La loi du 30 octobre 2017, dite « loi SILT », nous a permis de sortir de l'état d'urgence, qui avait été institué en France en novembre 2015 à la suite des attentats du Bataclan. Il avait ensuite été prorogé à six reprises, sous la précédente législature et sous notre législature pour la dernière fois en juillet 2017.
Pour rappel, l'état d'urgence est un régime d'exception qui, face à un péril imminent, permet de donner des pouvoirs exceptionnels, notamment des pouvoirs de police administrative, au pouvoir exécutif, pour faire face à ce péril imminent.
L'objectif de la loi SILT était donc de permettre la sortie de l'état d'urgence, tout en préservant l'équilibre entre le respect des libertés publiques et le caractère opérationnel des instruments de police administrative de droit. Les articles 1 à 4 de la loi ont institué plusieurs instruments de police administrative : les périmètres de protection ; la fermeture temporaire des lieux de culte ; les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) ; les visites domiciliaires et saisies. Les deux dernières mesures avaient donné lieu à beaucoup de débats parmi nous, et notamment au sein de la Commission.
Dès lors que l'on sortait de l'état d'urgence et que l'on inscrivait dans le droit commun ces instruments de police administrative, il fallait mettre en place un certain nombre de garanties. Parmi ces garanties, il y a deux dispositions qui ont d'ailleurs été introduites lors du débat parlementaire et qui n'étaient pas dans le projet de loi initial : l'institution d'un contrôle parlementaire renforcé et le caractère temporaire des mesures.
Le contrôle parlementaire renforcé a été institué, en tout cas initié, sous la précédente législature, lorsque l'état d'urgence a été déclaré. Dans le cadre de nos discussions sur la loi SILT, nous avons décidé de prolonger ce contrôle parlementaire renforcé. Vous savez que le contrôle parlementaire est l'une des prérogatives constitutionnelles des députés : voter la loi, évaluer les politiques publiques et contrôler l'action du Gouvernement.
L'article 5 de la loi de la loi SILT a donc imposé au pouvoir exécutif, notamment le ministère de l'Intérieur, l'obligation de communiquer au Parlement les décisions prises au titre des articles 1er à 4.
Nous recevons toutes les semaines un bilan chiffré des différentes mesures qui sont prises. Avec mon collègue Éric Ciotti et avec Madame la Présidente, nous avons, depuis deux ans, procédé à un certain nombre d'auditions. D'ailleurs, nous sommes également revenus devant vous, à trois reprises, pour pouvoir discuter et vous exposer le bilan d'application de la loi.
Par ailleurs, nous avons procédé à deux déplacements. Nous nous sommes rendus à la gare de Lille Europe, parce qu'il y avait sans doute une problématique sur l'institution des périmètres de protection. Nous voulions observer comment cela se passait et comment étaient mis en place ces périmètres de protection. Nous avons fait également un déplacement à Fleury, pour évaluer les mesures de contrôle de la radicalisation des quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER).
Lors de nos débats s'était posée la question de la constitutionnalité du contrôle parlementaire renforcé, parce que certains, notamment au Gouvernement, estimaient qu'il créait un déséquilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif. Cette question n'a pas été tranchée puisque la loi n'a pas été renvoyée devant le Conseil constitutionnel. Elle reviendra sans doute en débat devant nous, et peut-être devant le Conseil constitutionnel, puisque l'une des autres dispositions de la loi est l'institution de ce que l'on a appelé « la clause sunset ». En effet, dans les articles 1er à 4, nous avions voté que ces dispositions allaient disparaître au 31 décembre 2020. Nous devrons, sans doute l'année prochaine, à l'initiative du Gouvernement, nous poser la question de savoir si nous les prolongeons ou pas, et s'il faudra encore prolonger ou pas le contrôle parlementaire renforcé.
Concernant la loi SILT, le texte prévoyait huit mises en oeuvre réglementaires. Sept ont été prises. Ainsi, un décret concerne les bracelets électroniques. Dans le cadre d'une MICAS, nous avons la possibilité si nous voulons limiter le déplacement de la personne, non pas uniquement à la commune, mais à l'ensemble du département, de le faire avec la mise en oeuvre d'un bracelet électronique. Le décret a été adopté dans les temps, mais dans la pratique, aucun bracelet électronique n'a été mis en place.
Un décret reste encore en attente. Il concerne le passenger name record (PNR) maritime. Le PNR maritime émanait de la volonté d'instituer un fichier permettant de disposer d'informations sur la totalité des passagers qui voyagent en bateau, sur le modèle de ce qui existe en matière de voyages par avion. La commission de la Défense qui s'était saisie pour avis de cet article s'était penchée plus précisément ces problématiques.
Nous avons auditionné la semaine dernière la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLAPJ) pour faire le point sur ces sujets. En réalité, il y a eu quelques retards dans la mise en oeuvre de ce fichier. Le décret n'a pas été adopté parce que la structure en elle-même n'existe pas. Il nous a été dit qu'il y avait des réunions interministérielles en ce moment, et que le Gouvernement était dans la phase de mise en oeuvre du fichier au titre du PNR maritime.
Il s'agit d'un sujet sur lequel il va falloir que nous portions notre attention. J'ai échangé avec notre collègue Guillaume Gouffier-Cha qui était le rapporteur pour avis pour la commission de la Défense. Dans ce cadre-là, nous procéderons dans les semaines ou les mois qui viennent à d'autres auditions pour voir où en est la véritable mise en oeuvre de ce PNR maritime. Lors du débat sur la loi SILT, le Gouvernement nous avait indiqué que le PNR maritime était extrêmement important dans le contrôle des flux des passagers et dans la lutte contre le terrorisme.
Quelques mots sur le bilan de ces quatre mesures, même si nous y étions déjà revenus assez longuement dans les trois comptes rendus que nous avions faits devant vous. La mesure qui a été la plus mise en oeuvre est celle qui relevait de l'article 1er : les périmètres de protection. Il s'agit d'une mesure très utilisée par les préfets au titre de la police administrative, par exemple.
La deuxième mesure est la fermeture des lieux de culte pendant six mois. Cet instrument a été très peu utilisé, puisqu'il y a eu uniquement sept fermetures de lieux de culte en deux ans. L'administration nous explique qu'en réalité, elle doit parfois recourir à d'autres instruments pour procéder à des fermetures de lieux de culte, notamment des instruments relevant des problématiques sanitaires. En revanche, cet article 2 est utile, parce que c'est un instrument de « dissuasion », entre guillemets, pour l'administration, vis-à-vis de ces lieux de culte.
Concernant l'article 3 de la loi SILT, il y a eu 192 MICAS depuis 2017. S'agissant de ces instruments, on constate un rythme quasiment équivalent à ce qui existait à la sortie de l'état d'urgence. Dans le cadre de notre travail de contrôle, dans les premiers mois, nous avons constaté qu'il y avait eu une chute, notamment concernant les visites et saisies, parce que l'administration avait sans doute eu besoin d'un temps d'adaptation.
Concernant les visites et saisies, nous avons une procédure qui est novatrice, puisque l'initiative revient au préfet, et que la décision est prise par le juge de la liberté de la détention. Nous avons aujourd'hui, peu ou prou, en valeur absolue, le même nombre d'utilisations de ces visites et saisies que ce que nous avions à la toute fin de l'état d'urgence.
Ce qui ressort aussi très clairement de nos auditions, c'est que ces mesures sont extrêmement utiles à l'administration dans la lutte contre le terrorisme. Il y a notamment eu une affaire dont nous avons parlé l'année dernière, qui concernait une préparation d'attentat terroriste découverte dans le XVIIIe arrondissement, qui a été découverte grâce à une visite domiciliaire.
Pour terminer, concernant la mise en oeuvre et la poursuite de ces instruments, nous en débattrons au sein de la commission l'année prochaine, puisque, comme je vous l'ai dit, les mesures viennent à extinction. Si le législateur n'intervient pas, les mesures au titre des articles 1er à 4 disparaitront le 31 décembre 2020. Ce débat devrait venir au premier semestre de l'année prochaine.