette année une légère hausse des autorisations d'engagement et une stagnation des crédits de paiement, ce qui me fait dire que c'est moins pire.

Les objectifs visés dans ce budget sont louables comme chaque année et je ne vois pas comment nous ne pourrions pas y souscrire car l'affichage est parfait : combiner la performance économique et environnementale des exploitations agricoles et investir dans les territoires ruraux et les filières d'avenir. Le problème résulte bien évidemment des moyens qui sont dévolus à la réalisation de ces objectifs et à la déclinaison concrète de ces actions.

Sans entrer dans le détail des chiffres à ce stade de la discussion, nous nous interrogeons sur plusieurs points qui semblent ne pas avoir été suffisamment pris en compte par le Gouvernement.

Quelles suites donner au texte agricole phare de la majorité, la loi EGALIM, qui s'avère très décevant et à sa portée très réduite pour le revenu des agriculteurs ? Comment mieux contrôler les industriels et la grande distribution toujours en position de force face à nos paysans ? Comment mieux accompagner les agriculteurs dans leurs regroupements, dans la rédaction des contrats et dans les rapports de force qu'ils pourraient engager face à ces géants ?

Ensuite, le volet consacré à la PAC n'est pas sans nous inquiéter. Malgré le prélèvement opéré en 2017 sur le premier pilier pour financer les ICHN au détriment de toutes les exploitations, on peut craindre, du fait de l'opacité de la maquette budgétaire et du co-financement par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), que ces aides ne soient pas en totalité prises en compte ou versées à nos agriculteurs. Qui plus est, il reste des dossiers MAEC et Agriculture bio au titre de l'année 2018 : un quart n'ont pas été encore été instruits. À cela s'ajoutent les craintes de la profession quant à la baisse, malheureusement acceptée par la France, du niveau financier de la future PAC à partir de 2021.

Je veux également revenir sur la baisse de la TATFNB qui risque d'étouffer totalement nos chambres d'agriculture à l'heure où l'État et la profession souhaitent leur confier plus de compétences en termes de conseil et d'accompagnement. L'amendement de suppression de cette mesure injuste et incohérente demandée par de nombreux députés de tous bords doit absolument être sanctuarisé lors de nos débats dans l'hémicycle.

Inquiétude aussi face à l'insuffisance des moyens octroyés à l'Agence des services de paiement (ASP) qui cogère avec les régions les fonds du programme LEADER – Liaison entre actions de développement de l'économie rurale. Ces agences sont débordées et des retards de paiement des aides LEADER de plusieurs années placent les associations, les collectivités locales, les entreprises dans des situations de trésorerie intenables. Ils placent aussi la France dans une situation intenable car elle risque de perdre ces fonds européens.

Je terminerai par le Grand plan d'investissement. Sur les 5 milliards d'euros annoncés par le Gouvernement, combien iront réellement aux agriculteurs et aux filières pour se moderniser ? On a le sentiment que ces milliards d'euros annoncés sont soit du recyclage de crédits, soit des mirages d'accompagnement, soit des intentions sans fond.

Pour toutes ces raisons, malgré la foi sincère mise par le rapporteur M. Jean-Bernard Sempastous à défendre une profession agricole désabusée, découragée et résignée face aux crises, à la concurrence et aux prix en berne, nous estimons ce budget trop fade et beaucoup trop insipide.

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