La colère monte dans les cours de ferme. Face aux aléas naturels, aux épisodes de sécheresse à répétition, aux inondations, nos agriculteurs sont en grande détresse. Face à un marché mondial non soumis aux mêmes exigences sociales, sanitaires et environnementales que celles auxquelles ils sont astreints, ils éprouvent de la crainte pour l'avenir. Face à la guerre des prix délétère menée par des acteurs plus puissants, nos petits paysans doutent malheureusement de l'action du Gouvernement et de notre action en tant que parlementaires.
Nous nous sommes efforcés tout au long de l'examen de la loi EGALIM de faire appel à la force de la loi et aux ressources des filières pour engager la transition de l'agriculture française vers davantage de qualité et de compétitivité. Le texte encadre les relations commerciales pour que les agriculteurs redeviennent acteurs et non plus seulement des spectateurs. Surtout, ils les impliquent dans la formation des prix qui assoient leurs rémunérations. Il faudra examiner l'impact de la loi EGALIM car aujourd'hui, on le sait, l'argent n'est pas revenu dans les cours de ferme. Des amendements ont été déposés sur la pose de caméras dans les boxes de négociation : si les négociations sont filmées, nous pourrons voir comment s'exerce le rapport de force avec nos paysans.
La commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, présidée par l'excellent M. Thierry Benoit, nous a permis de constater que les mauvaises pratiques de la grande distribution n'ont pas été enrayées et que nos agriculteurs continuent d'être pris en étau dans les négociations commerciales. Ils importent que nous, parlementaires, puissions leur envoyer un signal politique fort.
Le budget du ministère de l'agriculture, en légère augmentation, permet de maintenir l'ensemble des actions en faveur de l'agriculture malgré un contexte budgétaire très contraint.
Le Gouvernement soutient l'agriculture française, il faut le dire. Il favorise l'installation et l'investissement, la recherche et l'innovation ; il aide les agriculteurs en difficulté en prenant en charge des cotisations à la Mutualité sociale agricole (MSA), en permettant à chaque agriculteur de provisionner une épargne de précaution jusqu'à 150 000 euros déductibles d'impôts, ou encore en pérennisant en 2020 le dispositif d'exonération de cotisations sociales pour les travailleurs occasionnels, demandeurs d'emploi (TODE).
Toutefois, ces signaux positifs sont totalement brouillés par la baisse de la TATFNB affectée au réseau des chambres d'agriculture et payés par les propriétaires fonciers. À l'instar de la disparition annoncée du TODE l'année dernière, qui avait totalement masqué la mise en place par le Gouvernement d'un dispositif efficace d'épargne de précaution, la coupe budgétaire sur les ressources des chambres d'agriculture occulte l'augmentation des fonds attribués au ministère de l'agriculture.
Face à un monde agricole en souffrance, nous ne pouvons pas chaque année envoyer des signaux politiques contraires, mal accueillis par nos paysans. Nous ne pouvons pas demander aux chambres d'agriculture d'accompagner la transition agro-écologique de l'agriculture, d'un côté, et réduire, de l'autre, leur budget. Nous ne pouvons pas, d'un côté, stopper le travail saisonnier avec la suppression du TODE, et, de l'autre, vanter les mérites de nos petites exploitations.
Il est vrai que les autres chambres consulaires ont dû engager ces dernières années une réduction de leurs coûts mais il est difficile de comparer des secteurs qui vivent des réalités bien différentes.
Au groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, nous préférons réfléchir aux modalités de la mutualisation des chambres d'agriculture plutôt que de réduire leurs moyens.
Nous comprenons et nous partageons la volonté d'économies du Gouvernement car il est urgent de sortir de la spirale d'un accroissement continu de la dépense budgétaire. Toutefois, cette baisse de la dépense publique doit s'accompagner d'une réforme en profondeur de notre agriculture à travers une simplification des normes, d'un rééquilibrage des forces et des rapports de force et elle ne doit pas se faire contre nos paysans qui sont les véritables faiseurs de bonne alimentation car, ne l'oublions pas, les produits français sont les meilleurs du monde.