Madame Rabault, je vous confirme que le montant de 236 milliards n'a jamais été atteint jusqu'alors, la France est l'un des États européens qui émet le plus d'obligations sur le marché. Cette situation nous emmène-t-elle vers un point de non-retour, y a-t-il un montant à partir duquel notre dette sera fragilisée ? J'ai soulevé la question lors des auditions, et la réponse est plutôt négative. Notre dette, aujourd'hui, est très bien notée. En tant que rapporteure spéciale, cette question me tracasse forcément. Les investisseurs comme les experts des marchés me rassurent sur la qualité de la dette française, comparée à celle des autres États européens et au marché mondial. En 2020, 136 milliards de dette seront amortis. Nous réemettons chaque année.
S'agissant des taux d'intérêt négatifs, rapporteure spéciale sur cette mission pour la troisième année, j'ai été amenée à interroger à plusieurs reprises les experts sur la pérennité de cette situation. Certains estiment que les taux pourraient remonter du jour au lendemain, d'autres que la situation pourrait se prolonger encore longtemps. Certaines réponses sont structurelles, d'autres conjoncturelles. Si l'on considère la politique monétaire menée par les banques centrales, le contexte économique international et la structure de nos économies, il semble que la situation soit amenée à se prolonger à moyen ou long terme.
Alors, oui, il est sans doute pertinent de saisir l'opportunité qu'offre cette période de taux bas pour investir, dans toutes les transitions. Au-delà de la transition numérique, monsieur Dufrègne, il faut également investir dans la transition démographique – j'y inclus la santé, les hôpitaux et les EHPAD – et la transition écologique. Nous devons faire tous les bons investissements qui n'ont pas été faits depuis 2008.
S'agissant des OAT vertes, elles n'offrent pas un meilleur taux d'intérêt. Il n'est pas plus intéressant pour un investisseur de choisir une OAT verte plutôt qu'une OAT normale. Néanmoins, du point de vue du Parlement, c'est un très bon outil. Je vous invite à lire le rapport d'allocation et de performance de l'OAT verte publié par l'Agence France Trésor, qui permet d'identifier les dépenses financées dans ce cadre. L'État français s'engage à la transparence à l'égard des investisseurs, et c'est pour cela qu'ils sont au rendez-vous. Lorsque toutes les règles prudentielles seront adaptées à cet outil, la France aura peut-être un avantage concurrentiel sur les autres États.
Le débat sur le financement des dépenses de fonctionnement ou d'investissement me rappelle nos discussions lors de la présentation par Laurent Saint-Martin des conclusions de la mission d'information relative à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. La question est aujourd'hui de définir ce qu'on entend par investissement. Ainsi, les dépenses financées par l'OAT verte ne sont pas que des dépenses d'investissement : il y a aussi du fonctionnement, ce qui soulève des interrogations. Pour reprendre l'observation du président Woerth, nous pouvons nous réjouir de disposer de ce bel outil, mais il sera nécessairement moins efficace pour la transition s'il sert à financer des dépenses de fonctionnement.
La question sur l'identité des détenteurs de la dette publique m'est posée chaque année. Elle est détenue à 49 % par des non-résidents, dont 73 % sont en Europe – essentiellement des investisseurs institutionnels tels que la Banque centrale européenne –, 10 % aux États-Unis, 8 % en Asie, et 9 % dans le reste du monde. Depuis trois ans, je demande le détail précis de ces détenteurs pour déterminer, par exemple, quelles personnes physiques ou morales se partagent les 10 % de la dette détenue aux États-Unis, mais il est très difficile de le savoir. Dans les banques, des spécialistes sont chargés de ce sujet, mais nous n'avons pas de liste détaillée.
Quant à la composition de la dette, elle est à 92 % constituée d'obligations assimilables du Trésor (OAT), et à 8 % de bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté (BTF), qui sont des émissions à court terme.