Intervention de Général Richard Lizurey

Réunion du jeudi 10 octobre 2019 à 11h10
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale :

Madame Bureau-Bonnard, la brigade numérique est une belle réussite sur laquelle il convient de communiquer, car tout le monde ne la connaît pas encore. Le premier de ses gains est la diminution du nombre des sollicitations des brigades territoriales. La brigade numérique répond aux questions quotidiennes et pratiques que se posent les citoyens, comme les démarches pour repasser le permis de conduire, ce qui allège d'autant le travail des brigades. Le résultat n'est pas quantifié et ne fait pas encore l'objet d'une comptabilité analytique. Il faudra le faire pour démontrer clairement l'allègement du travail des unités territoriales en termes de fourniture de renseignements. Nous avons aussi mis en place un espace de questions les plus fréquentes.

Il y a peu de suites juridiques, car ce n'est pas un service d'urgences. Il y en a tout de même mais je ne connais pas le nombre exact d'interventions via la brigade numérique qui se sont traduites par des plaintes. Il arrive que face à l'énoncé d'une situation, le gendarme se trouve en présence d'une infraction caractérisée. La brigade numérique n'étant pas compétente pour investiguer, elle transfère alors les éléments à la brigade du lieu du domicile de l'intéressé, en accord avec lui. Nous vous transmettrons les chiffres, afin que vous ayez une vision claire de l'activité des brigades numériques qui embrassent un volume assez important d'affaires.

La simplicité du système est évidente. Nous allons développer la brigade numérique sur des points individualisés. Des inaptes ou des réservistes pourront se plugger de chez eux pour répondre aux usagers. Nous compléterons le dispositif en le déployant outre-mer.

La brigade numérique sert aussi de portail de signalement des violences sexuelles et sexistes. C'est la partie gendarmerie de la plateforme police. Nous en sommes à environ 150 saisines suivies en grande partie de suites judiciaires, car on est là vraiment dans des logiques d'infraction. En pareilles circonstances, il est plus simple d'interagir avec une interface numérique que de se déplacer dans une brigade, mais cela doit tout de même se traduire in fine par un contact avec un gendarme. L'objectif de la brigade numérique et du portail des violences sexuelles et sexistes est de créer les conditions d'un rendez-vous confidentiel, avec la fixation d'un horaire et l'accueil personnalisé des jeunes femmes en difficulté. Nous allons développer ce dispositif qui correspond à une culture nouvelle. Les usagers qui s'adressent à nous sont dans une tranche d'âge assez jeune. La nouvelle génération est habituée à interagir avec les administrations par le numérique. Nous devons nous adapter et augmenter notre capacité de réponse dans ce domaine.

Monsieur Verchère, vous avez évoqué l'attaque des personnels de la préfecture de police. J'en profite pour saluer la mémoire des victimes et manifester de nouveau ma solidarité et celle de la gendarmerie tout entière à l'égard des personnels de la préfecture de police avec qui nous travaillons tous les jours. Beaucoup de gendarmes travaillent à Paris en liaison avec la préfecture de police. Nous sommes totalement solidaires avec l'ensemble des effectifs et des familles des camarades et des collègues que nous avons perdus.

Cela nous conduit à nous interroger sur notre dispositif en interne. On me demandait hier au Sénat si notre dispositif était sûr. J'ai répondu et je répète qu'aucun dispositif ne peut être totalement certain. Il y a toujours une plage d'incertitude. Notre travail est de la réduire au maximum en mettant en place des processus de décision, de remontée d'information et de suivi. J'ai évoqué une vingtaine de suivis. De niveaux différents, ils vont du signal faible qui ne débouchera sur rien à l'islamisme rigoriste ou extrémiste en passant par l'extrême droite. À ce stade, la procédure d'accompagnement de gens vers d'autres horizons professionnels se fait plutôt à l'amiable. Une grande partie de la vingtaine de personnels écartés depuis 2013 était des gendarmes volontaires. On ne renouvelle pas leur contrat, on les déplace, on leur explique qu'ils ont un avenir ailleurs. Bien entendu, on ne les lâche pas dans la nature, on les signale aux services compétents pour qu'ils soient suivis dans la durée. On a aussi convaincu quelques personnels d'active de changer de métier. Pour l'instant, ça a plutôt bien fonctionné.

Faut-il une nouvelle procédure adaptée ? Peut-être faudra-t-il prévoir une réglementation plus précise, prévoyant que dans le cas avéré de radicalisation et de danger manifeste, on puisse dénoncer y compris des contrats dans la fonction publique classique. Pour quelqu'un de carrière, cela doit, me semble-t-il, légitimer une rupture de contrat. Le ministre est intervenu ce matin sur le même thème et je m'inscris tout à fait dans cette perspective.

Madame Gipson, vous m'interrogez sur la sécurisation des équipements dotés du système NéoGend. Ce n'est rien d'autre qu'une boîte vide louée à un opérateur. Tout ce qu'on y introduit, la couche de fonctionnement et le système d'exploitation est conçu en interne en liaison avec l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI). Il n'y a aucune application qui ne soit pas développée en interne. Par exemple, nous n'avons pas installé Whatsapp sur le dispositif, mais le même système version administration sécurisé parce que nous avons tous les codes sources. Dès lors qu'on n'a pas les codes sources complets d'une application, elle n'est pas implantable dans NéoGend et NéoPol. C'est la première couche de sécurisation qui permet d'être à peu près sûr que rien ne rentre. Aucun gendarme n'a le pouvoir de rentrer quelque application que ce soit. De plus, NéoGend est un terminal. Il n'y a aucune donnée sur quelque disque dur que ce soit. Il n'y a rien dans l'appareil. Si on le perd l'appareil, on le désactive et il n'a plus accès au système. Celui ou celle qui ne récupérerait ne pourrait rien en faire. Quelqu'un qui aurait volé le dispositif et qui aurait pris le code du gendarme en question pourrait accéder aux bases pendant un certain temps. Nous comptons sur le compte rendu rapide. Quelqu'un qui perd son matériel doit le signaler immédiatement et on le débranche tout de suite. Nous n'avons pas eu d'exemple de mauvais usage d'un NéoGend qui aurait été perdu ou volé. Cela ne veut pas dire que le système est parfait mais que l'ensemble du dispositif fait l'objet d'une sécurisation importante.

Monsieur Michel-Kleisbauer, vous avez évoqué la partie hélicoptères. Je m'associe à votre pensée pour mon camarade Daniel, dont la une perte a été brutale. Il a porté la troisième dimension de la gendarmerie de manière passionnée, constante et récurrente. Il a commandé deux fois les forces aériennes de la gendarmerie, ce qui est exceptionnel.

Aujourd'hui, la flotte d'hélicoptères de la gendarmerie, ce sont 56 appareils - EC-145, EC-135, Écureuil - correspondant au contrat opérationnel prévoyant d'être en mesure d'intervenir en moins de trente minutes sur n'importe quel point du territoire, y compris outre-mer. Ce n'est évidemment pas immuable et il faut évoluer, d'autant qu'il existe des moyens nouveaux. Nous avions testé des ULM, il y a quatre ans, mais leur utilisation est rendue aléatoire par les conditions météo et ils ne peuvent pas emporter beaucoup de matériel.

Leur expérimentation avec la DGAC n'a pas prospéré, même si la GTA a utilisé les ULM pour faire du point à point et passer d'un aérodrome secondaire à un autre. Les drones représentent aujourd'hui une capacité intéressante en termes de recherche du renseignement. Ils peuvent supplanter une partie des missions auparavant dévolues aux hélicos, notamment pour repérer une zone ou surveiller tel aspect. Nous avons des mid-drones, pas des drones comme ceux des armées. Quand on a besoin de drones du niveau supérieur, nous demandons à nos camarades des armées de nous prêter une partie de leurs capacités.

Nous réfléchissons à l'évolution du dispositif. Il faudra se reconcentrer davantage sur les missions de sécurité publique, la partie secours me semblant naturellement dévolue à nos camarades sapeurs-pompiers. Aujourd'hui les hélicos de gendarmerie font un peu les deux.

Nous devrons nous recentrer sur notre corps de métier. Nous le faisons déjà et nous allons continuer à le faire. Pour les 56 hélicos, nous disposons au total de 19 000 heures de vol. Le coût de notre maintien en condition opérationnelle (MCO) est raisonnable, à 21 millions d'euros, le moins élevé de l'ensemble des flottes. L'idée est de continuer à développer une capacité au profit également des autres services. La police nationale est abonnée, elle a un droit de tirage de 1100 heures de vol sur nos hélicos pour des opérations de surveillance ou pour intervenir en cas de manifestation publique. L'hélico chargé d'apporter son concours à la préfecture de police est d'ailleurs un hélico de gendarmerie basé à Villacoublay. La flotte aérienne de la gendarmerie a vocation à être pérennisée tout en s'adaptant aux besoins ; le besoin prioritaire étant celui de la sécurité publique générale.

Monsieur Folliot, vous évoquiez la brigade territoriale de Lacaune. Je n'ai pas d'information, mais nous allons nous renseigner.

Vous avez évoqué la hausse du niveau de violence à l'encontre des gendarmes et la question des VBRG et des VAB MO. Nous avons 84 engins blindés opérationnels, la moitié en outre-mer et la moitié en métropole. Depuis décembre 2018, nous avons vu que cela pouvait présenter un intérêt dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre. Dans le cadre de l'élaboration du livre blanc, nous cherchons à déterminer si et dans quelles conditions il est possible de renouveler la flotte actuelle des véhicules blindés.

Le VBRG est né avec la 4L, et j'en profiterai pour saluer les mécaniciens de Satory qui refaçonnent des pièces pour permettre aux VBRG de continuer à fonctionner. On a longtemps envisagé le développement d'un programme de véhicules blindés de nouvelle génération, mais c'est devenu hors de portée budgétaire et peu souhaitable, car on ne va pas engager un programme pour 84 véhicules blindés. Nous nous orientons vers le rétrofit des véhicules blindés actuels et des VAB qui ne sont plus d'utilité aux armées. Dans le cadre du renouvellement de ses matériels l'armée de terre, n'a plus l'utilité de certains VAB et j'ai demandé qu'on nous les cède afin de les « gendarmiser » en les remotirisant et en les peignant en bleu pour les mettre à la disposition des unités de gendarmerie, notamment outre-mer. Les VAB présentent l'avantage d'être surblindés. J'ai besoin de la moitié des 84 véhicules blindés outre-mer, plutôt des VAB MO, le reste étant des VBRG rétrofités. Le prix des prototypes négocié avec l'industriel est de 250 000 euros pièce, incluant la remotorisation complète, la climatisation et la révision de l'ensemble du système, soit cinq à six fois moins cher que le développement d'un matériel par des industriels. Nous sommes plutôt sur ce modèle, avec six ou sept matériels rétrofités chaque année pendant quatre ou cinq ans. Nous disposerions ainsi au bout de cette période d'une flotte de 84 véhicules blindés qui pourraient repartir pour trente, quarante ou cinquante ans.

La coopération internationale se fait avec les gendarmeries « soeurs », soit au sein de la FIEP, organisation un peu informelle qui a commencé à fonctionner avec la France, l'Italie, l'Espagne et le Portugal, qui s'est d'ailleurs réunie hier et avant-hier et à laquelle j'ai envoyé le général adjoint au major général. Regroupant maintenant aussi la Jordanie, le Maroc et le Chili, elle permet de partager les bonnes pratiques et les expériences. C'est un travail international intéressant parce qu'on se retrouve après dans les opérations extérieures. Il y a aussi la force de gendarmerie européenne (FGE), beaucoup plus normée, dont l'état-major est à Vicenza, en Italie, et qui a une capacité d'intervention sous mandat de l'Union européenne. Nous sommes intervenus en Afghanistan et nous envisageons d'intervenir dans la bande sahélo-saharienne dans le cadre des nouvelles propositions qu'on nous a demandé de faire. C'est un outil intéressant qui permet d'afficher une intervention européenne répondant à un processus décisionnel qui remonte au niveau de Bruxelles.

Plus largement, j'ai environ 500 militaires de la gendarmerie à l'étranger sous toutes les bannières : l'Union européenne, l'ONU – le responsable de la mission EUCAP Sahel Mali est un gendarme, le général Rio, patron de l'ensemble de la composante ONU de la police civile -, l'OSCE, pour accompagner les armées sous mandat national, soit sous la prévôté, soit en bilatéral. Nous avons aussi le projet groupe d'action rapide, de surveillance et d'intervention (GARSI), programme européen doté de 41 millions d'euros, qui vise les cinq pays du Sahel plus le Sénégal. Nous sommes leader au Burkina Faso et au Sénégal pour mettre en place des unités d'une centaine de personnels chargés de la lutte contre la criminalité, des contrôles aux frontières et de la lutte contre les trafics. Chaque pays du Sahel plus le Sénégal a créé au moins une unité de ce type et est en train d'en créer une deuxième, voire une troisième. C'est une manière de multiplier les capacités d'intervention dans cette zone très compliquée, toujours en liaison avec nos camarades des armées. Nous sommes systématiquement en lien avec les unités déployées, car il est important de partager l'information et le renseignement dans ce domaine.

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