Alors que le rythme d'engagement de la marine nationale demeure très soutenu et que les contrats opérationnels sont, une nouvelle fois, dépassés, nous pouvons nous féliciter qu'en 2020, pour la troisième année consécutive, le budget de la marine nationale soit en hausse, et conforme à la loi de programmation militaire 2019-2025.
Je veux, dans un premier temps, souligner quelques points de vigilance. La France est une puissance européenne et mondiale, mais elle ne dispose pas des moyens suffisants pour assumer tout son rôle outre-mer, lequel lui offre l'essentiel de sa zone économique exclusive. Le programme des patrouilleurs d'outre-mer est attendu d'ici à la fin de l'année, mais les commandes dépendent de la levée des réserves. Nous devons confirmer notre volonté politique de renouveler nos capacités outre-mer. Et, au-delà de l'outre-mer, notre dispositif pour la métropole donne aussi aujourd'hui des signes inquiétants. Un renouvellement de nos patrouilleurs de service public s'impose au plus vite.
Avec les précédentes lois de programmation militaire, les baisses de commandes et les reports calendaires se sont multipliés. L'outil de production de nos industriels s'est donc adapté. Le retour à une phase de croissance suppose de nouvelles adaptations, nécessairement longues et complexes. Les industriels ne peuvent donc pas répondre à des demandes urgentes. Ainsi, la politique de commandes de munitions mériterait un examen approfondi. Faute de commandes suffisantes, la France a du mal à atteindre ses objectifs de stocks de munitions. Méditons cette comparaison : les Français ont commandé 160 missiles Meteor, quand les Britanniques en commandaient 600 unités, dans un calendrier plus étalé dans le temps.
Bien sûr, nous pouvons nous féliciter de plusieurs aspects positifs. Je pense à des commandes symboliques, comme celle des sept avions de surveillance et d'intervention maritime Albatros, ainsi qu'à la livraison d'un sous-marin de la classe Suffren, de deux hélicoptères Caïman de la marine et d'un lot de missiles Aster pour les frégates multi-missions. Le Gouvernement a, en outre, pris l'initiative de confier cette année la sous-action « Infrastructure marine » à la marine, et non plus au secrétariat général pour l'administration. La marine devient ainsi donneuse d'ordres pour les infrastructures qui la concernent directement.
Une autre grande satisfaction a trait au maintien en condition opérationnelle : l'investissement reste très soutenu, et les crédits du service correspondent à la trajectoire définie par la programmation militaire et aux besoins de la marine. Enfin, le plan famille pour les personnels militaires et civils se déploie avec efficacité dans la marine.
Je souhaite évoquer la gestion des ressources humaines dans la marine. Mesdames les ministres, mes chers collègues, il n'y a point de marine sans marins ! Or, l'attractivité de la vie de marin décroît. La marine se trouve aujourd'hui en situation de sous-effectif, non à cause d'un manque de crédits, mais faute de volontaires pour s'engager sous les drapeaux ou y demeurer. Obstacle à la fidélisation, la perte d'attractivité de la marine n'est pas seulement pécuniaire : elle tient beaucoup au décalage entre ce qui fait la vie de marin et les aspirations de la majorité des jeunes Français et Françaises. Les freins tiennent davantage à un manque d'intérêt pour ces métiers, exigeants en matière de disponibilité, de mobilité et d'imprévisibilité de la charge de travail, et faisant peser de nombreuses contraintes pesant sur la vie de famille.
Face aux défis de recrutement et de fidélisation, de multiples mesures ont été prises : prime de lien au service, bourses d'études liées à un engagement de service, diversification de l'offre contractuelle, assouplissement de certains critères de recrutement, renforcement de la formation et de la communication, et amélioration des soutiens. La mesure la plus emblématique est l'extension du système de double équipage aux frégates multi-missions. Ce dispositif accroît significativement la présence en mer de nos navires – 190 jours au lieu de 110 – et améliore de manière très sensible la vie familiale des équipages, grâce à des rotations de quatre mois.
En conclusion, la marine s'adapte et se réorganise pour répondre aux attentes multiples de ses jeunes recrues, mais aussi à l'exigence des missions que le politique lui confie. Rappelons que l'une des grandes adaptations concerne la féminisation des effectifs. Sur ce point, la marine est en bonne voie, comme l'atteste la présence d'un équipage féminisé dans un sous-marin nucléaire lanceur d'engins. Les efforts de la marine pour le recrutement, la formation et la fidélisation des marins méritent d'être soutenus.
Victor Hugo écrivait : « La mer est un espace de rigueur et de liberté ». C'est en continuant à exécuter avec rigueur la loi de programmation militaire que la France se donnera les moyens de défendre sa liberté sur toutes les mers du globe. J'émets donc un avis favorable au budget de la marine nationale pour 2020.