Je commence par la pêche, car elle se retrouve trop souvent en dessous de la pile. Je poserai deux questions très concrètes, les mêmes que je vous ai adressées la semaine dernière. Face à la perspective d'un Brexit dur – même si chaque jour qui passe entretient le flou sur la date – , êtes-vous prêt à limiter l'accès à la bande des 12 à 200 milles nautiques aux bateaux immatriculés dans nos ports, dans le respect des antériorités des navires français ? Par ailleurs – nous en parlions encore il y a quelques instants – , depuis quelques jours, des chalutiers-senneurs de plus de 30 mètres, armés par des capitaux hollandais, vident la Manche-Est de ses poissons. Les mêmes navires qui ont asséché la mer du Nord opèrent tranquillement leur razzia, alors que la rigueur des contrôles semble réservée à nos bateaux. Qu'en est-il de votre adresse à la commission européenne pour empêcher le pillage de nos mers ?
Ces deux questions ont un rapport direct avec vos choix budgétaires : les Français doivent savoir que 300 emplois vont disparaître en 2020 dans les services déconcentrés de l'État en charge de la conduite des politiques agricoles et de la pêche. Concrètement, dans les directions départementales des territoires et de la mer, les DDTM, ce sont des postes en moins pour défendre notre modèle de pêche artisanale. Lorsque 300 emplois sont supprimés dans la conduite des politiques sur le terrain, cela signifie que la réponse de proximité de l'État continue à reculer – même si je vous concède qu'avec le Brexit vous avez créé des postes supplémentaires au service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières – SIVEP – , qui mène des contrôles dans nos ports.
Monsieur le ministre, la légère augmentation de ce budget ne compense pas du tout la diminution de près de 20 % cumulée pour les années 2018 et 2019. Depuis plusieurs années, le renoncement est un marqueur des politiques libérales. Là encore, le libéralisme en action fait des ravages : vous supprimez des postes à tour de bras, notamment, cela vient d'être dit, des postes qui permettent de prendre soin de nos forêts ; ce faisant, vous allez à l'encontre du renouvellement du patrimoine forestier. Au nom du groupe communiste, je tiens à vous dire que cette politique maltraite la forêt autant que les agents de l'ONF.
Le recul de la capacité d'intervention de l'État, nous en avons eu une illustration avec la catastrophe de Lubrizol. Certes, les ministres ont été présents : vous l'avez été, le Premier ministre également, qui était encore à Rouen il y a tout juste quelques jours. Mais la solidarité qui s'est exprimée a été celle de l'interprofession et des chambres d'agriculture – il est d'ailleurs heureux que, à la faveur de la crise Lubrizol, vous ayez redécouvert leurs vertus et renoncé à les sacrifier.
Cependant, vous nous présentez un budget faible au regard de l'échec patent de la loi EGALIM. Celle-ci ne permet pas de garantir des prix agricoles autorisant les agriculteurs à vivre décemment. Les promesses présidentielles du discours de Rungis n'ont pas ruisselé dans les fermes : comme je l'ai dit en commission, j'ai l'impression que les marcheurs ne croient pas à la loi qui protège, qui régule, qui inverse le rapport de force entre les petits et les gros, entre les agriculteurs et la grande distribution. Plusieurs études l'ont montré : le grisbi, c'est pour la grande distribution et l'industrie. Comme l'a suggéré notre collègue Richard Ramos, les caméras, c'est dans les salles de négociation des prix qu'il faudrait les installer.
C'est un budget faible au regard des défis qui s'imposent à notre agriculture, en particulier du fait du changement climatique ; la sécheresse, qui touche plusieurs régions françaises, a ses premiers effets graves. Jean-Paul Dufrègne vous a d'ailleurs alerté il y a quelques jours sur ce sujet.
C'est un budget faible au regard de la nécessité d'adapter notre modèle agricole. Vous dénoncez souvent l'agribashing, et sur ce sujet, je partage votre indignation ; mais pour éviter qu'il ne prospère, il faut un grand plan d'accompagnement pour aider les agriculteurs, pour être à leur chevet, en particulier s'agissant de la sortie des produits phytosanitaires. Quels moyens dans la recherche publique depuis trois ans ? Là encore, la promesse d'Emmanuel Macron s'est perdue dans les labours.
Les accords de libre-échange représentent également un recul : le CETA – Comprehensive Economic and Trade Agreement, accord économique et commercial global – fait peser sur l'agriculture des inquiétudes majeures.
C'est un budget faible au regard du recul à venir de la PAC, que la France a accepté bon gré, mal gré. Monsieur le ministre, je vous le dis pour conclure : au nom de la Terre, votre budget n'est pas à la hauteur.