Intervention de Guy Teissier

Séance en hémicycle du mercredi 30 octobre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Teissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

Le budget qui nous est soumis est, sur le plan de la prévision budgétaire, un bon budget, n'ayons pas peur des mots. Il prévoit une augmentation de 1,7 milliard d'euros des moyens accordés à la défense, ce qui est conforme à la trajectoire fixée dans la loi de programmation militaire, au terme de laquelle la France doit consacrer à la défense 2 % de son PIB d'ici à 2025. Ce budget constitue donc une marche importante dans la remontée en puissance des armées, notamment sur le plan de la modernisation des équipements.

Il répond également à l'évolution du contexte international, qui devient chaque jour plus dangereux et plus instable. Néanmoins, comme vous le savez, madame la ministre, il ne suffit pas que les crédits soient octroyés : encore faut-il les consommer. Permettez-moi donc de vous faire part de plusieurs inquiétudes liées à l'exécution des crédits adoptés pour les armées.

En premier lieu – je commence par le meilleur – je me félicite de l'effort de sincérisation du financement des opérations extérieures et des missions intérieures, pour un montant non négligeable de 1,2 milliard d'euros en 2020. J'ai longtemps présidé la commission de la défense nationale et des forces armées et c'est en cette qualité que j'ai obtenu la création de cet article. À l'époque, nous avions inscrit 400 millions d'euros, ce qui constituait une réserve de précaution davantage qu'une réserve d'exécution. Cette année encore, cette provision demeurera sans doute insuffisante par rapport au coût réel des opérations. La question de la prise en charge du surcoût se posera donc. Pouvez-vous nous confirmer, madame la ministre, le maintien du principe de la solidarité interministérielle pour financer ce surcoût, afin d'éviter, comme l'an passé, l'annulation de plusieurs centaines de millions d'euros de crédits du budget de la défense ?

Alors même que vous pourriez annuler des crédits dès la semaine prochaine, je m'inquiète de la sous-consommation des crédits accordés aux armées. En réalité, les deux sujets sont liés : plus vous peinez à absorber les crédits accordés, plus vous pouvez vous permettre des annulations de crédits du budget de la défense. Il est donc regrettable que les difficultés de gestion interne du ministère aient pour effet de ralentir la modernisation des armées.

Je citerai un exemple. Alors que la LPM se place « à hauteur d'homme », selon la très belle formule consacrée, le ministère des armées ne parvient pas à consommer l'intégralité des crédits du titre II, pourtant ô combien importants pour les armées, en raison des difficultés qu'elles rencontrent pour recruter et, surtout, pour fidéliser. Vous en tirez d'ailleurs les conséquences puisqu'en 2020, les dépenses en la matière s'écartent de la trajectoire fixée dans la LPM. Le ministère peine également à exécuter les crédits d'infrastructures prévus, ce qui peut laisser dubitatif quant à la mise en oeuvre du plan hébergement annoncé pour les cinq années à venir.

Un mot, enfin, de l'effort engagé pour améliorer les conditions de vie des soldats. Ce sujet, qui semble parfois périphérique par rapport aux grands programmes d'équipement en cours, est en réalité essentiel au bon fonctionnement des armées. Si de nombreux jeunes gens embrassent la carrière militaire, c'est qu'ils se savent soutenus par l'institution et par le pays. Par les sujétions qu'il impose, le métier des armes est à nul autre pareil : s'y engager peut in fine conduire à l'altération de l'intégrité physique, voire à la mort. Nous devons rester très vigilants concernant l'équilibre entre les sujétions et les compensations, qui sont au coeur de la condition militaire. Sa remise en cause aggraverait les difficultés que rencontrent les armées pour fidéliser dans leurs rangs. Ce risque existe bel et bien, à entendre les jeunes ou les anciens s'inquiéter de l'incidence que pourrait avoir la réforme des retraites sur le système des pensions militaires.

Malgré les déclarations censément rassurantes du Président de la République et du haut-commissaire aux retraites, il vous appartient, madame la ministre, de consentir un effort de communication pour dissiper l'instabilité de l'avenir qui inquiète les soldats. Je sais que le Gouvernement a fait de l'amélioration des conditions de vie des militaires l'une de ses priorités, et je me réjouis de ce point de vue de l'adoption du plan famille, destiné à lutter de manière globale contre les contraintes de l'engagement militaire pour les familles. Néanmoins, il faut bien mesurer qu'une partie du plan famille relève de l'effet d'annonce.

Il arrive que des initiatives soient prises au niveau régimentaire, le commandement n'ayant pas attendu le plan famille pour mettre en oeuvre certaines mesures, surtout en matière de logement et d'hébergement. À ce jour, les effets restent difficilement perceptibles, madame la ministre. Pourtant, le défi de la fidélisation dans les armées dépend largement de votre capacité à améliorer les conditions d'hébergement et de logement des soldats. Sinon, comment exiger des militaires qu'ils acceptent les lourdes sujétions que leur impose le métier des armes ?

Permettez-moi de paraphraser Napoléon Bonaparte : le budget, comme la guerre, est un art simple et tout d'exécution. Pensez à y veiller, madame la ministre !

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