Cette année, j'ai choisi de concentrer mes travaux sur le plan d'accompagnement des familles et d'amélioration des conditions de vie des militaires, dit plan famille. En effet, j'ai souhaité vérifier si ce plan apportait une réponse à la perte d'attractivité ou s'il s'agissait d'une simple opération de communication.
Avec toute l'objectivité qui me caractérise, madame la ministre, je dois confirmer que ce plan traduit bien une prise de conscience de la nécessité d'adopter une approche globale de l'action sociale en direction des militaires et de leurs familles. J'ai rencontré des directions et des services totalement mobilisés pour améliorer la qualité du soutien et opérer une simplification administrative. Je constate également la revalorisation des crédits dédiés à la rénovation des infrastructures, à la création de places en crèche et au développement de nouveaux outils numériques.
Mais, toujours avec la même objectivité, madame la ministre, je dois noter que ce plan comporte quelques insuffisances. Premièrement, les ressources allouées au soutien ne seront pas suffisantes pour relever les défis de la fidélisation. L'augmentation des crédits d'infrastructures, par exemple, s'avère sans commune mesure avec les besoins : elle permettra tout juste de stabiliser la situation, c'est-à-dire de rattraper le retard. En 2020, les crédits dédiés à la reconversion baissent de plus de 5 % par rapport à 2019, atténuant d'autant l'aide à la mobilité des conjoints.
Deuxièmement, dans un contexte où les ressources sont limitées, le plan famille peine à mobiliser la dépense publique de manière efficiente et conforme aux priorités stratégiques. En témoignent, par exemple, les dépenses engagées pour généraliser le wifi dans toutes les enceintes militaires. Cette mesure, représentant 80 % du budget du commissariat des armées au titre du plan famille, ne figurait pourtant pas dans la liste des besoins prioritaires dressée par les états-majors. Cette extension risque d'être concurrencée par le déploiement de la 4G ou de la 5G. En tout état de cause, elle n'empêchera pas, pour prendre un exemple concret, le soldat du régiment d'infanterie chars de marine de traverser en claquettes la cour du régiment pour rejoindre des sanitaires de campagne qui pallient l'insalubrité des douches.
Troisièmement, le plan famille et son accompagnement médiatique pourraient laisser penser qu'il sera suffisant pour recruter et fidéliser les militaires. Le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire m'a d'ailleurs mis en garde contre la tentation de considérer ce plan comme l'alpha et l'oméga de l'amélioration de la condition militaire. La qualité du soutien santé et la juste compensation des sujétions dans la nouvelle politique de rémunération et la réforme des retraites sont des chantiers beaucoup plus déterminants.
Aussi, madame la ministre, ce plan, si pertinent soit-il, apparaît imparfait. C'est pourquoi il faut envisager, dès maintenant, un acte II de la condition militaire, ouvrant une réflexion approfondie sur le rôle de la puissance publique et sur les instruments à sa disposition afin d'améliorer durablement la condition militaire, en s'adaptant aux territoires et aux structures familiales des militaires de demain.