Les travaux menés pour cet avis m'amènent à le résumer ainsi : les efforts financiers, qu'il faut relever, permettent essentiellement à la France de tenir des engagements internationaux. C'est évidemment louable, mais je dois insister sur la faiblesse des moyens consacrés aux grands défis que sont le développement durable et l'adaptation aux bouleversements climatiques. S'il s'agissait réellement de priorités, cela devrait se traduire dans les chiffres et les engagements dont nous discutons ce soir. Or ce n'est pas le cas !
Certes, les trois programmes qui financent la recherche dans ces domaines verront leurs crédits augmenter à nouveau en 2020, et de manière substantielle, mais ces fonds supplémentaires iront presque en totalité compléter le financement d'engagements passés. C'est vrai de l'abondement de 214 millions d'euros du programme « Recherche spatiale », qui va permettre de solder enfin notre retard de paiement auprès de l'Agence spatiale européenne. Quant au complément de 118 millions d'euros promis au programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », il financera l'effet en 2020 des mesures salariales accordées en 2017 et du plan pour l'intelligence artificielle lancé en 2018. C'est vrai aussi du programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », qui progressera de 28 millions d'euros pour financer la recherche sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération.
Si ce projet de budget assume, heureusement, les répercussions des engagements passés, il ne traduit pas d'ambitions fortes en matière de transition énergétique. Vous le savez, les nombreux citoyennes et citoyens – en particulier la jeunesse – mobilisés par l'urgence climatique demandent des actes. Or ni la recherche dans les thématiques d'avenir, ni les moyens d'action des opérateurs ne sont renforcés, au contraire.
Ainsi depuis plusieurs années, les subventions pour charges de service public des opérateurs ne tiennent pas compte du renchérissement des dépenses de personnels induit par le glissement vieillesse technicité, le GVT. Selon les calculs des ministères de tutelle, le manque à gagner s'élève à une trentaine de millions d'euros par an. Cette pression croissante sur leur masse salariale a contraint les organismes de recherche, non seulement à renoncer à opérer les recrutements nécessaires, mais même à réduire leurs effectifs.
Dans les seuls établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, plus de 3 530 emplois ont ainsi été sacrifiés entre 2012 et 2018. Il n'y aura donc aucun investissement supplémentaire, via les subventions aux opérateurs ou les enveloppes consacrées aux appels à projets nationaux, pour renforcer la recherche en faveur du développement durable ni même de la transition énergétique, malgré l'urgence de la situation. C'est pourquoi j'espère que l'amendement approuvé par la commission du développement durable, visant à accorder des moyens au plan hydrogène – engagement pris par le Président de la République en 2018, mais qui ne trouve trace ni dans le budget en cours d'exécution ni dans le projet de loi de finances pour 2020 – , suscitera votre adhésion.
Nous en convenons tous, la recherche est une clé de notre capacité à répondre aux défis toujours plus difficiles auxquels est confrontée notre planète – et donc, notre humanité. C'est elle qui nous permet de comprendre les phénomènes naturels et physiques, et c'est elle qui est la plus à même de faire sauter certains verrous et de faire émerger des solutions pérennes.
Alors même que les moyens dédiés à la recherche sur le nucléaire croissent notablement, je constate que les crédits fléchés vers la recherche sur les énergies renouvelables ne progressent pas. Ils tendraient même à régresser, comme en témoignent le recul de certaines subventions d'État et la menace d'un alourdissement de la réserve de précaution appliquée aux dotations budgétaires. Heureusement, quelques organismes de recherche parviennent, par leur persévérance, à maintenir leurs investissements. Mais eux-mêmes pourraient voir leurs marges d'action diminuer à nouveau en 2020, et s'aggraver leurs difficultés à recruter les compétences nécessaires pour faire face aux nouveaux défis.
La stagnation – pour ne pas dire la dégradation – des moyens de recherche dédiés à la transition énergétique est injustifiable au regard des 6,5 milliards d'euros de crédit d'impôt recherche que le Gouvernement est capable d'accorder aux entreprises nationales, dont certaines sont pourtant notoirement frileuses vis-à-vis de ces thématiques émergentes, en dépit des ambitions fortes proclamées par le Gouvernement en la matière.
Faire de la recherche, c'est explorer et comprendre les menaces dont certaines nous affectent déjà gravement afin de mieux les écarter. C'est aussi, et peut-être surtout, assurer notre progrès et notre avenir collectif. À la lumière de ces arguments, je donne à titre personnel un avis défavorable sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».