Madame la rapporteure, je vous remercie pour votre exposé.
Les budgets se suivent et se ressemblent : les plus modestes feront encore les frais des cadeaux consentis aux plus aisés. Tel est peut-être l'enseignement essentiel de cette mission budgétaire en matière d'accompagnement social pour le logement. Bien évidemment, nous condamnons cette nouvelle diminution drastique des crédits alloués aux aides au logement, s'élevant à près de 1,4 milliard d'euros tout de même. Il est regrettable que les économies attendues de l'actualisation du calcul des APL ne puissent, à budget constant, permettre le renforcement de ces APL, alors que celles-ci ont connu une diminution croissante depuis 2017.
En effet, le Gouvernement poursuit la sous-indexation de la réévaluation des crédits des APL, en fixant leur évolution à 0,3 % en 2020 comme en 2019. Il s'agit là d'une nouvelle atteinte au pouvoir d'achat des ménages les plus modestes, après la baisse de 5 euros du montant des APL en 2017 et le gel du barème en 2018. Par conséquent, le groupe Socialistes et apparenté défendra un amendement pour établir une indexation sur l'inflation effective ; il en défendra un autre visant à rétablir les APL « accession » telles qu'elles existaient dans la loi de finances pour 2018 : chacun s'accorde, année après année, sur le constat des conséquences catastrophiques de leur disparition sur la mobilité résidentielle et la production de logements neufs en zones détendues.
En matière de production de logements, les dispositions prises dans le cadre du programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » ne font en fin de compte que traduire les orientations données par la loi ELAN : provoquer un choc de l'offre dans les zones tendues, grâce à différentes dispositions et mesures d'accompagnement, permettant notamment de construire plus haut, de libérer du foncier ou de fiscalement inciter à construire toujours plus et moins cher, là où il y a peut-être déjà trop de monde. Vous ne faites en réalité qu'accompagner le phénomène de métropolisation et de concentration, sans même le contrarier. Le constat est pourtant clair : nos villes grossissent à l'extrême, sont surpeuplées et font le lit des fractures territoriales. Les métropoles se concurrencent entre elles, les banlieues étouffent et s'étendent indéfiniment, à l'exemple de ce que prévoit le projet du Grand Paris ; pendant ce temps, ce sont tous les territoires de la France profonde qui se dépeuplent.
La mission « Cohésion des territoires » devrait avoir pour objectif essentiel d'endiguer ce mouvement de concentration ; or il n'en est rien, elle le rend inéluctable. Ne devrions-nous pas changer de logiciel ? Certes, il nous faut répondre à l'urgence de celles et ceux qui sont en mal de logement, mais ne faudrait-il pas en même temps agir bien plus en amont ? N'est-il pas temps de créer les conditions permettant de fixer les populations dans nos campagnes, voire de les y attirer ? L'enjeu est avant tout économique, mais il y va également de l'attractivité des territoires. Bien sûr, des dispositifs existent : les pactes de développement, les contrats de ruralité, les territoires d'industrie. Mais sont-ils suffisants ? Pour moi, la réponse est non ; il manque le lien entre politique du logement et politique économique, qui permettrait un meilleur équilibre entre territoires. Le choc de l'offre en zones tendues retrouverait de la mesure et donnerait une nouvelle dynamique aux zones détendues.
Parallèlement à cette mission budgétaire, la priorité consisterait à engager des politiques d'incitation à la création d'emplois en zones détendues, en particulier en zones d'aides à finalité régionale (AFR) et de revitalisation rurale (ZRR). Les solutions à l'échelle de notre pays ne résident pas dans l'inexorable mouvement de métropolisation. À quand une politique à la hauteur des enjeux de la cohésion des territoires ?