La mission Santé comprend les dépenses de santé qui ne sont pas retracées dans le budget de la sécurité sociale : la politique de l'aide médicale d'État (AME), inscrite dans le programme 183 Protection maladie, et des actions de prévention constituant le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins.
Les crédits inscrits sur cette mission s'établissent à 1,1 milliard d'euros, en diminution de 20 % par rapport à 2019, en raison notamment d'un effet de périmètre majeur : le transfert, à partir de 2020, du financement des deux opérateurs principaux rattachés au programme 204 à l'assurance maladie. Celui-ci sera donc examiné dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Si la simplification des circuits de financement des agences sanitaires est nécessaire, de tels transferts successifs ont entraîné une diminution de 70 % des crédits versés au programme 204 depuis 2012. La disparition, cette année, de 60 % de ses crédits pose la question de la taille critique permettant à l'État de disposer, sur ce programme, d'une capacité de pilotage de la politique de santé publique. Plus largement, nous devons nous interroger sur le devenir de ce programme, voire de la mission Santé.
La mission soulève deux sujets importants. Le premier a trait à l'évolution de la politique de l'AME, qui couvre les dépenses de santé des personnes en situation irrégulière sur le territoire français. Je remarque que la dotation y afférente est stable, alors même que le nombre de bénéficiaires est reparti à la hausse en 2019 et que le coût moyen par bénéficiaire reste dynamique. Le Gouvernement estime que le renforcement de la lutte contre la fraude à l'AME permettra de limiter le caractère inflationniste de cette dépense en 2020. Si cette démarche va dans le bon sens, j'en estime les effets nettement insuffisants.
Il est temps de réformer de façon structurelle ce dispositif afin d'assurer sa soutenabilité financière et son acceptabilité par nos concitoyens. J'ai déposé des amendements en vue de recentrer le dispositif sur les soins vitaux et d'instaurer un droit de timbre à hauteur de 30 euros pour bénéficier de cette couverture santé. Je ne manquerai pas de me saisir des conclusions du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF), que nous attendons toujours et qu'il aurait été souhaitable d'avoir avant notre réunion d'aujourd'hui. Ce rapport doit dresser le bilan et avancer des propositions de réforme du dispositif. J'avais moi-même déposé un amendement en ce sens l'année dernière, mais il avait été rejeté, ce qui est regrettable puisqu'il nous aurait permis d'avancer sur ce dossier.
La réforme de l'AME doit s'inscrire dans le débat plus global que nous devons avoir à la fois sur la politique migratoire et sur l'importance des soins non facturés et des créances irrécouvrables par les hôpitaux au titre des soins de personnes étrangères en situation irrégulière ne remplissant pas les conditions pour obtenir une AME.
Le second sujet lié à la mission Santé me tient particulièrement à coeur et l'Assemblée nationale s'en est saisie : l'indemnisation des victimes de la Dépakine. L'année dernière, j'ai montré dans mon rapport la complexité du dispositif d'indemnisation instauré depuis 2017 ainsi que ses dysfonctionnements. Nous avons adopté, dans l'hémicycle, un amendement demandant un rapport sur la gestion de ce dispositif, puis, lors de notre dernier printemps de l'évaluation, à l'unanimité, une résolution sur l'opportunité de réformer celui-ci. Nous attendons toujours ce rapport, normalement prévu pour le 1er septembre ; le Gouvernement s'est engagé à nous le fournir avant l'examen en séance publique. Surtout, le Gouvernement devrait procéder par voie d'amendement à une modification substantielle du dispositif d'indemnisation : fusion des deux instances prévues initialement ; raccourcissement des délais dans lesquels une offre d'indemnisation en substitution est proposée aux victimes ; présomptions de connaissance des effets indésirables du médicament plus favorables aux victimes. Je voterai cette réforme si elle est présentée en l'état, qui va dans le sens d'une simplification du dispositif et qui devrait faciliter son accès pour les victimes, ce qui est un objectif essentiel.
De fait, au 30 septembre 2019, seulement 555 dossiers de victimes directes ont été reçus à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) alors que les prévisions initiales faisait état de 10 290 victimes qui pourraient être indemnisées, sur la base de prévisions scientifiques. Nous devons donc poursuivre le travail entrepris pour améliorer l'accès au dispositif, retrouver les familles concernées et les accompagner dans leurs démarches.
Dans un second temps, il nous faudra aussi revoir la budgétisation du dispositif. Celle-ci a été, pour l'instant, supérieure aux besoins effectifs, ce qui explique une diminution progressive des crédits inscrits sur ce poste de dépense : moins 40 % par rapport à 2019. Or nous ne pouvons nous satisfaire d'une baisse des crédits due au fait que ceux-ci n'ont pas été utilisés à cause de dysfonctionnements dans la procédure d'indemnisation.
Pour conclure, je voterai pour l'article additionnel portant réforme du dispositif d'indemnisation de la Dépakine, mais contre les crédits de cette mission, à cause notamment du caractère non soutenable de l'aide médicale d'État.